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Qui aura la peau de la dermatite atopique ?
Jusqu’au début des années 2020, les options thérapeutiques étaient peu nombreuses pour les patients atteints d’une dermatite atopique modérée à sévère, mal contrôlée par des traitements topiques. Depuis lors, une poignée de thérapies ciblées ont obtenu leur AMM, et plus d’une trentaine sont aujourd’hui au stade de phase 2 ou 3. Une avancée de taille dans le traitement de cette maladie chronique.
En 2022, des recommandations européennes ont autorisé la mise sur le marché de nouvelles molécules systémiques dans le cadre de la dermatite atopique. Ces dernières sont préconisées dans les cas où « les signes et les symptômes de la dermatite atopique ne peuvent pas être suffisamment contrôlés par des traitements topiques appropriés et la photothérapie UV » et « pour réduire la quantité totale de dermocorticoïdes chez les patients qui ont besoin de grandes quantités de corticoïdes puissants sur de grandes surfaces corporelles pendant des périodes prolongées pour contrôler leur maladie ». Une précision qui rappelle l’importance de la formation des patients (ou de leurs parents) au bon usage des topiques émollients, huiles ou médicaments. Car, pour qu’ils soient bien utilisés, leur intérêt doit être parfaitement compris, la quantité appliquée adaptée à la sévérité et à la saison, et leur choix établi en accord avec le patient.
Devant une poussée, les dermocorticoïdes de classe II ou les inhibiteurs de calcineurine topiques constituent toujours les premiers traitements à envisager. Mais, mal utilisés, ils conduisent à une mauvaise réponse et à une perte de confiance des patients dans ces médicaments. Une piqûre de rappel est donc utile lors de leur dispensation : ainsi, il n’y a pas de dose maximale de dermocorticoïdes à préconiser. Le topique doit être appliqué « comme une tartine de Nutella », c’est-à-dire en quantité suffisante pour permettre une amélioration nette des lésions inflammatoires en quelques jours, idéalement en moins d’une semaine. L’occlusion est envisageable pour améliorer le contrôle des démangeaisons au cours des 24 à 48 premières heures. Parfois, le wet wrapping (émollient avec ou sans dermocorticoïdes sous pansement humide) peut soulager rapidement les lésions très prurigineuses des adultes ou des enfants.
Récidive ne signifie pas échec
Les patients tendent parfois à penser qu’une récidive des lésions signifie un échec thérapeutique. Ils oublient que la dermatite atopique est une maladie chronique. Mais si les récidives sont trop nombreuses, une application proactive des topiques deux fois par semaine peut être proposée. Et si la sévérité semble trop importante, le traitement systémique s’impose. La sévérité est définie par un Scorad (Scoring Atopic Dermatitis, score composite qui intègre l’ampleur de la surface corporelle atteinte, l’aspect des lésions et l’intensité des symptômes ressentis) élevé, une réponse clinique insuffisante malgré un traitement topique fréquent ou par une incapacité à avoir une activité normale de la vie quotidienne, avec une qualité de vie et/ou de sommeil altérée.
Dès lors, la première ligne préconisée en France est la ciclosporine chez les plus de 16 ans. Les schémas de prescription (2,5 à 5 mg/kg par jour en 2 prises) permettent d’obtenir une réponse thérapeutique en 1 à 2 semaines le plus souvent. En cas d’échec, ou en cas de contre-indications ou d’intolérance (notamment chez les plus âgés), les options sont multiples : dupilumab Dupixent (anti-IL-4/13), tralokinumab Adtralza (anti-IL-13), abrocitinib Cibinqo (anti-JAK1), baricitinib Olumiant (anti-JAK1/2) et upadacitinib Rinvoq (anti-JAK1). Les recommandations européennes de 2022 ne les hiérarchisent pas. Le choix est d’abord posé selon l’âge du patient : seuls le dupilumab, le tralokinumab et l’upadacitinib sont indiqués chez les 12-15 ans et seul le dupilumab l’est chez les plus jeunes (dès 6 mois pour la forme seringue). A l’inverse, les alertes émises au sujet des anti-JAK imposent de bien évaluer leur balance bénéfice-risque chez les plus âgés, de les prescrire à demi-dose ou de leur préférer d’autres options.
La rapidité d’action peut également être un critère lorsque les patients ressentent une gêne importante : dans ce cas, les anti-JAK agissent plus rapidement que le dupilumab et, a fortiori, le tralokinumab ou le méthotrexate (1 à 2 semaines contre plus de 4 à 6 semaines). Enfin, le choix est orienté selon la forme et la localisation des lésions, le contexte clinique, les comorbidités (notamment allergiques) et les contre-indications propres au patient.
En règle générale, la patience est de mise dans la dermatite atopique : il faut souvent attendre au moins six mois pour parler d’échec ou d’efficacité insuffisante, et parfois davantage pour les biothérapies dont le délai d’action est long et pour lesquelles une amélioration de l’efficacité peut encore être obtenue après 12 mois de traitement. A cela s’ajoutent d’autres questions auxquelles des études cliniques devront répondre : est-il possible d’espacer les administrations lorsque la maladie est contrôlée ? Ces traitements peuvent-ils être arrêtés ? Chez les enfants et adolescents dont la dermatite peut s’atténuer ou disparaître avec l’âge, la réponse est particulièrement attendue.
Levée de l’obligation de la prescription hospitalière
Malheureusement, les essais en face-à-face ou les données recueillies en vie réelle manquent encore pour orienter le choix du meilleur traitement. Des études sont également nécessaires pour déterminer s’il existe des endotypes de la maladie qui pourraient être établis par dosage de biomarqueurs avant d’adopter la prescription.
En attendant ces évolutions, la recherche reste très active : plus d’une trentaine d’autres molécules sont actuellement évaluées en phase 2 ou 3. Ce mouvement s’explique par l’amélioration de la connaissance sur les processus physiopathologiques associés à la maladie. On sait à présent qu’elle est liée à la production de certains médiateurs pro-inflammatoires (lymphopoïétine thymique stromale ou TSLP) par les kératinocytes et, à un défaut, de la barrière cutanée qui favorise la présentation d’antigènes par les cellules spécialisées (CPA) aux lymphocytes T helper 2 (ou Th2). En découlent notamment la production de molécules pro-inflammatoires (interleukines IL-4, IL-5, IL-13, IL-31, puis des JAK) et l’activation d’autres cellules (Th1, Th17, Th22, ILC2). Par ailleurs, une dysbiose locale contribue au maintien du processus physiopathologique. Les axes de recherche visent à bloquer ces différents processus. De nouveaux traitements ciblent les cytokines clés comme le lébrikizumab (anti-IL-13), le temtokibart (anti-IL-22), ou encore le némolizumab (anti-IL-31) qui a une efficacité sur le prurit associé à la maladie. Des anti-JAK topiques sont également en développement. Plus en amont, d’autres anticorps monoclonaux comme le tézépélumab (Tezspire) ciblant le TSLP, ou l’amlitelimab et le rocatinlimab ciblant respectivement le récepteur OX40 des Th2 et son ligand (OX40L) porté par les CPA montrent des résultats prometteurs. Enfin, la piste du microbiote local pourrait constituer une cible thérapeutique intéressante afin de faciliter le rétablissement de l’intégrité cutanée.
Le 17 avril 2024, l’obligation d’une prescription initiale hospitalière a été levée pour le dupilumab et le tralokinumab. Cette évolution, qui permet aux spécialistes libéraux d’être prescripteurs de ces molécules, devrait conduire à modifier la place des différents traitements systémiques dans la prise en charge de la maladie. La solution alternative sera probablement envisagée avec précaution pour le traitement des plus jeunes enfants. Mais pour les patients adultes ne présentant pas un tableau complexe ou une anxiété associée aux injections, la prescription en ville après un bilan initial adéquat sera probablement plus fréquente. Ces modifications concernant les conditions de prescription et de délivrance conduiront à l’actualisation des avis de la commission de la transparence (Haute Autorité de santé) des produits concernés dans les prochains mois. Quant aux recommandations françaises, elles paraîtront à la fin de l’année 2024.
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