2/6 – Effets indésirables : trois cas de complications sous anticoagulants

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2/6 – Effets indésirables : trois cas de complications sous anticoagulants

Publié le 10 avril 2025 | modifié le 11 avril 2025
Par Maïtena Teknetzian
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Les anticoagulants oraux sont particulièrement pourvoyeurs d'effets indésirables. Entraînez-vous à identifier et à prendre en charge ces situations à travers l'analyse de 3 cas concrets.

Cas 1 : Mme T. est épuisée

À la suite d’une thrombose veineuse profonde, Héloïse T., 52 ans, reçoit de l’Apixaban, à la posologie curative recommandée de 5 mg 2 fois par jour. Elle vient aujourd’hui acheter des vitamines. « Je souhaiterais quelque chose de vraiment efficace, qui booste bien, car je me sens très fatiguée depuis quelques jours », se plaint-elle à la pharmacienne. Cette dernière, qui remarque que Mme T. a une mine très pâle et paraît en outre visiblement essoufflée, s’alarme.

Analyse du cas

Tous les anticoagulants sont susceptibles d’induire des événements hémorragiques. Ceux-ci peuvent être plus ou moins sévères en fonction de leur abondance. Les saignements peuvent être visibles (épistaxis, gingivorragies, hématomes, saignements internes extériorisés comme une hématurie macroscopique ou des saignements digestifs visibles dans les selles), mais ils ne le sont pas toujours. Dans ce cas, on parle de saignements occultes. Ils doivent être suspectés face à certains signes d’anémie, tels qu’une fatigue, une pâleur, une dyspnée. Par ailleurs, dans le cas de Mme T., traitée pour une thrombose veineuse profonde, il ne faut pas négliger une autre cause possible de sa dyspnée et de sa fatigue, lesquelles peuvent en effet faire potentiellement évoquer une embolie pulmonaire.

La pharmacienne interroge Mme T. à la recherche d’autres signes d’embolie pulmonaire ou de saignements. La patiente dit ne pas avoir de douleur thoracique et ne tousse pas, ce qui a priori n’est pas en faveur d’une embolie pulmonaire. Elle dit ne pas saigner du nez ni des gencives et ne pas avoir remarqué de sang dans ses selles ou ses urines. La pharmacienne lui propose de contrôler sa tension qui s’avère basse (102/74 mmHg). Cette baisse de tension peut être également le reflet d’un saignement dû à l’anticoagulant.

Attitude à adopter

La pharmacienne oriente Mme T. vers une consultation médicale urgente pour faire contrôler son taux d’hémoglobine et son volume globulaire moyen, afin d’étayer le diagnostic d’anémie qui pourra orienter vers un saignement occulte. L’origine du saignement devra alors être recherchée et le traitement anticoagulant réévalué. Si l’arrêt du traitement est envisagé, il est délicat à gérer, et Mme T. devra être prise en charge en milieu spécialisé du fait de son récent accident thromboembolique.

À retenir : Chez les patients traités par anticoagulants, tout signe évocateur d’anémie (pâleur, dyspnée, fatigue) doit faire suspecter une hémorragie, même en l’absence de saignements visibles, et faire orienter vers une consultation médicale urgente.

Cas 2 : « J’ai attrapé la gastro de Paul »

Une fibrillation auriculaire a été diagnostiquée chez Jacques N., déjà traité pour une hypertension artérielle par Hydrochlorothiazide. Son cardiologue vient d’instaurer un traitement par Dabigatran (150 mg 2 fois par jour). Aujourd’hui, M. N. rapporte au pharmacien des diarrhées et des nausées. Il pense qu’il a dû attraper la gastroentérite de son petit-fils et veut savoir s’il peut prendre de la Diosmectite avec son nouveau médicament.

Analyse du cas

Il se peut que M. N. ait effectivement attrapé la gastroentérite de Paul. Pour autant, une autre cause ne doit pas être exclue. En effet, un symptôme dont la survenue coïncide avec la prise d’un nouveau médicament incite à rechercher une origine iatrogène. De fait, les troubles digestifs à type de diarrhées, nausées et dyspepsie sont des effets indésirables fréquemment rapportés sous dabigatran concernant 1 patient sur 10.

Attitude à adopter

Une déshydratation étant particulièrement à craindre chez ce patient traité par diurétique thiazidique, le pharmacien insiste avant tout sur l’importance d’une bonne hydratation. M. N. peut prendre de la diosmectite en veillant à respecter un intervalle de 2 heures avec son anticoagulant pour ne pas en diminuer la biodisponibilité. Le pharmacien évoque la possibilité que ces troubles soient dus au dabigatran. Cependant, ils ne doivent pas conduire M. N. à arrêter de lui-même le traitement. Le pharmacien prend donc soin de lui rappeler l’intérêt d’une anticoagulation efficace. Si les troubles persistaient ou s’intensifiaient, il faudrait les signaler au médecin en vue d’un contrôle de la kaliémie (nécessaire chez ce patient souffrant d’arythmie cardiaque et traité par diurétique hypokaliémiant) et d’une réévaluation du traitement.

À retenir : Les troubles digestifs sont un effet indésirable fréquent du dabigatran. S’ils persistent, ils doivent faire orienter le patient vers le prescripteur, mais il faut veiller à ce qu’ils ne conduisent pas à un abandon spontané de l’anticoagulant.

Cas 3 : « J’ai la tête qui tourne ! »

Paula S., 70 ans, est traitée depuis 3 semaines par Rivaroxaban (10 mg par jour) à la suite d’une intervention chirurgicale pour la pose d’une prothèse de hanche. Alors qu’elle vient aujourd’hui acheter une crème de soin pour le visage, le pharmacien prend de ses nouvelles : « J’ai souvent la tête qui tourne ces derniers temps, raconte Paula. C’est très désagréable ! Pensez-vous que ce soit le contrecoup de l’opération ? ».

Analyse du cas

Le rivaroxaban peut affecter le système nerveux et provoquer fréquemment des sensations vertigineuses et des céphalées, voire plus rarement des syncopes. C’est pourquoi, les conditionnements de rivaroxaban comportent un pictogramme de niveau 1 alertant sur d’éventuels dangers liés à la conduite automobile. Cependant, une sensation de malaise ou de vertiges survenant chez un patient traité par anticoagulant peut être un signe de saignement occulte. La mesure de la pression artérielle peut permettre de distinguer les étiologies des vertiges survenant sous rivaroxaban. Une chute tensionnelle oriente vers une hémorragie interne.

Attitude à adopter

Le pharmacien propose à Mme S. de contrôler sa tension. Le tensiomètre affiche 139/86 mmHg, ce qui est rassurant. En outre, Mme S. qui n’est ni pâle ni essoufflée, ne semble pas présenter de signes cliniques probants d’anémie. Le pharmacien explique à la patiente que ses vertiges peuvent être un trouble neurosensoriel lié au rivaroxaban. S’ils persistent, il faudrait les signaler au médecin. En attendant, il lui déconseille de conduire un véhicule ou de pratiquer des activités qui pourraient la mettre en danger en raison de ses étourdissements.

À retenir : Le rivaroxaban peut être responsable de vertiges, possiblement liés à une atteinte neurosensorielle ou, plus gravement, à une hémorragie. S’ils surviennent, ils doivent amener à rechercher des signes de saignements occultes et, dans tous les cas, faire déconseiller la conduite automobile.

Avec l’aimable relecture du Pr Ludovic Drouet, hématologue, professeur émérite des universités, référent médical du Centre de référence et d’éducation des antithrombotiques d’Île-de-France (Creatif) et de Claire Bal dit Sollier, directrice du Creatif.

Article issu du cahier Formation du n°3547, paru le 1er février 2025.