Épidémie de chikungunya à Mayotte : l’île submergée par les virus

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Épidémie de chikungunya à Mayotte : l’île submergée par les virus

Publié le 2 juin 2025
Par Christelle Pangrazzi
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L’épidémie de chikungunya désormais déclarée à Mayotte révèle l’extrême fragilité du système de santé de ce territoire ultramarin, déjà confronté à une succession de crises sanitaires et climatiques. En dépit des alertes, la réponse institutionnelle reste contrainte par le manque de moyens humains, logistiques et hospitaliers.

La confirmation officielle est tombée lundi 27 mai : Mayotte est entrée en phase épidémique de chikungunya. Selon Santé publique France, l’île de l’océan Indien est confrontée à une « transmission intense et généralisée » de cette maladie virale transmise par les moustiques Aedes. Au cours de la semaine du 19 au 25 mai, 204 nouveaux cas ont été recensés, soit une hausse de 42 % en une semaine. Le nombre total de cas confirmés atteint désormais 560 depuis le début de l’année.

L’agence de veille sanitaire précise que ces données sont encore provisoires et probablement très inférieures à la réalité. « La situation réelle pourrait être largement sous-estimée », indique le dernier bulletin épidémiologique, en raison de la sous-détection des cas et du retard dans la confirmation biologique. Les signalements sont en hausse continue depuis plusieurs semaines, témoignant d’un emballement rapide de la dynamique virale.

Femmes enceintes et nourrissons particulièrement exposés

Depuis l’identification du premier cas autochtone, 15 personnes ont nécessité une hospitalisation. Parmi elles, huit femmes enceintes ont été admises à des fins de surveillance, ainsi que cinq nourrissons de moins d’un an. Aucune admission en réanimation ni décès n’ont été signalés à ce stade, mais le profil des patients hospitalisés alerte les autorités sur la vulnérabilité accrue de certains publics.

Chez les femmes enceintes, le chikungunya peut entraîner des complications obstétricales et des risques de transmission néonatale. Chez les nourrissons, les formes sévères sont rares mais redoutées. Dans un contexte de démographie dynamique – plus de 50 % de la population a moins de 18 ans – et de précarité généralisée, la capacité des structures de soins à gérer les formes graves reste très limitée.

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Un territoire sous tension permanente

Ce nouveau choc épidémique survient dans un département où le système de santé est déjà largement sous-dimensionné. Mayotte, territoire le plus pauvre de France, cumule inégalités sociales, accès restreint aux soins, pénurie de professionnels de santé et hôpital en tension permanente. En 2024, l’île a déjà subi une épidémie de choléra, et les conséquences du cyclone Chido, qui a fait une quarantaine de morts en décembre, continuent de désorganiser les circuits d’approvisionnement en eau potable et les infrastructures sanitaires.

Le ministère de la Santé prévoit une campagne de vaccination ciblée contre le chikungunya, à destination des adultes les plus à risque. Le vaccin, bien que disponible sur le marché international depuis plusieurs années, n’est pas encore intégré dans la stratégie vaccinale de droit commun en France, et reste peu accessible en officine. L’opération pourrait ainsi être restreinte à certains publics prioritaires et dépendra des stocks mobilisables en urgence.

La Réunion également frappée

À près de 1 500 kilomètres à l’est, La Réunion fait face à une situation épidémique bien plus avancée. Depuis le début de l’année, plusieurs dizaines de milliers de cas de chikungunya y ont été rapportés, ainsi que 12 décès, selon les dernières données officielles. L’île dispose cependant d’un système de santé plus robuste, avec des capacités hospitalières mieux dimensionnées, bien que déjà éprouvées.

La concomitance de deux épidémies dans des départements français d’outre-mer, dans un intervalle si court, renforce les inquiétudes autour de la gestion anticipée des risques vectoriels. À Mayotte comme à La Réunion, les conditions climatiques, les mobilités humaines et les faiblesses de l’urbanisme sanitaire créent un écosystème favorable à la prolifération des moustiques vecteurs.