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Les avantages et les risques

Publié le 9 avril 2016
Par Francois Pouzaud
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Cette technique astucieuse permet de lever des fonds à partir de sa propre entreprise pour investir. Bien que légale, l’administration fiscale peut requalifier cette opération si l’objectif est d’échapperà l’impôt. De plus, son coût fiscal n’est pas anodin.

La vente à soi-même consiste à revendre le fonds de commerce exercé en entreprise individuelle à une société, le plus souvent de type SEL dont l’unique associé sera le titulaire. Le financement est couvert par des apports en numéraire du pharmacien (résultant de la vente de l’officine) à la société et la souscription d’un emprunt par celle-ci. L’emprunt sera remboursé avec ses bénéfices futurs tandis que la société déduit de son bénéfice imposable les intérêts de l’emprunt.

L’intérêt de ce montage est de concrétiser immédiatement en capital des revenus futurs, sans changer d’officine. En optant pour une SEL à l’impôt sur les sociétés (IS), le capital de l’emprunt est remboursé avec des résultats subissant une fiscalité d’entreprise – plus douce qu’à l’impôt sur le revenu (IR). En outre, le pharmacien fait des économies sur ses cotisations sociales et la SEL peut prendre des participations dans d’autres SEL.

Les inconvénients de la vente à soi-même sont essentiellement liés au coût fiscal élevé. « Lors de la cession du fonds de commerce, le titulaire sera redevable de la plus-value professionnelle au taux global de 31,5 % (16 % + CSG + RDS + prélèvements sociaux), précise Luc Fialletout, directeur général d’Interfimo. Corrélativement, la société devra acquitter le droit d’enregistrement au taux de 5 % sur la valeur de cession du fonds, augmenté des frais d’actes. » De plus, le patrimoine privé ainsi enrichi peut devenir soumis à l’impôt sur la fortune (ISF).

Indications et précautions d’emploi

La vente à soi-même ne doit pas être motivée par une simple levée de cash. « Elle doit être justifiée par une utilisation judicieuse du capital dégagé, par exemple, dans l’investissement d’une autre officine », estime Luc Fialletout. En revanche, il est peu judicieux d’utiliser ces liquidités pour conforter son patrimoine privé. Les simulations montrent qu’il est plus intéressant d’emprunter à titre personnel pour acheter sa résidence principale ou une résidence secondaire, même s’il n’y a aucun avantage fiscal à la clé. Alors qu’en réinvestissant une partie des fonds dans la participation au capital d’une autre SEL, le pharmacien profite d’un effet de levier qu’il ne retrouve pas dans la sphère privée.

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D’autres projets professionnels peuvent sous-tendre une vente à soi-même : sortie de difficultés financières, entrée d’un associé, transmission de l’officine avec conservation des parts par le pharmacien retraité pendant dix ans, etc.

Sur le plan financier, la vente à soi-même demande de prendre d’infimes précautions. « Il convient de s’assurer que l’opération de refinancement global sera, à long terme, suffisamment intéressante pour couvrir les frais générés », explique François Gillot, expert-comptable du cabinet de comptabilité et de gestion CAAG.

Par ailleurs, la valeur de cession doit être dans la fourchette de prix du marché. « Si la pharmacie est valorisée à son juste prix, le montage ne pourra pas être considéré comme abusif par l’administration fiscale », assure Luc Fialletout.

Selon la direction des services fiscaux, un tel schéma n’est concevable que s’il est établi que l’acquisition n’a pas été réalisée dans l’intérêt du professionnel concerné, pour des raisons exclusivement fiscales (baisse de l’IR et des cotisations sociales de l’exploitant). A défaut, elle apparente la vente à soi-même à un abus de biens sociaux sur le plan pénal et à un acte anormal de gestion sur le plan fiscal. Dans cette hypothèse, la déduction des intérêts d’emprunt par la SEL qui s’est endettée pour réaliser cette acquisition serait remise en cause. La plus grande prudence reste donc de rigueur si cette opération est envisagée uniquement pour éluder l’impôt.