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Le code du travail et ses nouvelles règles pour l’officine

Publié le 9 septembre 2017 | modifié le 5 février 2025
Par Anne-Charlotte Navarro et Loan Tranthimy
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Dérogation possible à la convention collective par l’accord d’entreprise, plafonnement des indemnités de licenciement, extension du CDI chantier à la pharmacie… Les ordonnances « Macron » réformant le code du travail doivent s’appliquer fin septembre. Elles vont changer la donne à l’officine.

Rénover le modèle social en donnant la priorité aux TPE-PME. Cet objectif fixé par le gouvernement semble atteint. Les ordonnances présentées le 31 août par Muriel Pénicaud, ministre du Travail (photo ci-dessus) et Edouard Philippe, Premier ministre comportent des assouplissements importants pour la gestion des entreprises de moins de 11 salariés.

La convention collective reste le socle mais…

Afin de répondre aux « nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise, de préserver ou de développer l’emploi », le titulaire pourra proposer aux salariés d’aménager la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition, de modifier la rémunération par l’adoption d’un accord d’entreprise. En pratique, si la fixation du minimum salarial (grille des salaires) est toujours de la compétence de la branche, l’employeur pourra, par un accord d’entreprise, revenir sur les primes comme par exemple la prime de blouse, ou demander aux salariés de travailler au-delà de 35 heures sans majoration des heures supplémentaire. Ceci à condition de justifier, en cas de litige, que cette mesure préserve, développe l’emploi ou est dictée par les nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise. « Cette mesure relance le dialogue social dans les petites entreprises et permet à l’employeur de s’adapter aux conjonctures économiques, par exemple. Mais le licenciement reste l’ultime solution choisie par le titulaire. L’officine est une entreprise de services et chaque salarié a sa valeur ajoutée », déclare Philippe Denry, vice-président de la FSPF.

Un référendum dans les entreprises de moins de 11 salariés

Une procédure spécifique pour conclure un accord d’entreprise a été prévue pour les TPE-PME. Dans les pharmacies de moins de 11 salariés, l’employeur pourra proposer un projet d’accord clef en main qui ne s’appliquera que si les deux tiers du personnel votent pour. « Le texte ne définit pas strictement la procédure de vote et aucun renvoi à un décret n’est prévu. Certains titulaires vont être tentés de passer en force. C’est le retour du patron tout-puissant », déplore Christelle Degrelle, représentante de la branche officine pour la CFE-CGC. « L’intérêt d’un titulaire est-il de passer en force ? Ce n’est pas forcément la bonne solution, car cela perturbera le fonctionnement ds équipes surtout celles de 3 ou 4 salariés », rétorque Daniel Burlet, secrétaire général de l’USPO et conseiller patronal des prud’hommes.

L’accord d’entreprise prime sur le contrat

L’adoption d’un accord d’entreprise peut avoir des conséquences directes sur le contrat de travail (modulation des horaires de travail…). Si le salarié ne souhaite pas être soumis à l’accord d’entreprise, il doit le signaler à son employeur dans un délai de un mois suivant la date de communication de l’application de l’accord. L’employeur engagera à son encontre une procédure de licenciement personnel. Le salarié conserve ses droits au chômage.

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Les licenciement facilités

Pour éviter que les vices de forme, comme une erreur de date, invalident un licenciement, le gouvernement prévoit de mettre à disposition des deux parties des plaquettes explicatives. De même, des formulaires types pourront être utilisés par l’employeur pour notifier le licenciement d’un salarié. L’ordonnance prévoit également que, dans le cadre d’un licenciement pour motif économique ou personnel, dés lors qu’il relève d’un motif réel et sérieux, mais sans respect de la procédure, l’ex-salarié puisse obtenir une indemnité égale au maximum à un mois de salaire. « En un mot, le titulaire peut licencier du jour au lendemain un salarié sans respecter une procédure dont le but est de garantir ses droits et lui permettre de se défendre et ce pour un coût minimum », s’insurge Christelle Degrelle. « Il y a certes une indulgence pour éviter les vices de procédure. Certains employeurs ne maîtrisent pas ces règles. Mais le conseil des prud’hommes veillera à ce que l’employeur apporte la preuve de sa bonne foi. », note Daniel Burlet. L’autre hypothèse est que l’employeur ne puisse pas démontrer un motif réel et sérieux de licenciement. Dans ce cas, le juge appréciera en fonction du cas particulier le montant des indemnités à verser dans la limite d’un plafond (voir ci-contre). Il pourra prendre en compte les indemnités de licenciement légales ou conventionnelles déjà perçues par le salarié (voir l’encadré « Indemnités légales de licenciement » ). « En pratique, on assistera à une multiplication des demandes d’indemnisations pour contourner le plafond », avertit Dan Nahum, avocat spécialisé en droit social. « Les conseillers représentants des salariés aux prud’hommes s’aligneront sur le plafond car, pour eux, le montant est déjà provisionné par l’employeur », ajoute Daniel Burlet.

Moins de temps pour saisir les prud’hommes

Le délai de recours qu’aura un salarié contre la décision de licenciement d’un employeur sera réduit, passant à un an au lieu de deux ans. En pratique, beaucoup de recours sont lancés à quelques mois de l’expiration du délai de prescription. Il est difficile pour l’employeur de retrouver des éléments sur une affaire, 4 ou 5 ans après. « Cette mesure risque de faire chuter les recours aux prud’hommes qui ont déjà connu une vraie chute depuis l’obligation désormais de les saisir au moyen d’une requête argumentée. Cette baisse pourrait s’expliquer par un découragement des salariés à agir », regrette Dan Nahum. 

Outre ses prérogatives habituelles (temps de travail, rémunération, mobilité…), la branche pourra demain ouvrir de nouveaux chantiers de négociation portant sur la durée des CDD, les motifs de recours à ces contrats ou encore l’extension du contrat dit de chantier (CDI pour une mission déterminée) – jusqu’à présent réservé exclusivement – au secteur du BTP à d’autres secteurs dont la pharmacie.

•   La réforme du code du travail assouplit notamment les règles du licenciement.

•   Les indemnités légales de licenciement versées systématiquement (sauf faute grave) sont majorées de 25 %.

•   Devant les prud’hommes  : – l’indemnité pour vice de procédure sera de 1 mois de salaire maximum ; – les indemnités pour licenciement abusif obéiront à un barème.

REPÈRES 

Dans le cadre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les juges devront respecter le barème prévu par l’ordonnance pour fixer les indemnités à verser par l’employeur en litige avec son salarié.

Par Loan Tranthimy – Infographie : Franck L’Hermitte