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Autotests Covid-19 et grippe : des révélations négatives
Depuis la pandémie de Covid-19 se faire tester au moyen d’un autotest antigénique est devenu un geste courant. Ces autotests se sont diversifiés, offrant désormais la possibilité de détecter simultanément le Covid-19, la grippe et, depuis peu, le virus respiratoire syncytial (VRS). Dans leurs notices, les fabricants promettent souvent des résultats d’une très grande fiabilité. Mais dans les faits, rien n’est moins sûr.
L’envers du marquage CE
Dispositifs médicaux régis par la réglementation européenne, les autotests doivent obtenir le marquage CE pour être mis sur le marché. Cette certification prouve leur conformité aux critères de sécurité et de performances édictés par l’Union européenne. Elle exige des preuves cliniques « fiables et robustes » qu’un organisme de contrôle indépendant doit vérifier. « Le problème de ces organismes notifiés est qu’ils ne conduisent pas d’études indépendantes. Ils exercent une mission de contrôle sur des dizaines de milliers de produits différents et ne peuvent donc se targuer d’aucune expertise en matière d’autotests », prévient Guillaume Racle, conseiller en économie et offre de santé au sein de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), pour qui le marquage CE est une « passoire » et en aucun cas un mécanisme réglementaire efficace.
Les exemples d’autotests dûment certifiés qui comportent des défaillances existent. En 2021, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a retiré du marché un autotest Covid-19 fabriqué par la société chinoise Hangzhou Realy Tech, qui produisait de nombreux faux positifs et des défauts de migration rendant impossible la lecture du résultat. Même sort en 2020 pour un produit du laboratoire chinois VivaChek, à la suite de plusieurs signalements d’officinaux faisant état de très nombreux faux positifs.
Une sensibilité de 80 %, vraiment ?
Pour la Haute Autorité de santé (HAS), un autotest antigénique efficace doit justifier d’une sensibilité clinique supérieure ou égale à 80 %. Un score que revendiquent à tort certains fabricants. « Nous avons identifié des cas de falsification pure et dure : le fabricant présentait dans sa notice une sensibilité de 60 % puis, après nos observations, nous renvoyait dans la demi-heure le même document où le “6” était remplacé par un “8”, en évoquant une faute de frappe », affirme Cédric Carbonneil, chef du service d’évaluation des actes professionnels à la Haute Autorité de santé (HAS).
« Nous avons reçu des documents qui ne correspondaient pas vraiment à des études cliniques réalisées sur des patients. Pour ces travaux, les fabricants ajoutent des concentrations connues du virus dans des sérums de personnes non infectées pour voir ce que l’autotest est capable de détecter. Ils font ensuite passer ces performances analytiques pour des performances cliniques, qu’ils convertissent en sensibilité. C’est comme ça que l’on se retrouve avec des sensibilités dépassant les 95 % alors que c’est totalement irréalisable », poursuit l’expert.
Un autre travers courant consiste à baser les performances diagnostiques d’un autotest exclusivement sur des patients dont on connaît le statut viral. « C’est une étape nécessaire de l’étude clinique mais elle doit être impérativement suivie par des tests en conditions réelles sur des personnes dont on ne sait pas si elles sont malades ou pas. » Autre façon d’améliorer artificiellement les résultats : retirer de l’étude les cas prouvant une moins bonne détection du virus. « On sait que ces tests vont avoir des difficultés à détecter positivement des patients avec des charges virales faibles. Certains laboratoires n’hésitent pas à éliminer purement et simplement ces données. »
Jusqu’à 150 000 € d’amende
Selon la réglementation européenne, le pharmacien est responsable du référencement, de la dispensation et de la traçabilité des autotests qu’il commercialise. « Si je vends un autotest peu fiable à une personne désireuse de se tester avant de rendre visite à ses parents âgés, et que ces derniers tombent gravement malades ou décèdent, ma responsabilité risque-t-elle d’être engagée ? », s’inquiète Guillaume Racle. Avec son syndicat, le pharmacien a alerté l’ANSM au sujet d’au moins trois autotests grippe/Covid-19. « Ce qui nous a mis la puce à l’oreille, c’est que les fabricants vantent des sensibilités de 99 % sur la valence grippe alors que la HAS affirme que le meilleur test atteint un tout petit peu plus de 90 %. »
Les pharmaciens doivent notamment s’assurer de la présence du marquage CE sur l’autotest ainsi que des notices et étiquetages obligatoires. Ils ont également l’obligation de déclarer à l’ANSM toute défaillance (comme un faux négatif ou un faux positif) ou altération des caractéristiques ou des performances du test, mais aussi toute inadéquation dans l’étiquetage ou la notice d’utilisation pouvant entraîner des effets néfastes pour la santé des patients. Les peines encourues pour le non-respect de la réglementation peuvent aller jusqu’à deux ans de prison et 150 000 € d’amende.
Une autre difficulté est le bon usage de l’autotest. « Il n’y a aucune garantie d’utilisation optimale de la part des patients. La sensibilité peut être amoindrie par un prélèvement mal fait. Le moment où la personne se teste est également important : si elle le fait trop tôt, sans aucun symptôme apparent, la charge virale sera peut-être trop faible pour être détectée par le dispositif, alors que le patient est contaminant », explique Martial Fraysse, pharmacien et membre de l’Académie nationale de pharmacie. D’où l’importance pour les patients de bénéficier du conseil de leur pharmacien.
À retenir
- Le marquage CE n’est pas une garantie suffisante de la fiabilité des tests antigéniques.
- Le pharmacien est responsable du référencement, de la dispensation et de la traçabilité des autotests qu’il commercialise.
- La HAS s’exprimera en 2026 sur la pertinence d’une prise en charge des Trod combinés.
Une liste d’autotests approuvés ?
Durant la pandémie, les officinaux avaient accès, via le site du ministère de la Santé, à une liste répertoriant les Trod et autotests Covid-19 conformes aux standards fixés par la HAS. « Réintroduire cet outil nous permettrait de mieux choisir ceux à proposer à nos patients », estime Guillaume Racle.
« Les travaux conduits entre 2020 et 2021 et qui ont abouti à la mise en place de cette liste s’inscrivent dans le cadre des mesures d’urgence sanitaire. Nos missions légales au sein de la HAS ne nous permettent d’émettre des avis que lorsqu’un industriel sollicite le remboursement de son produit de santé », explique Cédric Carbonneil. Il ajoute que la mise en œuvre d’un tel dispositif serait ardue. « Toute une infrastructure est nécessaire pour recevoir et instruire les dossiers, et pour mener dans certains cas des tests en laboratoire afin de vérifier l’exactitude des allégations, que ce soit au niveau de l’ANSM ou des centres nationaux de référence (CNR). Cela nécessite beaucoup de ressources, qui étaient disponibles pendant la crise du Covid-19 et je ne pense pas qu’elle existent encore actuellement. »
« Un meilleur contrôle doit s’exercer sur ces laboratoires, afin qu’ils produisent des données cliniques plus rigoureuses. Trois feuilles notifiées à la hâte par un organisme de contrôle, ça ne suffit pas », assure Martial Fraysse.
« L’amélioration va arriver avec le nouveau marquage CE, qui obligera les fabricants à fournir des données plus abouties. Les organismes notifiés ne conduiront toujours pas d’études mais la nouvelle réglementation leur imposera de monter en compétences pour l’évaluation clinique, d’assumer ce nouveau rôle en plus de celui d’évaluer des processus de qualité », confie Cédric Carbonneil.
La vigilance des pharmaciens peut aussi contribuer à renforcer l’offre en matière d’autotests : « Les signalements des professionnels de santé sont très importants car ils peuvent conduire à une évaluation du produit par l’ANSM, voire à son retrait par décision de police sanitaire », poursuit l’expert de la HAS.
L’évaluation des Trod combinés suit son cours
Dans son premier avis, rendu en juin 2023, la Haute Autorité de santé (HAS) estimait qu’une prise en charge des tests rapides d’orientation diagnostiques (Trod) combinés Covid-19/grippe et Covid-19/grippe/VRS pouvait être pertinente à l’échelon populationnel. « Les Trod sont essentiels dans le cadre d’une stratégie de dépistage, car ils permettent d’éviter une dispensation inutile d’antibiotiques et donc une consommation de médicaments. Ils facilitent également la mise en place de mesures barrières pour éviter la propagation des maladies. Sans oublier leur rôle dans la veille sanitaire », assure Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).
« Nous attendons des études de performance diagnostique de ces tests, en particulier pour la grippe, car les Trod d’ancienne génération avaient donné des résultats peu concluants pour cette valence. Nous allons également étudier leur utilité clinique, c’est-à-dire leur impact sur la consommation d’antibiotiques, les envois aux urgences et les reconsultations », explique Cédric Carbonneil, chef du service d’évaluation des actes professionnels à la HAS. Une étude à large échelle aura lieu durant l’hiver 2025-2026 pour aboutir à un avis final au second semestre 2026. Un premier avis partiel sera publié cet été ou début septembre, afin de « donner de premières indications pour l’hiver prochain ». Selon l’expert, ces évaluations pourront être extrapolées aux autotests combinés « car il s’agit des mêmes produits utilisés dans deux cadres différents ».


