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Médecine esthétique : comment gérer les risques des injections
L’acide hyaluronique et la toxine botulique suscitent un engouement exponentiel en médecine esthétique, au point d’engendrer quelques dérives. Qui est réellement habilité à pratiquer ces injections ? Quels sont les effets secondaires à surveiller et comment s’en prémunir ? Réponses de spécialistes.
Effacer quelques années sur son visage, améliorer des petits défauts… Le tout sans passer par la case chirurgie ! Fortement alimentée par les réseaux sociaux, la mode des injections esthétiques séduit un public de plus en plus large. Elle concerne deux produits principaux. « L’acide hyaluronique existe sous différentes formes, avec des concentrations et des densités variées. C’est un composant naturellement présent dans notre peau, destiné à combler des rides, des volumes ou à réhydrater », détaille Isabelle Meurgey, spécialiste en médecine esthétique et anti-âge. « La toxine botulique ou Botox agit plus profondément en immobilisant temporairement certains muscles qui, par leur tension, font naître des rides d’expression et accélèrent l’apparition de rides marquées. »
Réservé aux médecins
Manipuler de tels produits sans risque et obtenir un résultat harmonieux exige une expertise et une formation spécifiques. « Seul un médecin est autorisé à pratiquer des injections cutanées, quelles qu’elles soient », rappelle Isabelle Rousseaux, dermatologue et membre du bureau du Syndicat national des dermatologues-vénérologues (SNDV). Elle complète : « Pour l’acide hyaluronique, ces injections peuvent être pratiquées par toutes les spécialités médicales. La toxine botulique, en revanche, peut être administrée uniquement par des chirurgiens esthétiques, des dermatologues, des ophtalmologistes, des rhumatologues et des neurologues. » Les trois dernières spécialités sont par ailleurs plus concernées par les indications médicales du produit que par ses indications esthétiques.
Une telle distinction tient au statut des deux produits : médicament pour la toxine botulique et dispositif médical implantable pour l’acide hyaluronique. Ce dernier est ainsi moins contrôlé et à portée de main de toute personne souhaitant s’en procurer : « Il est effectivement possible d’acheter des seringues librement sur Internet », reconnaît Isabelle Rousseaux. Cette disponibilité a ouvert la voie à un véritable marché parallèle clandestin. En atteste la récente condamnation par le tribunal de Metz (Moselle) de deux sœurs ayant pratiqué des centaines d’injections sans aucune formation médicale. Verdict : 10 ans de prison avec sursis pour pratique illégale de la médecine. Des dérives probablement assez répandues mais impossibles à quantifier.
Afin d’en encadrer davantage l’accès, un décret relatif à la délivrance d’acide hyaluronique injectable, désormais réservé aux stricts professionnels de santé concernés, vient d’être adopté au niveau européen en date du 3 novembre 2023. Un premier pas, selon Isabelle Rousseaux, qui demeure insuffisant. « Nous savons que n’importe qui peut facilement commander des produits en provenance de pays hors Union européenne. Il faudrait donc aller plus loin, comme pour la toxine botulique, vers un statut de médicament. »
Des séquelles parfois graves
Depuis l’émergence des cas d’injections clandestines, encouragés par nombre de tutoriels vidéos postés sur Internet, les professionnels de santé se mobilisent pour sensibiliser le grand public aux risques inhérents à ces pratiques. « Les effets secondaires graves concernent principalement l’acide hyaluronique. En cas d’injection intra-artérielle, il peut provoquer des embolies », alerte Isabelle Rousseaux. « Introduit dans l’artère faciale, il peut migrer vers la rétine et engendrer une cécité. Plus localement, on peut observer une nécrose de la peau. » Plusieurs cas de nécroses des tissus cutanés ont été répertoriés en France chez des patients ayant reçu des injections par des personnes non habilitées.
Pour s’en prémunir, une seule solution : s’adresser à un médecin formé ayant pignon sur rue. Même si des incidents peuvent survenir également lorsque l’acte est pratiqué par un spécialiste – le risque zéro n’existe pas –, le professionnel dispose de solutions pour réagir immédiatement et éviter les répercussions graves d’un embole artériel. « Grâce à l’injection de l’hyaluronidase, qui va dissoudre intégralement l’acide hyaluronique injecté au mauvais endroit », précise Isabelle Rousseaux.
A un stade précoce, l’embole artériel se manifeste par des rougeurs au niveau de la peau, irradiant à partir de la zone d’injection, ainsi que par des douleurs. A un stade plus avancé, une nécrose s’installe sous la forme d’une zone de peau noircie. « Si un patient se présente à l’officine avec ces symptômes après avoir réalisé des injections clandestines, il faut l’adresser en urgence vers une prise en charge hospitalière. Les médecins de ville n’y toucheront pas en raison de la responsabilité légale qui leur incombera en cas de problème : c’est le dernier qui y a touché qui sera considéré comme responsable », détaille la dermatologue
Comme tout acte invasif, quelques effets secondaires mineurs sont susceptibles de survenir même après des injections réalisées en bonne et due forme dans des cabinets médicaux. Isabelle Meurgey en liste deux principaux : « Les petits hématomes et les petits œdèmes sont assez fréquents au niveau du site d’injection. » Afin d’en limiter l’ampleur, l’experte en médecine esthétique recommande : « une crème à base de vitamine K ou d’arnica qui est efficace pour faire disparaître plus rapidement ces petites traces postinjection. » Attention à ne pas masser pour la faire pénétrer, particulièrement après une administration d’acide hyaluronique. « Le produit est vraiment comme une pâte à modeler et il y a un risque de dispersion. » Le bon geste : déposer simplement la crème et laisser la peau l’absorber. De simples packs de froid font également des merveilles pour dissiper les œdèmes.
Pas d’aspirine
Deux cas spécifiques nécessitent une attention particulière en matière de prévention, comme le signale Isabelle Meurgey : « Il est préférable d’éviter de prendre de l’aspirine ou tout médicament fluidifiant avant les injections, pour limiter au maximum les saignements et les hématomes. Sauf bien évidemment si cela fait partie d’un traitement dont vous avez réellement besoin au quotidien. Chez les personnes qui envisagent des injections au niveau des lèvres et sujettes à des poussées d’herpès, je conseille de prendre un traitement antiviral de type aciclovir (Zovirax) ou valaciclovir (Zelitrex), pour empêcher une poussée. »
D’autres signes, fort heureusement très rares, sont à surveiller avec davantage d’attention. « Toute douleur après l’injection est anormale. On peut avoir un peu mal au moment de la piqûre mais cette sensation ne doit jamais perdurer », met en garde Isabelle Meurgey. « Même chose pour un gonflement de type inflammatoire, rouge et chaud, une infection locale, un œdème persistant au-delà d’une semaine. Dans ces cas, il faut inviter le patient à contacter immédiatement son médecin ou un autre spécialiste s’il ne se sent pas en confiance pour retourner au même endroit. »
Quelques erreurs dans la correction doivent aussi amener à consulter de nouveau. Comme un affaissement de paupière, possible avec la toxine botulique, qui sera corrigé en pratiquant une injection dans le muscle antagoniste. Autre exemple : l’effet dit Méphisto, avec un sourcil ayant tendance à remonter sous forme d’accent circonflexe, peut lui aussi être harmonisé. Enfin, un effet dit Tyndall s’observe parfois au niveau des cernes, dans le cadre d’injections d’acide hyaluronique un peu trop superficielles. La peau prend alors un aspect légèrement bleuté et boursoufflé, auquel il est possible de remédier grâce à une injection d’hyaluronidase.
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