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« J’ai encore une crise de colite ! »

Publié le 23 janvier 2019
Par Nathalie Belin
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1 Je questionne

Préciser la demande

« Pouvez-vous me décrire vos symptômes ? Avez-vous des douleurs abdominales, des ballonnements, de la diarrhée ou une constipation ? », « Est-ce fréquent ? » et « Avez-vous consulté un médecin ? Que vous a-t-il dit ? » recherchent un contexte de récidive et vérifient qu’un diagnostic a été posé.

Rechercher certains critères

« Les symptômes sont-ils comme d’habitude ? », « S’aggravent-ils ? » et « Pas de fièvre, de sang dans les selles, une perte de poids ou autre ? » évaluent la nécessité d’un avis médical.

Établir la prise en charge

« Êtes-vous suivi pour une maladie ? », « Que prenez-vous habituellement pour vous soulager ? » orientent le conseil.

2 J’évalue

La colopathie ou syndrome de l’intestin irritable est une affection fréquente – prévalence entre 5 et 10 %. Elle concerne surtout les femmes et fait l’objet d’une importante automédication. Une prise en charge à l’officine est possible une fois le diagnostic posé pour éliminer une pathologie plus grave telle qu’une maladie de Crohn ou une rectocolite hémorragique, et rechercher une intolérance alimentaire, au lactose notamment. Un avis médical s’impose chez l’enfant ou devant des signes de gravité : modification brutale des symptômes, surtout après 50 ans, ou apparition de sang dans les selles, douleurs abdominales importantes, fièvre, amaigrissement inexpliqué.

3 Je passe en revue

Antispasmodiques

• Les médicaments antispasmodiques musculotropes constituent le traitement de première intention. Ils réduisent la douleur et l’inconfort abdominal même si leur efficacité, variable d’une personne à l’autre, reste modeste et peut s’estomper avec le temps. Il peut être nécessaire d’essayer plusieurs molécules et parfois d’en changer. Exemples : phloroglucinol (Spasfon, Spasmocalm, avec siméticone dans Météoxane), trimébutine (Débricalm), citrate d’alvérine (associé à la siméticone dans Météospasmyl, Dolospasmyl), papavérine (dans Acticarbine en association au charbon)…

À noter : une étude clinique en 2014 a montré que le citrate d’alvérine est plus efficace sur les douleurs abdominales et les ballonnements par rapport à d’autres.

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En pratique : à prendre lors des douleurs ou en début de repas. Pas plus d’une semaine en continu en automédication.

• La mélisse a des propriétés antispasmodiques digestives et calmantes intéressantes en cas de composante anxieuse. L’Agence européenne du médicament et l’OMS reconnaissent son usage traditionnel pour soulager les troubles gastrointestinaux légers.

• L’huile essentielle de menthe poivrée a des propriétés antispasmodiques digestives, analgésiques et anti-inflammatoires.

En pratique : contre-indiquée avant 7 ans, en cas d’épilepsie, d’asthme ou d’antécédents de convulsions. Posologie : 1 goutte 2 fois par jour durant 2 à 5 jours.

Adsorbants intestinaux

Ils réduisent les ballonnements en limitant la formation des gaz digestifs (siméticone) ou en les adsorbant (charbon, argile). La montmorillonite (Bedelix), en tapissant la muqueuse intestinale, aurait aussi un effet sur les douleurs abdominales ; une étude clinique a montré qu’elle soulage la douleur abdominale et améliore le confort digestif en cas de tendance à la constipation. Exemples : charbon (Arkogélules Charbon végétal…), siméticone (Siligaz, Dulcogas…), argile type montmorillonite beidellitique (Bedelix). En pratique : à prendre avant les repas ou au moment de la gêne à au moins 2 heures de distance de tout autre traitement pour le charbon et l’argile.

Rééquilibrant de la flore intestinale

Les probiotiques, en agissant sur le déséquilibre avéré du microbiote (dysbiose), peuvent contribuer à soulager les douleurs abdominales, les ballonnements et les troubles du transit. Les références ayant fait l’objet d’études cliniques de bonne méthodologie dans la colopathie sont peu nombreuses. On ne peut prédire l’efficacité d’une référence du fait d’une grande variabilité interindividuelle de la réponse. La dose n’est pas non plus un critère de choix, les plus importantes ne sont pas forcément les plus efficaces.

En pratique : « Orienter en première intention vers des références ayant fait l’objet d’études cliniques », conseille le Pr Jean-Marc Sabaté, gastro-entérologue à l’hôpital Avicenne de Bobigny (93). Par prudence, déconseiller les probiotiques chez des personnes immunodéprimées.

Contribuant à réduire l’hyperméabilité intestinale

La glutamine est un acide aminé qui sert de carburant aux cellules intestinales et aide à préserver leur fonction « barrière » ; elle intervient au niveau des « jonctions serrées » de la muqueuse notamment. Certains complexes végétaux, en formant un film protecteur sur la muqueuse intestinale, visent à diminuer l’inflammation locale. Des patients rapportent une amélioration des douleurs abdominales et des selles moins fréquentes sous glutamine. Une étude a montré son intérêt à la dose de 5 grammes 3 fois par jour chez des patients ayant une colopathie à prédominance diarrhéique dont les symptômes ont été déclenchés par une gastroentérite. Les complexes végétaux sont sans efficacité clinique démontrée. En pratique : plusieurs jours de prise peuvent être nécessaires avant amélioration.

Autres

Pour calmer les douleurs et l’inconfort abdominal, la menthe poivrée, la mélisse, ainsi que le curcuma en raison de ses propriétés anti-inflammatoires et antioxydantes à visée générale mais aussi digestives. Certains patients rapportent une amélioration des douleurs abdominales et des flatulences. Attention, le curcuma pourrait potentialiser l’action des médicaments anticoagulants.

Action sur le transit

• En cas de constipation, les laxatifs doux type macrogols (ForlaxLib, Dulcosoft…) ou les fibres solubles (psyllium, ispaghul) sont privilégiés. Ils n’aggravent pas les ballonnements ou les douleurs abdominales, à l’inverse des polyols faisant l’objet de fermentation, tel Lactulose, ou aux fibres insolubles (son de blé…) souvent mal tolérées.

• En cas de diarrhée gênante, le lopéramide est le plus efficace mais ponctuellement et à dose minimale pour éviter une constipation secondaire.

4 Je choisis

Selon l’intensité des signes cliniques

• Symptômes gênants : privilégier des médicaments d’action rapide et changer de molécules le cas échéant selon les traitements antérieurs +/- solutions pour limiter les récidives dont probiotiques.

• Symptômes légers ou modérés : probiotiques +/- autres solutions, médicamenteuses ou non selon les troubles.

Selon le type de symptômes

• Les douleurs abdominales prédominent : antispasmodiques et/ou montmorillonite si constipation +/- probiotiques (voir tableau), plante ou huile essentielle.

• Les ballonnements sont gênants : adsorbants intestinaux, probiotiques +/- plantes.

• Tendance à la diarrhée : probiotiques.

En tenant compte du patient

• Immunodéprimé : pas de probiotiques.

• Médicaments : avec les adsorbants intestinaux, décaler la prise de 2 heures. Sous anticoagulants, pas de curcuma.

5 J’explique

Les traitements ont une action symptomatique. En plus de mesures hygiénodiététiques (alimentation adaptée, réduction du stress…), ils améliorent les symptômes et peuvent aider à espacer les crises. Si l’automédication ne soulage pas après 1 semaine, consulter un médecin.

6 Je conseille

Les modalités de prise

• Adsorbants intestinaux : attention aux interactions avec tout autre traitement.

• Probiotiques : encourager une prise régulière. « Recommander d’essayer une autre référence en l’absence d’amélioration au bout de 2 à 3 semaines », précise le Pr Sabaté. Si la référence est efficace, poursuivre 6 à 8 semaines au moins. À l’arrêt, la flore digestive va progressivement revenir à son état initial, d’où un risque de récidive. Des experts recommandent donc une administration au long cours. Sous antibiotique, prendre le probiotique à distance (au moins 2 heures) pour éviter d’inactiver les ferments lactiques.

• Glutamine, plantes ou complexes végétaux : pas plus de 2 mois en continu.

L’alimentation

• Recommander des repas à heures fixes, dans le calme, en prenant soin de bien mastiquer les aliments. Limiter les grignotages entre les repas, car ils favorisent les ballonnements, l’alcool et le café, irritants, et les repas copieux ou riches en graisse qui ralentissent la digestion.

• Limiter les FODMAPS (Fermentable Oligo-, Di-, Monosaccharides And Polyols). Ce sont les aliments riches en sucres fermentescibles qui favorisent la production de gaz intestinaux (fructose, lactose, sorbitol, polyols, fructo-oligosaccharides…) : certains fruits (pomme, poire, melon…) et légumes (oignon, ail, artichaut, légumineuses, champignon, choux, fruits secs…), produits laitiers, produits « sans sucres » renfermant des édulcorants type polyols. Un régime strict d’exclusion de ces aliments s’envisage seulement en cas de troubles très gênants, avec le suivi d’un diététicien et sur un mois maximum, lors des poussées, pour éviter toute carence. Essayer d’abord de supprimer les aliments les plus mal tolérés (choux, légumineuses…), et de diminuer produits laitiers, certains fruits, son, épeautre, graines de lin… Certaines fibres sont bien supportées : légumes cuits sauf choux, avoine, seigle, et les agrumes par exemple.

La gestion du stress

• Des études montrent que l’hypnose peut contribuer à réduire les symptômes chez certains. D’autres approches peuvent être essayées comme la sophrologie, l’acupuncture ou encore la méditation pleine conscience.

• Une activité physique régulière, qui participe au bien-être, est à encourager.

Avec l’aimable participation du Pr Jean-Marc Sabaté, gastro-entérologue à l’hôpital Avicenne (Bobigny, 93), président du comité scientifique de l’Apssii (Association des patients souffrant du syndrome de l’intestin irritable).

Le contexte

Le syndrome de l’intestin irritable, appelé colopathie fonctionnelle ou colite spasmodique, associe des douleurs abdominales, avec très souvent un ballonnement, à des troubles du transit : diarrhée, constipation ou alternance des deux.

• Diagnostic : troubles évoluant depuis au moins 6 mois et survenant en moyenne au moins 1 jour par semaine les 3 derniers mois, avec état général conservé et pas d’amaigrissement.

• Évolution : symptômes survenant le plus souvent par intermittence, sous forme de crises de quelques heures à quelques jours.

Certains aliments, le stress, l’anxiété influent sur la fréquence et la sévérité des crises.

• Physiopathologie : elle est multifactorielle. Elle associe des troubles de la motricité intestinale et de la sensibilité digestive (dysfonctionnement du « dialogue intestin-cerveau »), une inflammation chronique moindre que dans une maladie de Crohn ou une rectocolite, et des modifications du microbiote intestinal ou dysbiose.