Remboursement des préparations magistrales : les pharmaciens ne vont pas en rester là

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Remboursement des préparations magistrales : les pharmaciens ne vont pas en rester là

Publié le 23 avril 2025 | modifié le 24 avril 2025
Par Anne-Charlotte Navarro
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Face au durcissement des conditions de remboursement des préparations magistrales lors des ruptures d'approvisionnement, l'USPO, la FSPF et le SN2P dénoncent une position trop restrictive du ministère de la Santé. Et se mettent en ordre de bataille.

Le 22 avril 2025, une réunion entre le ministère de la Santé, la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam), l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et les syndicats de pharmaciens s’est tenue au sujet du remboursement des préparations magistrales dans le cadre des ruptures d’approvisionnement. Lors de cet échange, la position des autorités a pris les participants de court.

« Naïvement, je pensais qu’il s’agissait d’une réunion pour mettre au point une grille de fixation du prix des préparations magistrales réalisées dans le contexte particulier des produits en rupture », confie Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO).

Mais l’objet de la réunion était tout autre : annoncer que l’Assurance maladie refusera désormais toute prise en charge, même en cas de rupture manifeste, tant que l’ANSM n’aura pas émis de recommandation spécifique et que l’arrêté fixant le prix n’aura pas été publié au Journal officiel.

Comment en est-on arrivé là ?

« Pour comprendre la situation, il faut remonter le temps, explique Gurvan Helary, président du Syndicat national de la préparation pharmaceutique (SN2P)Face aux pénuries d’amoxicilline et de paracétamol fin 2022, l’ANSM a autorisé la substitution d’une spécialité par une préparation magistrale réalisée par le pharmacien. Avec le volume qui était attendu, le législateur n’avait pas les moyens de négocier les prix, qui je le rappelle sont librement fixés. Les préparations étaient donc remboursées et les tarifs fixés avec tact et mesure. »

Conscient que la situation pouvait perdurer, le législateur s’est saisi de cette question en imaginant une procédure particulière. L’article 71 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 prévoit notamment « qu’en cas de recommandation établie par décision du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et publiée sur le site internet de celle-ci de recourir à des préparations magistrales […] pour faire face à une rupture de stock ou à une tension d’approvisionnement d’un médicament d’intérêt thérapeutique majeur […], un arrêté des ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale peut fixer le tarif servant de base au remboursement ainsi que le prix de vente au public de ces préparations magistrales prises en charge par l’Assurance maladie jusqu’à la remise à disposition du médicament concerné ».

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En pratique, les préparations magistrales peuvent remplacer un médicament en rupture après recommandation de l’ANSM. Le législateur a précisé que suite à cette recommandation, les ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale peuvent fixer un prix qui servira de base au remboursement. Or, « il ne s’agit ici que d’une simple faculté », pointe Gurvan Helary.

De cette simple faculté, le ministère a déduit une obligation. Et estime désormais que la prise en charge par l’Assurance maladie n’est pas possible tant que l’ANSM n’a pas fait de recommandation pour pallier la rupture et que l’arrêté de fixation des prix n’a pas été publié.

Les sous-traitants vont arrêter de produire de la sertraline

« Par exemple, la sertraline ne peut pas faire l’objet d’une préparation prise en charge faute de texte et le pharmacien s’expose à des indus », tempête Pierre-Olivier Variot. Les patients vont donc devoir mettre la main au porte-monnaie le temps que l’ANSM, la DGS (Direction générale de la santé) et la DGOS (Direction générale de l’offre de soins) se mettent en mouvement. « Il n’est pas raisonnable, pour moi, de faire payer le patient pour une rupture dont il n’est pas responsable, déplore le président de l’USPO. Chacun doit agir en son âme et conscience, mais nous serons là pour défendre les indus devant les tribunaux. »

De son côté, pour contester la position retenue par le ministère, Gurvan Helary annonce que « les sous-traitants vont arrêter de produire des préparations à base de sertraline ».

La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) a également réagi en demandant un arbitrage ministériel pour revenir au statu quo ante. Affaire à suivre !