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Levée de l’obligation vaccinale : des professionnels piqués au vif
Il n’est plus justifié d’obliger les soignants à se faire vacciner contre le Covid-19 et le DTP. La position de la Haute Autorité de santé a irrité la plupart des professionnels de santé, qui devront prochainement accueillir leurs collègues non vaccinés. Ambiance.
Saisie par la Direction générale de la santé (DGS) pour mettre à jour ses recommandations sur les obligations vaccinales en vigueur pour les professionnels de santé, la Haute Autorité de santé (HAS) préconise, dans un avis diffusé le 30 mars, de lever la vaccination obligatoire contre le Covid-19, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP). Seule l’obligation vaccinale contre l’hépatite B est maintenue. Après s’être confrontée aux contributions des intéressés, l’autorité, qui savait le sujet « sensible », reste donc fidèle à son premier avis de début d’année. Elle a été suivie par le ministère de la Santé et de la Prévention. Au grand dam de la plupart des professionnels et des associations de patients.
Une question d’honneur
La levée de l’obligation vaccinale est en effet « problématique » pour la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf). « D’une part, les couvertures vaccinales chez les professionnels de santé pour les vaccins non obligatoires (grippe au premier chef) restent faibles et l’appel à la responsabilité individuelle (pour ce qui est des infections transmises du soignant au soigné) apparaît insuffisant. D’autre part, la plupart de ces obligations sont actuellement bien acceptées par la plupart des professionnels de santé », précisait dans sa contribution la société savante, qui regrette déjà le « message d’exemplarité » porté par l’obligation vaccinale de soignants.
Une position partagée par le collectif No FakeMed, à l’origine du déremboursement de l’homéopathie : « Lever une obligation aujourd’hui acceptée et pérenne, avec comme argument que la couverture des personnes est de plus de 90 %, quand cette vaccination est aujourd’hui obligatoire, sans étude d’impact plus approfondie, et au regard des risques actuels de déstabilisation/surcharge du système de santé et d’une balance bénéfice/risque qui reste favorable, c’est prendre le risque de devoir vacciner en catastrophe des personnes-ressources clés dans un système en crise. »
La Société française de pharmacologie et de thérapeutique (SFPT) dénonçait aussi dans sa contribution un mauvais timing : « Il serait en effet paradoxal de lever l’obligation vaccinale pour le DTP chez les soignants alors que cette obligation a été introduite pour la population générale », depuis 2017, pour les enfants jusqu’à 2 ans. « Justement, répond la Pre Elisabeth Bouvet, présidente de la commission technique des vaccinations de la HAS. A partir du moment où la population générale est très très largement vaccinée, il n’y a pas besoin d’obligation spécifique pour la population des soignants. »
Pour l’Académie nationale de médecine, dans son communiqué du 31 mars, c’est « l’honneur » d’une profession « pas comme les autres » qui est touché.
Du grain à moudre pour les antivax
« Cette dégradation de la stratégie de l’“obligation” à la “recommandation” sera considérée par les détracteurs de la vaccination comme un désaveu de la stratégie actuelle et utilisé comme tel ». La Société française d’hygiène hospitalière avait aussi prévenu. Même vive inquiétude pour l’association Renaloo : « Quelles garanties apporter aux patients, dont la santé et la vie sont en jeu, sur la sécurité et la qualité des soins qu’ils recevront de la part de professionnels potentiellement hostiles à la vaccination, sur ce sujet comme sur d’autres ? Comment les préserver du charlatanisme ? »
Mais les différentes alertes des contributeurs n’ont visiblement pas pesé lourd dans les délibérations de la HAS.
« Dans un contexte où le mouvement antivax a pris une ampleur alarmante au sein de notre société, y compris chez les soignants, la levée de cette obligation constitue un risque pour la santé des patients », plaident les Libéraux de santé, regroupement de dix syndicats de professionnels de santé, dont la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), dans un communiqué du 5 avril. Ils « s’inquiètent ». « La vaccination est le socle de la politique de prévention et doit le rester », clament-ils.
La délicate question du Covid-19
Dans la foulée des recommandations de la HAS, le ministère de la Santé et de la Prévention a tranché, sans même attendre l’avis du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE). Il suit. Conséquence : les soignants suspendus pour non-vaccination contre le Covid-19 seront réintégrés. « Néanmoins, la mise en œuvre de cette décision nécessite un petit temps de concertation, notamment avec les fédérations qui représentent les employeurs des professionnels de santé et les ordres professionnels, explique le cabinet ministériel. Nous allons définir avec ces représentants les modalités de leur réintégration pour que cela se passe dans de bonnes conditions. » Ce qui ne prendrait que quelques jours ou semaines, l’idée étant, pour le ministère, d’« aller vite ».
A l’officine, cette décision permettrait de réintégrer 1 500 préparateurs et pharmaciens. L’accueil de la nouvelle est mitigé. « A la FSPF, nous soutenons par principe toujours les positions des autorités de santé, même si nous maintenons notre opinion de soutien à l’obligation vaccinale des soignants, rappelle Philippe Besset, son président. Quand l’obligation vaccinale a été instaurée, nous avons fait en sorte qu’elle soit respectée. Aujourd’hui, la donne a changé. Le rapport bénéfice/risque entre la vaccination obligatoire et le fait d’avoir des salariés en moins dans nos équipes s’est inversé. Dès que les textes seront publiés au Journal officiel, nous inviterons nos confrères à réintégrer les préparateurs et pharmaciens non vaccinés. » Même réserve du côté de Pierre-Olivier Variot, le président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). « Même si je ne suis personnellement pas d’accord avec cette recommandation, sur le fond, je la comprends, la circulation du virus et sa virulence ayant diminué », reconnaît-il. Ce que l’USPO demande maintenant à l’Etat, c’est de se positionner clairement. « Si l’on doit réintégrer les préparateurs et pharmaciens non vaccinés, la décision doit être ferme et définitive, quelle que soit l’évolution de la situation sanitaire. Et si la suspension devait un jour être réactivée, il faudra alors nous autoriser à mettre un terme à leur contrat de travail car à force de faire des allers-retours, on va finir par mettre en difficulté des titulaires qui ne pourront pas se projeter dans l’avenir. Je rappelle que, jusqu’à présent, le gouvernement, malgré nos demandes, ne nous a jamais autorisés à les licencier, considérant qu’ils faisaient toujours partie des salariés. Les titulaires ont donc été contraints de recruter en CDD, ce qui coûte plus cher. Et comme beaucoup n’ont trouvé personne pour les remplacer, cela fait maintenant plus de deux ans que certains confrères travaillent avec un ou deux salariés en moins dans leur effectif. Cette situation ne peut plus durer… »
Côté HAS, le travail n’est pas fini. L’instance planche sur le deuxième volet de ses recommandations, cette fois sur les vaccinations actuellement recommandées pour les soignants (coqueluche, grippe, hépatite A, rougeole, oreillons, rubéole et varicelle). Son avis est attendu pour juillet.
L’obligation vaccinale pour les professionnels de santé contre le DTP et le Covid-19 va être levée. Le ministère de la Santé suit cette recommandation de la HAS.
Les soignants non vaccinés seront réintégrés après concertation avec les ordres professionnels et les organismes et syndicats employeurs. Plusieurs professionnels se sont élevés contre cette décision.
Un décret définissant les modalités de leur retour sera publié prochainement.
Un seul impératif… qui ne concerne pas les officinaux
La HAS recommande de maintenir l’obligation d’immunisation contre l’hépatite B pour les professionnels exerçant dans un établissement ou un organisme public ou privé de prévention ou de soins à risque d’exposition et les étudiants, et l’élargit aux professionnels libéraux susceptibles d’être exposés à un risque de contamination ou d’exposer les personnes dont ils ont la charge.
Mais elle n’intègre pas les officinaux dans cette catégorie, considérant qu’ils n’effectuent pas « de prise de sang ou d’actes invasifs ». « De toute façon, tous ces professionnels qui ont fait leurs études en France seront vaccinés », tempère la Pre Elisabeth Bouvet, présidente de la commission technique des vaccinations à la HAS.
À retenir
L’obligation vaccinale pour les professionnels de santé contre le DTP et le Covid-19 va être levée. Le ministère de la Santé suit cette recommandation de la HAS.
Les soignants non vaccinés seront réintégrés après concertation avec les ordres professionnels et les organismes et syndicats employeurs. Plusieurs professionnels se sont élevés contre cette décision.
Un décret définissant les modalités de leur retour sera publié prochainement.
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