Transactions : chiffre d’affaires retraité, officine mieux valorisée

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Transactions : chiffre d’affaires retraité, officine mieux valorisée

Publié le 8 janvier 2024
Par Yves Rivoal
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Avec la montée en puissance des médicaments chers dans le chiffre d’affaires des officines, la valorisation exprimée en pourcentage du CA a pris du plomb dans l’aile. Mais cet indicateur continuant de faire référence auprès des vendeurs, les experts de la transaction ont dû faire évoluer ce mode de valorisation.

« En trois ans, la part des produits chers dans le chiffre d’affaires (CA) médicaments des officines est passée de 20 à 35 %, voire à 40 ou même 50 % dans des pharmacies qui réalisent 90 % de leur CA sur la TVA à 2,1 %, constate Gilles Andrieu, dirigeant du cabinet Espace et président de PSP. Une valorisation en pourcentage du CA ne veut donc plus rien dire car une officine de 2 millions d’euros de CA qui fait 25 % de produits chers margera à 32 %, la même, avec 40 %, margera, elle, à 26 %. » Pour que ce mode de valorisation continue d’avoir du sens, les cabinets de transaction et les experts-comptables ont adapté leurs pratiques. « Dans la majorité des dossiers que nous recevons, les médicaments onéreux à plus de 1 930 € sont systématiquement retirés du CA. C’est la même chose pour la part des médicaments chers, à plus de 150 €, lorsque celle-ci est supérieure aux moyennes habituelles », observe Jérôme Capon, le directeur du réseau Interfimo.

Retraiter le CA en fonction des produits

Sur la TVA à 0 %, les approches ont aussi évolué. « En 2020, 2021 et 2022, les ventes Covid avec leur marge à 80 % avaient fait exploser les CA des officines, rappelle François-Xavier Coussin, expert-comptable et commissaire aux comptes associé du cabinet Burette. Nous retirions donc ce CA et la marge reconstituée dans le calcul de l’excédent brut d’exploitation (EBE) car cela faussait la rentabilité. En 2023, le poids de la TVA à 0 % s’est sensiblement dégonflé. Et comme elle concerne désormais essentiellement des activités récurrentes comme la vaccination, nous ne les retirons plus. » De son côté, Intefimo continue, lui, de retraiter l’activité Covid. « Même si elle ne représente plus grand chose, nous demandons systématiquement aux cabinets les états de marge dégressive lissée (MDL) afin de retrouver la ventilation des taux de TVA et de pouvoir la retraiter si nécessaire », souligne Jérôme Capon.

Les sites Internet marchand font, eux, l’objet d’un traitement à part. « Chez Pharmathèque, nous ne tenons pas compte de ce CA dans la détermination du prix de vente d’une officine, confie Jean-Luc Guérin, le président de Pharmathèque. Il fait en général l’objet d’une négociation spécifique, en sachant que certains acheteurs n’en veulent pas. » Les ventes générées par les collectivités subissent le même sort. « Lorsque le marché n’est pas contractualisé, nous retirons généralement de la valorisation la totalité du CA et la marge correspondante dans l’EBE, souligne François-Xavier Coussin. Si la relation est contractuelle ou que la pharmacie est seule au village pour livrer l’Etablissement d’hébergement de personnes âgées dépendantes (Ehpad) de la commune, nous les valorisons en moyenne entre 40 % et 60 % du marché. »

L’EBE, un critère standard ?

Si la valorisation en pourcentage du CA continue de faire autorité, quand il est correctement retraité, tous les experts s’accordent pour dire que l’EBE devrait prendre le relais. « L’approche du multiple de l’EBE retraité de la rémunération de l’exploitant et de ses cotisations sociales obligatoires et non obligatoires s’est d’ailleurs imposée comme l’un des deux indicateurs de valorisation dans les statistiques d’Interfimo, observe Jean-Luc Guérin. Cette méthode a le mérite d’être plus simple, puisqu’elle ne nécessite pas de neutraliser les produits chers, et d’être aussi plus juste car elle donne un aperçu fidèle de la rentabilité. » Le problème, c’est que beaucoup de pharmaciens restent attachés à la valorisation en pourcentage du CA. « Lorsque vous demandez à un vendeur combien vaut sa pharmacie, trois fois sur quatre, il vous répondra en pourcentage du CA. Il reste donc encore beaucoup de chemin à parcourir pour que l’EBE s’impose comme le critère standard », conclut Gilles Andrieu.  

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