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Le défi de l’immunisation active contre le Covid-19

Publié le 16 janvier 2021
Par Yolande Gauthier
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L’Europe dispose depuis le 6 janvier de deux vaccins à ARN messager contre le Covid-19 : celui de Pfizer/BioNTech (Comirnaty) et celui de Moderna. Le vaccin AstraZeneca pourrait arriver fin janvier. Après avoir démarré (très) lentement, la campagne de vaccination prend de l’ampleur.

Selon le ministère des Solidarités et de la Santé, plus de 138 000 Français ont reçu la première dose du vaccin au 11 janvier 2021. Certes, la logistique particulière inhérente aux conditions de conservation des produits a pu ralentir leur mise à disposition. Certes, seules quelques catégories de population sont pour l’instant concernées : résidents des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou services de long séjour, personnel à risque desdits établissements, pompiers et professionnels des secteurs de la santé et du médicosocial âgés de plus de 50 ans ou présentant des comorbidités. Mais la pression monte pour une mise à disposition accélérée et les annonces fusent de tous côtés.

Le Royaume-Uni, submergé par le nouveau variant du virus et craignant des pénuries, a rapidement décidé d’administrer la première dose de vaccin Pfizer/BioNTech ou université d’Oxford/AstraZeneca au plus grand nombre possible de personnes à risque. Le pays prévoit ainsi d’espacer jusqu’à 12 semaines (durée inscrite dans la notice britannique du vaccin AstraZeneca) l’intervalle entre deux injections et n’écarte pas la possibilité de recevoir des vaccins différents « en cas d’indisponibilité du même vaccin ou si le premier produit reçu est inconnu ». L’Agence européenne des médicaments (EMA) et la Food and Drug Administration (FDA) américaine se sont montrées plus que réticentes à de telles utilisations. « Tout changement à ce sujet nécessiterait une modification de l’autorisation de mise sur le marché (AMM), ainsi que davantage de données cliniques », juge l’EMA. Pour la FDA, « suggérer des modifications dans la posologie ou le calendrier autorisés est pour l’instant prématuré et n’est pas solidement ancré dans les preuves disponibles ». Pfizer/BioNTech a rappelé de son côté n’avoir pas évalué son vaccin dans ces conditions. L’espacement entre les doses fait malgré tout tache d’huile. Ainsi, le Danemark a rapidement porté à six semaines (au lieu de trois) le délai entre deux doses de Comirnaty. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a emboîté le pas le 8 janvier « au vu des circonstances actuelles spécifiques (besoin logistique, pénurie) ». Il faut néanmoins souligner que cet intervalle a été étudié dans l’essai clinique du vaccin, puisque la deuxième dose y a été reçue entre 19 et 42 jours après la première. L’ANSM précise également que « rien ne prouve qu’une seconde dose administrée au-delà de 42 jours conserve l’efficacité à moyen et long termes du vaccin ». Dans l’essai Moderna, la deuxième dose a été reçue entre 25 et 35 jours après la première. La Haute Autorité de santé (HAS) recommande le respect du délai de 28 jours figurant dans l’AMM. « Il n’est pas utile de faire la deuxième dose d’un vaccin avant 21 ou 28 jours, mais il n’y a pas de problème à espacer les doses car il y a déjà une immunité humorale induite par la première dose de vaccin qui se poursuit, et est relancée par la deuxième dose », a rappelé Elisabeth Bouvet, présidente de la commission technique des vaccinations de la HAS.

Pas d’interchangeabilité

Les deux vaccins disponibles étant équivalents, l’un ou l’autre peuvent être indifféremment utilisés dans le respect de leur indication. En l’état actuel des connaissances et en l’absence de données, les personnes à qui une dose a été administrée doivent recevoir la deuxième dose du même vaccin. Il n’est pas question d’interchangeabilité entre vaccins à ARNm pour l’instant.

Les conséquences d’usages hors AMM à grande échelle sont inconnues. Le spectre d’une efficacité insuffisante est évoqué, avec en perspective la perte de confiance dans la vaccination si le patient est infecté entre deux doses. Ou, pire encore, le risque de voir émerger de nouveaux variants du virus résistants aux vaccins. Les premières études in vitro sur l’efficacité de Comirnaty contre les variants anglais et sud-africain sont pour l’instant rassurantes sur ce point. Une mauvaise immunité associée à un abandon des gestes barrières pendant plusieurs semaines entre les deux doses aurait aussi un effet délétère. Sans parler de l’incompréhension engendrée par des modifications successives de la politique vaccinale.

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