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Données : les prendre, c’est voler
Qualifier la gravité de la faute d’un salarié pour justifier son licenciement n’est pas toujours facile. Qu’en est-il du vol de fichiers informatiques ? A fortiori s’ils contiennent des données sensibles ?
LES FAITS
M. G. a été engagé le 1er novembre 2011 par la société A en qualité de responsable études et conseil au sein du département gestion des participations. Le 3 juillet 2015, M. G. est licencié après une mise à pied conservatoire. Il conteste la justification de son licenciement car il estime avoir été victime de harcèlement moral.
LE DÉBAT
Le Code du travail prévoit trois types de faute du salarié pouvant justifier un licenciement : simple, lourde ou grave. S’il s’attache à préciser les conséquences de chacune d’entre elles sur le préavis ou le paiement de l’indemnité de licenciement, le code ne les définit pas précisément. Il revient alors au juge de qualifier la faute au regard des faits reprochés au salarié.
En l’espèce, la société A reprochait à M. G. d’avoir, entre autres, détruit ou cherché à détruire des données lui appartenant, téléchargé un ensemble de documents particulièrement sensibles concernant un projet de partenariat et un logiciel de violation de mots de passe de messagerie. Autant de pratiques formellement interdites par le règlement intérieur de l’entreprise. La société A prouvait ces faits au moyen d’un constat d’huissier et de témoignages. En réponse, M. G. justifiait ces démarches par le fait qu’il était victime de harcèlement moral de la part de ses supérieurs hiérarchiques. Il ajoutait que son employeur ne démontrait pas son intention de nuire pourtant indispensable à la qualification de la faute grave.
Le 5 février 2020, la cour d’appel de Rennes (Ille-et-Vilaine) estime que les faits reprochés à M. G. ne peuvent qu’être qualifiés de faute simple. Les magistrats condamnent la société A à payer à M. G. l’indemnité de licenciement prévue par la convention collective et celle de congés payés*. La société forme un pourvoi en cassation.
LA DÉCISION
Le 13 avril 2022, la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel. Les magistrats retiennent qu’« étaient établis le vol et la destruction par le salarié de documents particulièrement sensibles concernant un projet de partenariat, le téléchargement d’un logiciel de violation de mots de passe de messagerie, la copie sur son propre poste des messages et pièces jointes, y compris à caractère privé, se trouvant dans la messagerie de sa supérieure hiérarchique ». Ils estiment que ces éléments démontrent la volonté de nuire à l’employeur et auraient dû être pris en compte par la cour d’appel. La Cour de cassation retient que la destruction, le vol, l’accès non autorisé à des documents constituent une faute grave privant le salarié d’indemnités de licenciement.
Cette décision est également applicable à l’officine, d’autant plus que les salariés doivent respecter le secret professionnel. Elle est doublement intéressante, car elle illustre aussi que la réalité des faits doit être démontrée aux juges par des preuves objectives. En l’espèce, ces derniers rejettent l’argument du harcèlement car ils estiment que les preuves ne sont pas suffisantes. Cet apport est également vrai en matière de licenciement. Chaque fait évoqué par les parties doit être justifié par une preuve objective : constat d’huissier, témoignage, relevé de matériel informatique, etc.
Source : Cass. Soc., 13 avril 2022, n° 20-14.926.
* Aujourd’hui, le paiement de cette indemnité est dû dans toutes les hypothèses de faute.
À RETENIR
Le vol, la copie ou la destruction de données informatiques sensibles constituent une faute lourde.
Les faits constitutifs d’une faute lourde doivent être démontrés aux juges au moyen d’éléments objectifs.
Le salarié licencié pour faute grave ne perçoit pas l’indemnité de licenciement prévue par la convention collective.
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