3/5 – Angine : les antibiotiques sans ordonnance 

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3/5 – Angine : les antibiotiques sans ordonnance 

Publié le 4 juillet 2025
Par Maïtena Teknetzian
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La prise en charge des angines bactériennes sans ordonnance à l’officine repose sur 4 antibiotiques autorisés : l’amoxicilline, le cefuroxime, le cefpodoxime et la clarithromycine. Le point sur les caractéristiques de ces molécules et des médicaments associés.

Amoxicilline

Recommandation : antibiotique de première intention dans l’angine aiguë de l’enfant ou de l’adulte.

Famille : pénicilline du groupe A (β-lactamine).

Site d’action : paroi bactérienne (inhibition de la synthèse du peptidoglycane).

Effet : bactéricide.

Particularités pharmacocinétiques :

  • absorption : l’amoxicilline est bien et rapidement absorbée per os, la prise alimentaire n’influence pas son absorption.
  • élimination : majoritairement rénale, principalement sous forme inchangée.

Effets indésirables : les plus fréquents sont les troubles digestifs, généralement des diarrhées et des nausées et plus rarement des vomissements, ainsi que les éruptions cutanées. Ces dernières sont le plus souvent bénignes, comme une urticaire ou un exanthème maculopapuleux dont le risque est majoré dans un contexte viral, notamment une mononucléose. Elles peuvent plus rarement être sévères : pustulose exanthématique aiguë généralisée, syndrome de Lyell ou de Stevens-Johnson. Très exceptionnellement, notamment dans un contexte de surdosage et d’altération de la fonction rénale, l’amoxicilline peut être responsable de néphrite interstitielle, de cristallurie, d’encéphalopathie avec convulsions. Chez l’enfant, elle peut être responsable de coloration superficielle et réversible des dents, pouvant être prévenue par une bonne hygiène buccodentaire.

Contre-indications : antécédent d’allergie à la molécule ou aux autres pénicillines et antécédent d’hypersensibilité sévère aux β-lactamines.

Interactions : l’association au méthotrexate est déconseillée en raison d’un risque d’augmentation de la toxicité hématologique du méthotrexate par inhibition de sa sécrétion tubulaire par l’amoxicilline. À prendre en compte, l’association de l’amoxicilline au mycophénolate mofétil peut potentiellement diminuer les concentrations, donc l’efficacité de l’immunosuppresseur. Les patients traités par immunosuppresseurs ou chimiothérapie ne sont dans tous les cas pas éligibles à la délivrance d’antibiotiques sans prescription médicale. De même, l’association au probénécide n’est pas recommandée, celui-ci pouvant diminuer la sécrétion rénale de l’amoxicilline avec un risque de surdosage. Par ailleurs, l’association de l’amoxicilline à l’allopurinol impose de prendre en compte une majoration du risque de survenue de réactions cutanées.

Posologie et durée de traitement dans l’angine :

  • chez l’adulte : 2 g par jour en 2 prises pendant 6 jours.
  • chez l’enfant à partir de 10 ans : 50 mg/kg par jour en 2 prises, sans dépasser 2 g par jour, pendant 6 jours. La posologie doit être adaptée en cas d’insuffisance rénale modérée ou sévère. Les patients dont le débit de filtration glomérulaire (DFG) est inférieur à 30 ml/min n’étant pas éligibles à la délivrance d’antibiotiques sans ordonnance, le pharmacien n’est donc pas concerné par cette adaptation de dose.

Modalités d’administration : indifférente par rapport aux repas. Ne pas ouvrir les gélules, la forme orodispersible est mise en dispersion dans l’eau et doit être administrée immédiatement.

Points de vigilance !

Vérifier systématiquement ces situations qui peuvent remettre en cause la délivrance de l’amoxicilline :

  • un antécédent d’allergie aux β-lactamines : demander au patient s’il a déjà pris des antibiotiques dont le nom se termine par le suffixe « cilline » ou commence par le préfixe « cef » et, le cas échéant, s’il a fait une allergie quels ont été les signes et les délais de survenue ;
  • un traitement par allopurinol ou probénécide en cours : vérifier l’historique ou demander au patient s’il prend des médicaments contre la goutte.

Cefuroxime axétil

Recommandation : traitement de deuxième intention dans l’angine aiguë de l’adulte, alternative à l’amoxicilline en cas d’allergie à cette dernière, sans contre-indication aux céphalosporines.

Famille : céphalosporine de deuxième génération (β-lactamine).

Site d’action : paroi bactérienne, inhibition de la synthèse du peptidoglycane.

Effet : bactéricide.

Particularités pharmacocinétiques :

  • absorption : optimale lors d’une administration après un repas.
  • élimination : rénale, par filtration glomérulaire et sécrétion tubulaire sans métabolisation préalable.

Contre-indications : antécédent d’allergie à la molécule ou aux céphalosporines et antécédent d’hypersensibilité sévère aux β-lactamines.

Effets indésirables : céphalées, vertiges, diarrhées, nausées et élévation des transaminases le plus fréquemment et, plus rarement, éruptions cutanées potentiellement sévères (à type de syndrome de Lyell ou de Steven-Johnson, angiœdème, Dress). Rare également, un risque d’encéphalopathie existe cependant lors d’un surdosage, en cas d’insuffisance rénale notamment.

Interactions : l’association au probénécide est déconseillée en raison d’une diminution de la sécrétion rénale de céfuroxime avec un risque de surdosage.

Posologie et durée de traitement dans l’angine : chez l’adulte, 500 mg par jour en 2 prises pendant 4 jours.

La posologie doit être adaptée en cas d’insuffisance rénale sévère, mais les patients dont le DFG < 30 ml/min n’étant pas éligibles à la délivrance d’antibiotiques sans ordonnance, le pharmacien n’est pas concerné par cette adaptation de dose.

Modalités d’administration : après une prise alimentaire.

Points de vigilance !

Vérifier systématiquement ces situations qui peuvent remettre en cause la délivrance du cefuroxime :

  • un antécédent d’allergie aux céphalosporines : demander au patient s’il a déjà pris des antibiotiques dont le nom commence par le préfixe « cef- » et s’il a fait une allergie ;
  • un antécédent d’allergie sévère aux pénicillines : demander au patient qui déclare une allergie aux pénicillines quels ont été les signes et les délais de survenue.
  • un traitement par probénécide : demander au patient s’il prend des médicaments contre la goutte.

Cefpodoxime ou céfuroxime : lequel choisir en deuxième intention ?

En cas d’allergie aux pénicillines, sans contre-indication aux céphalosporines, les deux molécules sont citées chez l’adulte par la Haute Autorité de santé (HAS) sans ordre de préférence.

Le choix peut cependant être guidé par :

  • un bilan allergologique qui fait état d’une allergie croisée entre pénicilline et céfuroxime sans que le cefpodoxime ne soit contre-indiqué, par exemple ;
  • une insuffisance rénale avec un DFG ≥ 30 mais < 40 ml/min : on ne peut pas délivrer le cefpodoxime, mais on peut délivrer le céfuroxime ;
  • la disponibilité des antibiotiques ;
  • l’observance facilitée avec le céfuroxime qui a une durée de traitement plus courte.

Cefpodoxime proxétil

Recommandation : en deuxième intention dans l’angine aiguë de l’enfant ou de l’adulte, en cas d’allergie à l’amoxicilline sans contre-indication aux céphalosporines.

Famille : céphalosporine de troisième génération (bêtalactamine).

Site d’action : paroi bactérienne, inhibition de la synthèse du peptidoglycane.

Effet : bactéricide.

Particularités pharmacocinétiques :

  • absorption : à jeun, elle n’est que de 40 à 50 %. Elle est augmentée par la prise alimentaire.
  • élimination : rénale majoritaire, principalement sous forme inchangée.

Effets indésirables : douleurs abdominales, diarrhées, nausées, vomissements, céphalées, vertiges et éruptions cutanées sont les plus fréquents. Ces dernières, le plus souvent bénignes (urticaire, prurit), peuvent rarement être sévères (syndrome de Lyell ou de Stevens-Johnson par exemple). Une élévation des transaminases est possible et lors d’un surdosage en cas d’insuffisance rénale notamment, une encéphalopathie avec convulsions.

Contre-indications : antécédent d’allergie à la molécule ou aux céphalosporines et antécédent d’hypersensibilité sévère aux β-lactamines.

Posologie et durée de traitement dans l’angine :

  • chez l’adulte : 200 mg par jour en 2 prises pendant 5 jours.
  • chez l’enfant à partir de 10 ans : 8 mg/kg par jour en 2 prises, sans dépasser 200 mg par jour, pendant 5 jours.

Pour le cefpodoxime, la posologie doit être adaptée en cas de DFG < 40 ml/min. Les patients ayant un DFG supérieur à 30 mais inférieur à 40 ml/min ne sont pas éligibles à la délivrance de cefpodoxime sans ordonnance. Le pharmacien ne sera donc pas concerné par cette adaptation de dose.

Points de vigilance !

Vérifier systématiquement ces situations qui peuvent remettre en cause la délivrance du cefpodoxime :

  • un antécédent d’allergie aux céphalosporines : demander au patient s’il a déjà pris des antibiotiques dont le nom commence par le préfixe « cef- » et s’il a fait une allergie.
  • un antécédent d’allergie sévère aux pénicillines : demander au patient qui déclare une allergie aux pénicillines quels ont été les signes et les délais de survenue.
  • une insuffisance rénale : demander au patient si sa fonction rénale a été récemment contrôlée et s’il connaît la valeur de son DFG.

Modalité d’administration : au cours d’un repas.

Clarithromycine

Recommandation : en troisième intention dans l’angine aiguë de l’enfant ou de l’adulte, en cas de contre-indication aux β-lactamines (pénicillines et céphalosporines).

Famille : macrolide.

Site d’action : les ribosomes, ce qui entraîne une inhibition de la synthèse protéique bactérienne.

Effet : bactériostatique (aux doses usuelles).

Particularités pharmacocinétiques :

  • absorption : molécule lipophile bien absorbée par voie orale et ayant une bonne diffusion dans les tissus de la sphère otorhinolaryngologique.
  • métabolisme : du fait de son caractère lipophile, elle est fortement métabolisée au niveau hépatique, en particulier par le cytochrome P450 (CYP) 3A4 dont elle est substrat mais également inhibitrice (d’où de nombreuses interactions médicamenteuses).

Élimination : par le foie dans les matières fécales et par le rein dans les urines, sous forme de métabolites.

Effets indésirables : troubles digestifs (diarrhées, nausées, vomissements, dyspepsies, ainsi que dysgueusies), céphalées, anomalies de la fonction hépatique et éruption cutanées (à type le plus souvent d’urticaire ou d’exanthème maculopapuleux) sont fréquents. Plus rarement peuvent s’observer des toxidermies sévères (pustulose exanthématique aiguë généralisée, syndrome de Lyell ou de Stevens-Johnson et syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse), allongement de l’intervalle QT à l’ECG et troubles du rythme cardiaque à type de torsades de pointe (voir encadré).

Contre-indications : allergie aux macrolides, allongement congénital ou acquis de l’intervalle QT, troubles hydroélectrolytiques favorisant l’allongement du QT (hypokaliémie ou hypomagnésémie), antécédent de troubles du rythme ventriculaire, insuffisance hépatique sévère associée à une insuffisance rénale.

Interactions : En raison de son activité inhibitrice du CYP 3A4, la clarithromycine est contre-indiquée avec de nombreux médicaments dont elle augmente les concentrations plasmatiques et majore les effets indésirables. Il s’agit par exemple des dérivés ergotés vasoconstricteurs (dihydroergotamine), de l’alfuzosine, de l’avanafil, de la colchicine, de l’éplérénone, de la simvastatine, du ticagrélor. Elle est déconseillée avec les dérivés ergotés dopaminergiques (bromocriptine, cabergoline), le rivaroxaban, l’apixaban, la tamsulosine. Son association à la pravastatine, à l’atorvastatine, aux sulfamides hypoglycémiants nécessite de renforcer soit la surveillance musculaire (sous statines), soit celle de la glycémie (sous antidiabétiques) et de prévoir une adaptation de la dose de ces médicaments.

En raison de son effet sur l’intervalle QT et du risque de torsades de pointe, la clarithromycine est contre-indiquée avec la dompéridone, la dronédarone, l’ivabradine, la mizolastine, le pimozide. Elle est déconseillée avec le disopyramide et l’ébastine.

L’association à d’autres substances susceptibles de donner des torsades de pointe (voir encadré) impose des précautions d’emploi et notamment une surveillance renforcée de l’ECG pendant l’association.

Posologie et durée de traitement dans l’angine

  • chez l’adulte : 500 mg par jour en 2 prises pendant 5 jours.
  • chez l’enfant à partir de 10 ans : 15 mg/kg par jour en 2 prises, soit une dose-poids 2 fois par jour, sans dépasser 500 mg par jour (soit 34 doses-kg 2 fois par jour) pendant 5 jours.

Modalités d’administration : indifférentes par rapport aux repas pour les comprimés, au cours d’un repas pour les suspensions buvables.

Points de vigilance !

Vérifier systématiquement ces situations qui peuvent remettre en cause la délivrance de la clarithromycine :

  • un antécédent d’allergie aux macrolides : « Avez-vous déjà pris des antibiotiques dont le nom se termine par le suffixe «-mycine” ? », « Avez-vous fait une allergie à ces antibiotiques ? »
  • un problème cardiaque : « Avez-vous déjà eu un ECG ? », « Souffrez-vous d’arythmie ? », « Prenez-vous des médicaments pour le cœur (un bradycardisant, par exemple) ? »
  • les traitements en cours : en particulier un traitement par colchicine, statine, α-bloquant urinaire, anticoagulant oral direct, antiagrégant, antiarythmique.

Les torsades de pointe

  • Les torsades de pointe constituent un type particulier de tachycardie ventriculaire, se produisant dans un contexte d’allongement congénital ou iatrogène de l’intervalle QT à l’électrocardiogramme (ECG). Le risque majeur est l’évolution en fibrillation ventriculaire potentiellement létale.
  • Le risque de torsades de pointe est plus élevé chez les femmes et les personnes âgées, en cas d’hypothyroïdie, de cardiopathie (myocardite, hypertrophie ventriculaire, infarctus, par exemple), de bradycardie, d’hypokaliémie ou d’hypomagnésémie qui favorisent l’allongement de l’intervalle QT.
  • Certains médicaments sont également susceptibles d’allonger l’intervalle QT et sont torsadogènes, notamment les antiarythmiques de classe Ia ou Ic (disopyramide, flecaïnide, quinidine, etc.) ou de classe III (amiodarone, dronédarone, sotalol), des antidépresseurs (tels que l’amitriptyline, le citalopram, l’escitalopram), des anti infectieux (macrolides, lévofloxacine, moxifloxacine, chloroquine, hydroxychloroquine, méfloquine, pentamidine, antifongiques azolés), de nombreux neuroleptiques, les anti-H1 de type phénothiazines, la dompéridone, la méthadone, certains inhibiteurs de tyrosine kinase, des anticholinergiques urinaires (chlorure de trospium et toltérodine) et le torémifène.
  • Il convient d’être particulièrement vigilant en cas d’associations de plusieurs médicaments torsadogènes (qui sont à éviter) ou d’association de médicaments modifiant l’intervalle QT à des médicaments bradycardisants ou hypokaliémiants.

Article issu du Cahier Formation du n°3554, paru le 22 mars 2025.