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Il est clair que c’est net

Publié le 28 janvier 2023
Par Anne-Charlotte Navarro
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Quand le contrat de travail précise le montant du salaire net – et non brut -, celui-ci doit-il être versé au salarié ? La question a été posée aux juges et l’initiative est payante.

LES FAITS

M. H. est engagé le 23 février 2004 par la société D en contrat à durée déterminée (CDD). Ce CDD est renouvelé puis transformé en contrat à durée indéterminée (CDI) le 25 février 2005. Chacun des trois contrats indiquait : « Le salarié percevra chaque mois un salaire net forfaitaire de 1 653 € ». Le 26 décembre 2016, M. H. est licencié. Il saisit le conseil de prud’hommes pour obtenir diverses sommes dont un rappel de salaire, démontrant n’avoir jamais perçu la somme de 1 653 € net par mois.

LE DÉBAT

L’article L.1221-1 du Code du travail dispose que « le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être constaté dans les formes qu’il convient aux parties contractantes d’adopter ». A ce titre, avant la signature, les parties sont amenées à négocier son contenu pour, dans le respect du droit du travail et de la convention collective, organiser leurs futures relations. Employeur et salarié s’accordent notamment sur une rémunération, un volume horaire, des missions.

Le Code civil considère que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Dès lors, une fois signé, le contrat qui respecte la loi et la convention collective doit être appliqué par les parties. Il peut être modifié en respectant des règles définies. En l’espèce, lors de la négociation du contrat, M. H. et la société D s’étaient entendus pour inscrire que la rémunération du salarié serait de « 1 653 € net par mois ». Or, M. H. n’avait jamais perçu cette somme. Il avait été payé selon les barèmes fixés par la convention collective à laquelle il était soumis, soit 1 653 € brut. Le 26 mars 2021, la cour d’appel de Douai (Nord) relève que la rédaction précisant le salaire net n’est pas courante. Les magistrats considèrent que M. H. a perçu un salaire conforme à la grille des salaires fixée par la convention collective. Ils estiment alors que la précision « net » dans le contrat est « une erreur de plume » non créatrice de droit. M. H. forme un pourvoi en cassation. Selon lui, le juge n’avait pas à interpréter la clause litigieuse, celle-ci étant assez claire et précise.

LA DÉCISION

Le 14 décembre 2022, la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel. Les hauts magistrats rappellent que la rémunération est un élément du contrat de travail qui ne peut pas être modifié sans l’accord du salarié. Ce principe s’applique tant au montant de la rémunération qu’à sa structure, c’est-à-dire sa répartition entre prime et fixe. Ils ajoutent que, face à un contrat, quelle que soit sa nature, le juge doit se limiter à l’interprétation des clauses ambiguës. En l’espèce, la clause mise en avant ne présentait aucune ambiguïté nécessitant une interprétation. Rien n’indique non plus dans le dossier que M. H. aurait accepté une modification de son salaire pendant les 12 années de collaboration. L’employeur devait donc le rémunérer conformément au contrat.

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Cette décision implacable s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation en vigueur depuis 1998. En versant le montant prévu en brut plutôt qu’en net, l’employeur a modifié unilatéralement la rémunération.

A l’officine, il est fréquent de raisonner en salaire net ; attention, cette précision dans le contrat fait supporter à l’employeur l’intégralité des charges sociales.

Source : Cass. soc., 14 décembre 2022, n° 21-17171.

À RETENIR

La rémunération du salarié ne peut pas être modifiée sans son accord, qu’il s’agisse du montant fixe ou des primes accordées.

Si le contrat indique un salaire net, celui-ci est garanti au salarié à condition qu’il soit supérieur aux minima sociaux.

Le juge n’intervient pour interpréter le contrat que lorsque celui-ci est ambigu.