3/5 – L’avis de l’expert : améliorer la couverture vaccinale est essentiel

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3/5 – L’avis de l’expert : améliorer la couverture vaccinale est essentiel

Publié le 10 décembre 2024
Par Anne-Gaëlle Harlaut
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Le Professeur Muhamed-Kheir Taha, responsable de l’unité des infections bactériennes invasives et directeur du Centre national de référence des méningocoques de l’Institut Pasteur (Paris), revient sur la stratégie de prévention des infections à méningocoques. 

Comment expliquer que les nouvelles recommandations de la HAS ciblent notamment les adolescents et jeunes adultes contre les infections à méningocoques ACWY ?

Le méningocoque a 2 facettes : la maladie avec 3 pics d’incidence, chez les enfants de moins de 1 an, de 16 à 24 ans et au-delà de 80 ans, et le portage qui lui n’a qu’un seul pic entre 16 et 24 ans. Ce qui veut dire que les adolescents et les jeunes adultes, en plus d’être à risque pour la maladie, sont le moteur de la transmission. Quand une nouvelle souche arrive, elle se transmet d’abord dans cette tranche d’âge avant d’infecter les plus jeunes ou plus vieux. Le vaccin permet donc à la fois une protection individuelle et collective pour les groupes A, C, W et Y. En France, nous avons jusqu’ici mal vacciné cette population et la couverture vaccinale reste très faible. Avec les nouvelles recommandations, nous espérons qu’elle va augmenter. L’offre multiple de vaccination peut y contribuer. Tous les vaccinateurs auront un rôle à jouer, y compris le pharmacien.

Comment faire passer cette nouvelle vaccination auprès des patients ?

Ce n’est pas une nouvelle vaccination puisque, jusqu’ici, le rattrapage du vaccin contre le méningocoque C était déjà recommandé jusque 24 ans. On le remplace par un vaccin ACWY et on parle maintenant de rappel car la primovaccination, obligatoire dans le calendrier vaccinal, a lieu avant l’âge de 1 an. Il n’y a pas une injection de plus mais une quadrivalente à la place d’une monovalente.

Comment sensibiliser les jeunes adultes à l’intérêt de cette vaccination ?

Il faut d’abord expliquer que leur mode de vie est un facteur de risque de contracter une IIM et que, dans leur tranche d’âge, le tableau clinique peut être trompeur au début avec un risque de retard au diagnostic. Rappeler aussi le fardeau de la maladie, qu’elle est mortelle si elle n’est pas traitée, et reste mortelle dans 10 % des cas, même sous traitement, qu’un quart des survivants ont des séquelles parfois très lourdes. Aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, l’image d’athlètes amputés des 4 membres à la suite d’une méningite nous a tous marqués. Par ailleurs, les jeunes doivent comprendre que même s’ils sont porteurs sains, ils sont susceptibles de transmettre l’infection à un parent fragile, à un petit frère jeune, un grand-parent… Seul le vaccin ACWY peut avoir une double puissance : les protéger individuellement avec l’esprit plus libre pour vivre leur vie sociale et protéger leur entourage.

Pourquoi la HAS ne recommande-t-elle pas également la vaccination contre le méningocoque B dans cette tranche d’âge ?

Nous aurions aimé que ce soit le cas mais la HAS a uniquement opté pour une incitation au remboursement en population générale entre 15 et 24 ans. Il y a des raisons factuelles à cette décision car il faut savoir que ce vaccin, contrairement au vaccin ACWY, ne couvre par toutes les souches du groupe B. Il n’agit pas sur le portage et n’offre donc pas une protection collective. Son rapport coût-efficacité n’est donc pas le même. Mais cette décision ne remet pas en cause son efficacité au niveau individuel et il ne faut pas hésiter à le proposer.

En collaboration avec le Pr Muhamed-Kheir Taha, responsable de l’unité des infections bactériennes invasives et directeur du Centre national de référence des méningocoques de l’Institut Pasteur (Paris).

Article issu du cahier Formation du n° 3538, paru le 30 novembre 2024.