Acte de vente : la montée des marges sous le feu des projecteurs

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Acte de vente : la montée des marges sous le feu des projecteurs

Publié le 14 juin 2025
Par Guy Tamboise
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L’ère où, lors des transactions, le chiffre d’affaires d’une pharmacie constituait un indicateur clé touche à sa fin. Il est temps de repenser cette tradition et de se fonder sur la marge en valeur, en auditant la comptabilité générale de la société visée.

Avant toute acquisition, les futurs repreneurs examinaient jusqu’ici scrupuleusement le niveau de l’activité de l’officine ciblée. Ils s’appuyaient d’abord sur les derniers comptes annuels, puis, jusqu’à la conclusion définitive de la vente, faisaient traditionnellement appel à un expert-comptable pour obtenir des attestations de chiffre d’affaires (CA). Ces informations, intégrées dans les actes de cession, ont longtemps servi à informer et à rassurer les acheteurs. Pourtant, ce réflexe hérité du passé ne présente plus la même utilité qu’auparavant.

Un maximum d’informations

La loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification du droit des sociétés a supprimé certaines mentions obligatoires de l’acte de vente d’un fonds de commerce, notamment celles relatives aux CA et aux résultats d’exploitation réalisés au cours des trois derniers exercices comptables (ancien article L. 141-1 du Code de commerce). Toutefois, l’article L. 141-3 du Code de commerce stipule que le vendeur est tenu de la garantie à raison de l’inexactitude de ses énonciations. Ainsi, afin de permettre à l’acquéreur de se forger une idée précise de ce qu’il achète et de la garantie donnée par le vendeur, il convient d’inclure dans les actes un maximum d’informations relatives à l’activité cédée. Pour Laurent Courtin, avocat associé du cabinet LFA, « c’est la raison pour laquelle il est porté désormais, dans les actes de cession, différentes informations spécifiques à cette activité, telles que la répartition du CA par type de vente, les marges dégressives lissées (MDL), les produits chers, les activités nécessitant un diplôme complémentaire, etc., mais ce n’est évidemment pas suffisant».

Bonnes pratiques de facturation

Laurent Cassel, expert-comptable associé du cabinet AdéquA, le confirme. « Il n’est pas très difficile d’attester de la conformité d’un CA par rapport aux données issues des logiciels de gestion officinaux, mais ce travail de simple compilation est totalement inutile. Ce qui importe –  et est plus complexe –, c’est de s’assurer de son exactitude et de sa conformité aux bonnes pratiques de facturation du pharmacien et de son équipe. Par ailleurs, contrôler la marge présentée dans les comptes du vendeur est encore plus compliqué ». Il s’agit ici de déceler d’abord d’éventuelles erreurs de facturation, voire des fraudes, et ensuite des incohérences purement comptables aux impacts significatifs. Par exemple, la sous-évaluation des stocks de 20 000 € pour l’établissement des comptes 2023, dans une officine de 2 millions d’euros de CA, affectera la présentation des comptes sur deux exercices. Ceux de 2023 seront évidemment erronés, ainsi que ceux de 2024, puisque la correction qui interviendra majorera artificiellement et exceptionnellement la marge en valeur de 20 000 € et le taux de marge de 1 % (20 000 €/2 millions). Sans connaissance de cet ajustement, les acquéreurs surestimeront ici la marge pour les années à venir et ainsi la valeur réelle de l’officine !

Complexité de la marge en valeur

Pour Laurent Fruleux, associé du cabinet AdéquA, « valider la marge en valeur est un travail d’audit quasiment indispensable pour les acquéreurs ». Auditer la comptabilité générale d’une société dont il est envisagé d’acquérir les titres relève du bon sens, afin de s’assurer de l’exactitude de ses actifs et de l’exhaustivité de ses passifs. C’est un travail assez rapide et facile pour des petites entreprises, mais établir la marge en valeur est bien plus complexe… «Il ne faut pas se tromper de combat. C’est bien cette marge dégagée par le vendeur qui devrait être attestée par l’expert-comptable, et faire l’objet de l’attention des parties et des financeurs. Aussi, à l’avenir, la rédaction des actes devrait aller dans ce sens pour éclairer efficacement les parties et limiter tant que faire se peut les risques de mener une mauvaise affaire, tout en ayant bien à l’esprit qu’on ne peut néanmoins pas être exhaustif au vu du nombre de données chiffrées potentielles», conclut Laurent Courtin.

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