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Justice : un témoignage anonyme peut faire ses preuves dans une affaire
Les faits
Le 15 juillet 2013, la société S. embauche M. O. en tant que rectifieur. Le 29 novembre 2017, il est licencié pour faute grave. L’employeur lui reproche d’instaurer un climat de peur au sein de l’entreprise et d’avoir repris son ancien horaire d’équipe de l’après-midi sans autorisation, alors que cette modification avait été mise en place pour limiter ses interactions avec ses collègues, qui avaient exprimé leur crainte à son égard. Contestant cette rupture de son contrat de travail, M. O. saisit le conseil de prud’hommes.
Le débat
Selon le Code du travail, tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Ce motif doit être précisément exposé dans la lettre de licenciement adressée au salarié après l’entretien préalable. Chaque grief retenu par l’employeur doit reposer sur des éléments de preuve objectifs, afin que le juge puisse, en cas de contestation, en vérifier la réalité. Parmi ces éléments figure l’attestation de témoignage. Celui-ci peut prendre trois formes : nommé, anonyme ou anonymisé. Un témoignage anonyme ne suffit pas, à lui seul, pour établir la matérialité des faits reprochés, contrairement au témoignage nommé, qui mentionne clairement l’identité du témoin et est accompagné de la copie de sa pièce d’identité. Il existe également le témoignage anonymisé, dont l’identité de l’auteur est connue de la partie qui le produit devant le juge, mais est volontairement dissimulée pour préserver la personne d’éventuelles représailles.
Dans cette affaire, l’employeur a fondé les fautes reprochées à M. O. sur des témoignages anonymisés. Il a sollicité un huissier pour recueillir les déclarations de cinq collègues du salarié, décrivant son comportement. Toutefois, M. O. conteste la valeur probante de ces constats, arguant que l’absence d’identification des témoins les rendait insuffisants. Selon lui, ces déclarations devaient être appuyées par des éléments de preuve matériels complémentaires.
Le 8 mars 2023, la cour d’appel de Chambéry (Savoie) juge le licenciement de M. O. dépourvu de cause réelle et sérieuse. Selon les magistrats, les constats produits par l’employeur n’ont aucune valeur probante, faute d’éléments supplémentaires pour établir la véracité des faits incriminés. En réponse, la société S se pourvoit en cassation, car elle estime que les juges doivent prendre en compte les témoignages anonymisés. Elle soutient qu’en raison de son obligation de sécurité l’employeur n’est pas tenu de fournir des témoignages nommés lorsqu’un salarié installe un climat de peur.
La décision
Le 19 mars 2025, la Cour de cassation annule la décision de la cour d’appel. Elle rappelle que, par principe, « le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes ». Toutefois, elle précise que ces derniers peuvent être pris en compte si d’autres éléments viennent les corroborer, permettant ainsi au juge d’en évaluer la crédibilité et la pertinence. En l’absence d’éléments complémentaires, il appartient à ce dernier d’examiner, au cas par cas, si l’utilisation d’un témoignage anonymisé compromet l’équité de la procédure et le respect du principe d’égalité des armes. Selon la haute juridiction, il n’y a pas d’atteinte à ces principes lorsque le témoignage est indispensable à la défense et que son utilisation est strictement proportionnée à l’objectif poursuivi. Dans la continuité de sa jurisprudence de décembre 2023 sur l’admission de preuves illicites, notamment les enregistrements clandestins, la Cour de cassation reconnaît donc une valeur probante aux témoignages anonymisés, sous réserve qu’ils soient essentiels à l’affaire et utilisés de manière proportionnée.
Source : Cass. Soc., le 19 mars 2025, n° 23-19.154.
À retenir
- En cas de contestation d’un licenciement pour faute, l’employeur doit prouver la réalité des faits reprochés par des éléments objectifs et précis.
- Il peut étayer ses accusations à l’aide de témoignages anonymisés.
- Le juge examinera ces témoignages, sans qu’il soit nécessaire d’apporter de preuve supplémentaire, à condition qu’ils soient essentiels à l’exercice du droit en cause et que leurs productions ne nuisent pas de manière disproportionnée à l’objectif poursuivi.
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