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Que vaudra l’amortissement temporaire, au fond ?

Publié le 12 février 2022
Par Francois Pouzaud
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La possibilité d’amortir temporairement le fonds commercial, offerte aux acquéreurs à travers l’article 23 de la loi de finances pour 2022, devrait représenter une aubaine fiscale dont pourraient aussi tirer profit les vendeurs.

Les acquéreurs de fonds commerciaux peuvent amortir, comptablement et fiscalement, le prix d’achat dudit fonds sur une durée de 10 ans, sous réserve que l’opération de reprise soit réalisée entre le 1er février 2022 et le 31 décembre 2025. Cette mesure devrait permettre, dans un contexte de sortie de crise sanitaire, d’apporter un soutien à la reprise de l’activité économique en encourageant les opérations d’acquisition et de reprise de fonds.

Ce régime temporaire concernera notamment les petites entreprises définies à l’article L.123-16 du Code de commerce qui n’auront par ailleurs aucune obligation de justifier d’une durée limitée d’exploitation du fonds pour pouvoir prétendre à son amortissement fiscal étalé sur 10 ans. Les officines seront ainsi pour leur écrasante majorité concernées puisque les entreprises visées sont simplement tenues de ne pas dépasser deux des trois seuils suivants : 12 millions d’euros de chiffre d’affaires, 6 millions pour le total de bilan et 50 salariés. De plus, la durée d’exploitation illimitée des licences de pharmacies ne serait pas une entrave à l’éligibilité au dispositif.

« L’instauration de ce dispositif devrait fort logiquement inciter les prochains acquéreurs à privilégier des rachats de fonds, au détriment des acquisitions de parts n’ouvrant pas droit à l’amortissement dont il est question », pense Thomas Grosse, expert associé du cabinet Extencia, membre du groupement CGP. La divergence d’intérêt entre acquéreur et vendeur risque de refaire surface. « En présence d’une transmission d’officine exploitée sous forme de société à l’impôt sur les sociétés (IS), il est très souvent plus judicieux pour le cédant de vendre les parts sociales ou actions pour des considérations fiscales », expose-t-il. L’acquisition étant facilitée, cet expert-comptable s’attend à une relative augmentation des prix de cession dans les mois à venir dans la mesure où les acquéreurs, désireux de bénéficier de ce régime temporaire particulièrement avantageux pour eux, devront parvenir à convaincre les cédants de vendre leur fonds. « Des simulations seront ainsi vraisemblablement à réaliser au cas par cas en vue de trouver une solution susceptible de satisfaire aux exigences et aux intérêts de chacun », ajoute-t-il.

Apports et taxations

Ce que les acquéreurs gagnent à l’entrée, ils risquent de le perdre à la sortie. « Lorsqu’ils céderont leur fonds de commerce, ils pourraient subir une taxation accentuée, puisque les amortissements antérieurement pratiqués viendraient réduire d’autant le prix de revient retenu dans le cadre de la détermination de la plus-value imposable », avertit Thomas Grosse. La seule façon d’éviter une taxation confiscatoire serait d’exercer en société, d’apporter préalablement leurs parts à une société de participation financière de professions libérales (SPF-PL) qui céderait ensuite les titres. « Il faudra néanmoins s’assurer à ce stade que les capitaux propres n’aient pas été ou ne soient pas trop lourdement impactés à l’avenir par l’amortissement du fonds, afin de donner la faculté au nouvel acquéreur de percevoir les dividendes nécessaires à son financement », remarque-t-il.

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La notion d’acquisition mentionnée dans la loi s’entendrait probablement au sens large, englobant à la fois les acquisitions, les apports de fonds en société, ainsi que les fusions. « Ce qui pourrait donner droit à des montages juridiques et fiscaux particulièrement intéressants, souligne-t-il. Néanmoins, il est à souhaiter que l’administration fiscale puisse apporter la confirmation de cette analyse, même si l’objectif de la mesure tel qu’il résulte de l’exposé des motifs du projet de loi de finances est de faciliter les opérations d’acquisition à titre onéreux des fonds commerciaux. »