« Je voudrais essayer le CBD ! », quels conseils au comptoir ?

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« Je voudrais essayer le CBD ! », quels conseils au comptoir ?

Publié le 17 mai 2025
Par Nathalie Belin
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Un patient se présente en officine, demandant à tester la cannabidiol (CBD). Le pharmacien doit évaluer la situation, évoquer les effets indésirables, rechercher les interactions et orienter vers la solution la plus adaptée. Revue de détails.

1. Je questionne

Préciser la demande

« Pour quelles raisons ? » ; « Avez-vous déjà essayé d’autres traitements ou des compléments alimentaires pour vous soulager ? » ; « Avez-vous vu un médecin ? », fait le point sur la demande, les solutions éventuellement expérimentées et la nécessité d’un avis médical lorsque les troubles se prolongent ou récidivent.

Rechercher certains critères

« Prenez-vous des médicaments par ailleurs », explore un risque d’interactions médicamenteuses. « Avez-vous déjà essayé du CBD ? Sous quelle forme ? », oriente sur le choix du produit.

2. J’évalue

Recherchés pour leurs potentiels effets sur l’anxiété, le sommeil ou encore les douleurs, les produits à base de cannabidiol (CBD) sont très en vogue dans de nombreux commerces. Leur consommation n’est cependant pas anodine et incite l’Assurance maladie à recommander le circuit pharmaceutique afin de bénéficier des conseils et de l’accompagnement d’un professionnel de santé1.

De plus, selon un rapport2 financé par la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), la conformité des produits au regard de la réglementation (taux de THC éventuellement présent, adéquation entre le taux de CBD affiché et celui réellement mesuré) semble meilleure en officine que dans d’autres circuits de distribution (boutiques spécialisées, e-shop…).

3. Je passe en revue

Le CBD présent dans des compléments alimentaires, seul ou associé à d’autres composants (plantes, vitamines, minéraux, mélatonine…), vise plus particulièrement les troubles du sommeil, le stress, l’anxiété et le confort articulaire.

À noter : des cosmétiques à base de CBD ciblant essentiellement le bien-être articulaire sont également disponibles, la molécule présentant en effet des propriétés anti-inflammatoires par voie cutanée (démontrées uniquement in vitro).

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Les allégations

Faute de preuves de son efficacité, aucune allégation de santé ne lui est actuellement reconnue (lire encadré). Considéré comme un nouvel aliment, son évaluation européenne a été suspendue dans l’attente de résultats concernant notamment sa sécurité d’emploi. Les données manquantes concernent ses effets sur le foie, le tractus gastro-intestinal, le système endocrinien, le système nerveux et le bien-être psychologique.

Les galéniques

Lipophile, le CBD est souvent présenté sous forme d’huiles, neutres (CBD by Boiron, CBD Granions…) ou aromatisées (CBD Granions 10 % goût mangue-coco ou 20 % goût pêche-mangue, Équilibre Olisma 10 % ou 20 % goût mangue…).

Des formes sublinguales pouvant potentiellement améliorer sa biodisponibilité sont également disponibles (pastilles CBD Équilibre Olisma, Arko-Relax CBD Flexi-Doses…), ainsi que des formes « classiques » à avaler : comprimés Granions CBD Anti-stress (+ griffonia, rhodiole…), Apaisant (+ harpagophytum et boswellia) ou Sommeil (+ passiflore, mélatonine…) ; capsules D-Stress Relaxation (+ ashwagandha) ; gélules CBD Équilibre Olisma à libération prolongée…

Les différents extraits

Trois types de concentrations de CBD sont utilisés :

> À spectre complet ou entier (« full spectrum »), renfermant l’ensemble des composants de la plante dont un peu de THC (≤ 0,3 %), comme dans la gamme Stilla.

> À spectre large (« broad spectrum »), ne contenant pas de THC mais pouvant intégrer d’autres composants de la plante (flavonoïdes, terpènes…), à l’exemple des huiles CBD Granions et Olisma et des références D-Stress…

> À spectre étroit (isolats), maximisant la présence de CBD à plus de 95 %, à l’instar des huiles CBD by Boiron, des pastilles et gélules CBD Équilibre Olisma, des comprimés Granions CBD…

Les références à spectre étroit revendiquent un CBD « pur ». Celles à spectre complet ou large mettent en avant la présence d’autres composants de la plante susceptibles de potentialiser l’action du CBD.

Critères de conformité

Outre le seuil de 0,3 % de THC, au-delà duquel un produit n’est pas autorisé car relevant des stupéfiants, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a établi des critères de conformité des compléments alimentaires. Ainsi, une concentration maximale de 20 % de CBD pour les huiles et une dose maximale de 50 mg de CBD par jour ont été fixées.

Les huiles de CBD à plus de 20 % sont réservées à la voie cutanée.

Effets indésirables et interactions

Fatigue, baisse de vigilance, céphalées, voire troubles digestifs et augmentations des enzymes hépatiques sont des effets indésirables décrits avec le médicament Epidyolex (seul médicament actuellement commercialisé à base de cannabidiol). Rares à des doses ne dépassant pas 50 mg par jour, ces effets indésirables ne sont toutefois pas exclus, surtout au long cours en ce qui concerne la toxicité hépatique.

Métabolisé principalement par les isoenzymes 2C19 et 3A4 du cytochrome P450, le CBD interagit avec de nombreux médicaments, dont les antiépileptiques, la warfarine, les hormones thyroïdiennes, les immunosuppresseurs (ciclosporine et tacrolimus, notamment), la digoxine…

L’Epidyolex est déconseillé avant 18 ans et chez la femme enceinte ou allaitante par manque de données. La prudence est également recommandée chez les personnes souffrant de problèmes hépatiques.

4. Je choisis

> En initiation : une huile de CBD faiblement concentrée (5 ou 10 %), qui permet d’ajuster plus facilement le dosage et de tester la « sensibilité » de chaque patient à la molécule.

> En relais : une huile plus fortement dosée (20 %) ou une forme « solide », si l’administration de la forme huileuse déplaît (goût, praticité…).

5. J’explique

Les bénéfices potentiels du CBD ne sont que « symptomatiques ». S’il peut aider à surmonter des troubles passagers, il ne guérit pas l’anxiété, l’insomnie ou les douleurs chroniques, qui justifient un avis médical.

6. Je conseille

Les modalités de prise

Posologie. Débuter par un faible dosage, de l’ordre de 10 mg par jour, en augmentant progressivement les doses par paliers de 10 mg tous les 2 à 3 jours. Ne pas conduire avant les premières prises, afin de tester la sensibilité de l’organisme.

Formes huileuses. Doser l’huile à la petite cuillère avant administration pour éviter de verser accidentellement trop de gouttes en bouche. Il est conseillé de garder les gouttes sous la langue 1 à 2 minutes avant d’avaler. Il est possible de mélanger l’huile à une compote ou un yaourt. Attention, selon la taille des pipettes fournies, 1 goutte peut apporter une quantité différente de CBD pour une même concentration indiquée sur le packaging.

Galéniques en comprimés ou gélules. Les prendre au milieu d’un repas avec des corps gras peut optimiser la biodisponibilité.

Les autres produits à base de chanvre ou CBD

Les tisanes contenant du chanvre (disponibles sur Internet ou certains commerces) ne peuvent libérer le CBD qu’elles contiennent à moins d’y ajouter un corps gras (lait, crème), étant donné que celui-ci est insoluble dans l’eau.

L’huile de graines de chanvre (dans ArkoRelax Cannabis sativa, Valdispert Cannabis sativa…) ne contient pas de CBD, seulement des acides gras essentiels type oméga 3 et 6, potentiellement intéressants d’un point de vue nutritionnel, mais sans effets apaisants ou relaxants. L’huile essentielle de chanvre ne contient pas non plus de CBD.

1. « Cannabidiol (CBD) non médical : définition et précautions d’utilisation », Assurance maladie, 2 février 2023.

2. « Cannabidiol : analyse de produits “CBD non pharmaceutiques” disponibles sur le marché en France », Mildeca, 1er décembre 2023.

Le contexte

Le cannabidiol (CBD) est, avec le tétrahydrocannabinol (ou THC), l’un des principaux phytocannabinoïdes présent dans le chanvre ou « cannabis » (Cannabis sativa. L). Il est extrait des feuilles de la plante, qui renferme également d’autres cannabinoïdes et composants (flavonoïdes, terpènes…). Le CBD est autorisé dans divers produits à condition que leur teneur en THC soit inférieure à 0,3 %.

Cibles pharmacologiques. À la différence du THC, le CBD a peu d’effets sur les récepteurs endocannabinoïdes, mais il interagit avec des dizaines d’autres récepteurs dont ceux à la sérotonine, à la dopamine, au GABA. Il n’a donc pas les mêmes effets psychoactifs ni le potentiel addictif du THC et n’est donc pas un stupéfiant, mais il a des effets psychoactifs expliquant son intérêt thérapeutique.

Usage thérapeutique. L’Epidyolex, qui contient du cannabidiol, est indiqué dans le traitement de certaines épilepsies de l’enfant. Des spécialités avec du cannabidiol (associé ou non au THC) sont expérimentées, notamment dans des douleurs neuropathiques et spastiques comme celles de la sclérose en plaques.

Usage bien-être. Certaines études liées aux mécanismes d’action du CBD laissent suggérer un effet relaxant et apaisant susceptible d’améliorer le sommeil, le stress, voire d’aider à mieux supporter des douleurs chroniques, mais il n’existe pas de preuve d’efficacité du CBD dans ces domaines, contrairement au cas de l’épilepsie.