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Le Covid long tient en haleine la recherche
Trois ans après le début de la pandémie de Sars-CoV-2, cette maladie conserve le même tableau clinique et une grande part de mystères. Mais les travaux de recherche pour identifier tant sa physiopathologie que des traitements adaptés avancent.
D’après Santé Publique France, 2,06 millions de personnes de plus de 18 ans souffraient de Covid long en avril 2022. Pour essayer de mieux comprendre les ressorts de cette maladie, les travaux de recherche se concentrent sur trois mécanismes. Le premier est lié à la persistance du Sars-CoV-2 dans l’organisme après la phase aiguë de l’infection. « Les articles publiés sur le sujet montrent qu’il y a effectivement des signes indirects de persistance virale, comme la détection de reliquats de la protéine S du virus, confirme Olivier Robineau, médecin au service universitaire des maladies infectieuses et du voyageur du centre hospitalier de Tourcoing (Nord). Est-ce que cette présence est liée à une production virale dans un organe ou à un relargage tardif dû à une infection initialement très intense ? On ne le sait pas. On ignore également pourquoi ces anomalies apparaissent chez certaines personnes et pas chez d’autres… » Pendant la phase aiguë du Covid-19, des antiviraux comme Paxlovid et Veklury (remdesivir) ont montré une certaine efficacité pour lutter contre l’infection. « Deux essais viennent de démarrer aux Etats-Unis pour voir si ce type de molécules pourrait aussi permettre de réduire les symptômes chez les patients atteints de Covid long », précise-t-il.
Etat inflammatoire tenace
Le deuxième mécanisme sur lequel se penchent les chercheurs est le maintien de l’état inflammatoire, notamment au niveau des vaisseaux et du tissu cérébral. « Chez les patients, on retrouve effectivement une activation inflammatoire. La question qui se pose est de savoir si elle est liée à la persistance virale, à des reliquats de virus qui maintiendraient l’inflammation, ou à un mécanisme devenu indépendant du phénomène initial, souligne Olivier Robineau. Nous n’avons pas non plus identifié les mécanismes qui établiraient le lien entre cette persistance inflammatoire et la survenue des symptômes du Covid long. »
Plusieurs molécules anti-inflammatoires détournées de leur utilisation première sont à l’étude. « Un essai américain devrait tester le maraviroc (Celsentri), que l’on administre habituellement dans le VIH, et qui a aussi une activité immunomodulatrice », rapporte-t-il. La piste la plus prometteuse est à chercher en Suisse. « Une start-up genevoise, GeNeuro, a identifié chez les patients atteints de Covid long la surexpression d’une protéine pathogène, W-ENV, qui pourrait être responsable de l’inflammation et expliquer les troubles du système nerveux, comme les pertes cognitives et la fatigue », précise Julien Astaing, médecin référent du service Covid long à la clinique Clémentville de Montpellier (Hérault). Après avoir développé un test qui permet de confirmer la présence de cette protéine dans le sang d’un patient, GeNeuro s’apprête à démarrer un essai clinique sur 200 patients avec cinq hôpitaux suisses pour tester le temelimab, un anticorps monoclonal anti-W-ENV. « Si cet essai est concluant, cela confirmera que c’est bien la persistance virale qui est à l’origine de l’emballement permanent du système immunitaire. Nous disposerions alors d’un traitement curatif qui pourrait permettre d’éliminer le virus et l’ensemble du tableau clinique », espère Julien Astaing,
Le troisième mécanisme faisant l’objet de recherches porte sur la formation de microcaillots et microsaignements. Dans ce domaine, c’est l’équipe française d’Alain Thierry, directeur de recherche de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) à l’Institut de recherche en cancérologie de Montpellier (Hérault), qui est à l’origine des travaux les plus prometteurs. Elle a mis en évidence qu’une dérégulation de la défense immunitaire innée pourrait être en partie responsable de la persistance des symptômes du Covid long. « Dans une étude réalisée sur 259 personnes ayant été hospitalisées en soins intensifs six mois plus tôt pour des formes aigües sévères de Covid-19, nous avons identifié la persistance d’une production amplifiée et incontrôlée des NETs (neutrophil extracellular traps), confie Alain Thierry. Produits par les neutrophiles, les NETs pourraient alimenter l’inflammation et conduire à la production d’autoanticorps anticardiolipine. Or ces derniers sont souvent associés à la formation anormale de microcaillots dans les veines et les artères. Ce qui pourrait expliquer les microthromboses et les microcaillots que l’on retrouve de façon systémique dans toutes les autopsies réalisées chez les patients décédés du Covid-19, et chez les patients atteints de Covid long dans une étude très récente. Si cette hypothèse venait à se confirmer, cela suggérerait que le Covid-19 n’est pas stricto sensu une maladie respiratoire, mais une maladie de la coagulation et de l’atteinte des parois vasculaires… ».
Facteurs multiples
Son équipe est en train de développer un test qui permettra de déterminer la quantité de NETs circulant dans le sang, et donc de diagnostiquer les Covid longs. Pour réguler leur production, plusieurs stratégies thérapeutiques sont envisagées dans des essais cliniques. « Des anti-ADN du groupe des nucléases (par exemple la dornase) commencent à être prescrits pour leur capacité à dégrader l’ADN et à réduire de manière directe la quantité des NETs, note Alain Thierry. Des antioxydants pour inhiber la stimulation des neutrophiles et des antiprotéases pour éliminer les enzymes contenues dans les NETs sont également testés. La dernière piste, peut-être la plus prometteuse, concerne l’utilisation d’antiplaquettaires et de molécules anticoagulantes. »
« La difficulté à laquelle sont confrontés les chercheurs, c’est que les symptômes du Covid long sont probablement provoqués par une conjonction de plusieurs facteurs d’origine immunologique, inflammatoire, virale ou neuropsychologique, et peut-être avec des temporalités différentes », résume Olivier Robineau. En attendant l’arrivée de nouveaux traitements, les médecins doivent se contenter de traiter les symptômes avec des molécules existantes. « Pour améliorer la prise en charge, nous nous appuyons sur ce que nous connaissons des autres syndromes post-viraux, reconnaît Julien Astaing. Pour les reflux gastroœsophagiens, les antihistaminiques de classe 2 tels que la famotidine ou la cimétidine semblent mieux fonctionner que les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP). Dans la dysautonomie cardiaque et la tachycardie, l’ivabradine est, elle, beaucoup plus efficace que les β-bloquants. »
Une multitude d’essais cliniques sont par ailleurs en cours afin d’identifier des parcours de soins pluridisciplinaires. « Lorsque vous pratiquez une activité physique adaptée, le flux sanguin artériel et veineux est plus efficace grâce aux contractions cardiaques liées à l’effort, rappelle Julien Astaing. Ce qui permet d’améliorer la perfusion des tissus et de dégrader les microthromboses. Tous les patients à qui l’on prescrit de l’activité physique le disent : ils se sentent beaucoup mieux après l’effort et ont beaucoup moins de symptômes. »
Meilleur contrôle
« Les kinésithérapeutes, les ergothérapeutes et les orthophonistes arrivent eux aussi à régler ou à améliorer certains symptômes, ajoute Olivier Robineau. Le souci, c’est que le Covid long souffre, comme toutes les autres pathologies, de la crise médicale et qu’il est donc aujourd’hui très compliqué d’organiser ces parcours de soins adaptés. » « Grâce à eux, on améliore pourtant le tableau clinique, assure Julien Astaing. L’état immunitaire se stabilise, on arrive à mieux contrôler la persistance du virus, et on règle les symptômes tels que la fatigue et le brouillard cérébral. Les patients peuvent alors renouer avec une activité professionnelle et sociale. » Olivier Robineau se montre donc plutôt optimiste. « Les médecins commencent à se rendre compte de la nécessité de prendre en charge cette maladie le plus tôt possible, des essais thérapeutiques ayant montré que la prise d’antiviraux dès la phase aiguë de l’infection réduisait le risque de symptômes persistants, estime-t-il. Il me semble aussi que les patients sont aujourd’hui mieux écoutés et entendus. Et sur le plan de la recherche, nous devrions, je l’espère, enregistrer cette année de belles avancées. »
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