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Appelez-moi DD !
Dérèglement climatique, mise en cause des formules cosmétiques et des produits alimentaires ultra-transformés, rénovation des bâtiments, nouveaux modes de management, le développement durable – DD pour les intimes – concerne tout et tourne autour de trois piliers : le social, le sociétal et l’environnemental. Dans les pharmacies aussi, DD avance pas à pas.
Notre maison brûle et nous regardons ailleurs », lançait Jacques Chirac au Sommet mondial sur le développement durable, en 2002. Depuis, il s’est passé une prise de conscience collective et le rapport de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) de janvier dernier, qui alertait sur la composition des couches pour enfants et qui a entraîné le retrait de la vente du lait Modilac, a connu un fort retentissement dans l’opinion publique. C’est pourquoi marques et enseignes agissent pour montrer leurs efforts “durables” : 25 marques internationales (dont Oral-B, Nivea Men…) vont engager une démarche zéro déchet au printemps, via un système de consigne baptisé “Loop”. A partir de cette année, Monoprix cesse de distribuer ses catalogues en boîtes aux lettres, ce qui équivaut à 2400 tonnes de papier par an épargnées ; Intermarché a supprimé le plastique de ses cotons-tiges ; le groupe Casino a créé l’enseigne Franprix Noé pour une « consommation plus responsable »… « Greenwashing » ou sincère volonté d’agir pour la planète ? L’avenir, nous le dira ! Car le développement durable (DD) « répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs », selon le rapport Brundtland, réalisé pour les Nations Unies en 1987. C’est donc un vaste programme qui concerne chacun ! Y compris les pharmacies. De nombreux titulaires agissent de façon sporadique : l’un s’éclaire de LED, l’autre trie ses déchets… D’autres, beaucoup moins nombreux, essaient de mettre tout en œuvre pour faire mieux, avec une stratégie « clean ». Quitte à passer pour des originaux… assumés.
Il est vrai que le chantier peut effrayer tant il est ambitieux. Voici des éléments pour comprendre comment s’y prennent les pionniers du « sustainable » actif.
EN FRONT-OFFICE Un assortiment ciblé
Beaucoup de commerces commencent leur démarche éco-friendly en sélectionnant davantage les produits qu’ils vendent. C’est le cas d’enseignes comme Biocoop et son offre biologique. En 2015, la chaîne a même ouvert un pop’up store 100 % vrac, pour montrer qu’on pouvait éviter les emballages. De son côté, Naturalia s’est déclinée en Naturalia Vegan depuis 2017… « Certains consommateurs adorent les applis, comme Yuka, qui analysent la composition des produits. Ils s’en servent comme gendarme auprès des enfants, mais ils n’ont pas forcément envie de passer leur temps à scanner. D’où l’intérêt de rentrer dans un magasin qui abaisse la charge mentale, où on retrouve de la confiance dans son commerçant », souligne Pascale Brousse, fondatrice de Trend Sourcing. Créatrice de la page Facebook « Vie Saine Pascale » et du compte Instagram « Pascale Brousse Healthy Living », elle ajoute : « on constate chez le consommateur, une demande grandissante de transparence et surtout de cohérence ». Le citoyen n’est pas toujours logique : d’un côté, il peut passer commande sur Amazon pour se faire livrer dans l’heure, et de l’autre, chercher uniquement des produits bios et locaux. Quoi qu’il en soit, il place la barre haut. Or, même pour un pharmacien qualifié, analyser une formule et bien choisir son offre reste compliqué. « Parfois au sein d’une même gamme, seuls certains produits ne contiennent pas des ingrédients néfastes pour la santé », s’étonne Valérie Thivent, fondatrice de l’agence de conseil et de formation sur le développement durable Terre 2 Verre. « Parmi les déodorants que j’ai testés sur les applis comme Yuka et Clean Beauty, aucun parmi les marques leaders en officine n’était correct. Je ne pensais pas qu’on en était à ce degré-là. J’avais espoir que les produits soient moins dangereux en pharmacie qu’en GMS. Il est primordial que le conseil du pharmacien ressorte, si la profession souhaite que cette activité reste chez eux ».
DÉMÊLER le vrai du faux.
Pourtant de nombreuses marques sont engagées dans une démarche de développement durable, qui va au-delà des allégations « sans » (paraben, silicone… potentiellement remplacés par des ingrédients pire). Selon les cas, elles fabriquent en France, maîtrisent leurs approvisionnements, produisent bio, équitable, proposent du vrac, des écorecharges… Et jusque-là presque discrètement. Mustela et Nutergia, par exemple, commencent seulement à vraiment communiquer sur le sujet. Depuis 2018, la marque d’Expanscience parle de ses valeurs dans ses publicités grand public, avec le slogan « Je veux du naturel ». Cette année, la fabrication en France des produits Mustela sera également mise en avant pour la première fois. De son côté, l’an dernier, Nutergia a fait visiter son laboratoire flambant neuf et à l’empreinte carbone minimale. Une sorte de première prise de parole, alors que l’entreprise répond aux normes environnementales ISO 14001 depuis… 2012. D’où la difficulté, parfois, pour les pharmaciens de savoir qui fait quoi. Et ce, même pour des professionnels très sensibilisés au sujet. Ainsi, Dominique Vaissières, co-titulaire de la Pharmacie de la Tour à Castelginest, qui définit le développement durable comme « l’essence du pharmacien » raconte : « On est sans arrêt à la recherche de la composition des produits pour répondre aux questions des patients… On se doit d’être rigoureux […] Parfois on doit demander une première fois une information sur la traçabilité, puis envoyer un e-mail, relancer… A titre d’exemple, ça fait deux ans que j’attends la formule de Novanuit demandée à Sanofi ! ». Celle qui s’était engagée dans la démarche éco-responsable proposée par Pierre Fabre en 2015 (projet que le groupe castrais ne va finalement « pas poursuivre dans l’immédiat »), a déjà fait du tri dans son assortiment. « On a sorti la pseudoéphédrine (notamment présent dans l’Actifed, NDLR) depuis cinq ans ! », se félicite-t-elle. « En phyto, nous exigeons désormais au minimum du bio. Nous essayons de trouver la mieux tracée. Nous croyions jusque-là qu’une AMM garantissait une traçabilité irréprochable, mais ce n’est pas le cas », poursuit celle qui travaille aussi avec une étudiante en train de mettre au point un outil destiné aux titulaires pour mieux interroger les laboratoires.
UNE AFFAIRE de comportement.
Adopter DD, c’est modifier son comportement jusqu’au comptoir. A la Pharmacie Centrale à Vire (14), on comprend vite les convictions de la titulaire Véronique Simon-Bay. « J’ai appliqué à ma pharmacie, ce que je m’applique. Quand un produit rentre à la maison, j’attache de l’importance à ce qu’il génère le moins de déchet possible, à la proximité de sa provenance… », explique celle qui tend vers le zéro déchet chez elle… D’une manière générale, la quinquagénaire se fixe un objectif, tâche de le remplir avant de passer à un autre. Et le premier fixé pour l’officine qu’elle a reprise en 2017, après y avoir été salariée, concerne le recyclage des médicaments. Dans cette pharmacie, dont un quart de l’activité provient des produits vétérinaires, la titulaire a cessé de facturer les bacs Dastri (pour les déchets à risques) aux agriculteurs. « C’est mon rôle. On ne travaille plus de façon linéaire, mais de façon circulaire. Car, même une bouteille vide contient quelques gouttes de médicament. Il faut le dire et le répéter ». Au comptoir, elle parle de développement durable quand son interlocuteur aborde le sujet. « Je ne veux pas être moralisatrice », précise celle qui s’est mise en scène dans une courte vidéo pour expliquer sur Facebook ce qu’il fallait rapporter à la pharmacie. Petit à petit, ça marche. Un jour, elle a proposé à une dame utilisatrice d’un traitement quotidien sous forme de dosettes, de lui rapporter ces contenants. Un mois après, la patiente lui remettait ses fioles. « Elle m’avait écoutée, elle avait pris conscience du danger, le message était passé… ça m’a fait tellement plaisir que je lui ai offert un cadeau ! Et désormais, elle revient tous les mois avec ses dosettes vides ». Et bien sûr, en backoffice, la Pharmacie Centrale trie tous les déchets. L’achat de sac poubelle aurait été divisé par cinq en un an.
DÉPASSER l’ère du “tout jetable”.
Carline Bilheude aussi, affiche clairement ses principes. « Ici, on n’aime pas le gâchis », résume la titulaire depuis 30 ans de la pharmacie éponyme à Hardricourt (78). Bons de livraisons, copies de factures… tous les papiers blancs sont recyclés. On a aussi prohibé les sacs plastiques, remplacés depuis deux ans par des poches réutilisables. « Au comptoir, on sensibilise sur l’emballage alimentaire, on parle des bouteilles d’eau en verre… Quant aux sacs offerts, nous les avons changés. Au départ, nous avions choisi des grands modèles, désormais nous donnons des petits, qui tiennent mieux dans un sac à main. Si un patient à qui on a déjà donné un sac vient les mains vides, on lui en prête un, en lui demandant de le rapporter pour qu’il serve à quelqu’un d’autre. C’est un coût. J’ai dû dépenser 1000 € au maximum, mais ce n’est pas un souci, car à terme je ne devrais plus avoir à en racheter », espère Carline Bilheude. « Ça vaut le coup. A mes yeux, c’est important d’éviter de retrouver ces plastiques accrochés aux arbres, partout, poursuit la titulaire. De même, on briefe nos clients sur le gâchis des médicaments. Face à un nouveau traitement, on ne délivre pas le conditionnement trimestriel. On demande aux patients d’essayer et de revenir… Et s’ils nous rapportent des sacs pleins, on leur fait la morale… », reconnaît celle qui, par ailleurs, envisage des travaux pour lesquels elle souhaite faire appel à des artisans locaux.
EN BACK-OFFICE des prestataires triés
De fait, choisir ses partenaires en dit long sur ses convictions. Ainsi, certains groupements font des efforts « durables ». Des exemples ? PHR a ajouté un volet DD dans le référentiel de qualité QMS Pharma. 210 de ses adhérents suivent la démarche, selon son président Lucien Benattan. Sans avoir de programme structuré pour le moment, le réseau de pharmacies spécialisées en santé alternative, Anton & Willem, agit déjà sur trois niveaux. « En amont, nous choisissons des partenaires aux valeurs RSE comme le Laboratoire Pierre Caron, fournisseur de 90 % de notre MDD… », détaille Guillaume Jaquet, son directeur général. En interne, le réseau encourage le télétravail, les horaires flexibles pour améliorer le bien-être des salariés, leur éviter de polluer dans les bouchons aux heures de pointe… Enfin, il agit au niveau de ses adhérents. Et même face à ces pharmaciens sensibilisés à l’écologie, les efforts demandés doivent être détaillés. « Nos sacs sont un peu chers. C’est à nous d’expliquer aux titulaires que nous sommes peu nombreux et qu’ils sont fabriqués en France… De même, quand on leur rend visite, on ne peut pas forcément arriver tôt chez eux, car nous voyageons plutôt en train qu’en avion… Pour les travaux, on privilégie des artisans locaux…. Ces pharmaciens comprennent, parce qu’ils partagent ces valeurs. »
STRUCTURER une démarche de qualité.
Devenue une enseigne du groupement Objectif Pharma, après une prise de participation majoritaire par la filiale de la coopérative Welcoop en juillet 2017, Anton & Willem entend désormais mieux organiser sa démarche verte. Un groupe de travail « RSE » a été constitué depuis novembre, en parallèle à la montée en puissance du réseau qui devrait passer de 12 officines en 2017 à 30 fin 2019 et 100 d’ici quatre ans. « Jusque-là nous n’avons pas pu mener correctement une réflexion RSE », concède Guillaume Jaquet. « Désormais, nous aimerions, d’ici à la fin de l’année, être en mesure de proposer à nos partenaires pharmaciens des mesures tangibles, structurées, documentées et formalisées. Nous voulons proposer des actions qui concerneront le quotidien opérationnel des pharmaciens et qui, avec une vision long-termiste, permettront aux consommateurs de percevoir notre engagement auprès d’eux, par l’éducation, la sensibilisation… Il nous faut partager ces valeurs. L’intérêt d’une démarche RSE est qu’elle soit dupliquée chez les uns et les autres ».
MIEUX éduquer.
De fait, la pédagogie est clé. Chez Nutergia, on va jusqu’à impliquer les titulaires. « Sur tous les bons de commande est inscrit, en gras et en gros “Engagez-vous avec nous pour une planète propre, regroupez vos commandes” », explique Eric Maury, le directeur communication et relations publiques. Car la livraison, jusqu’à trois fois par jour, pose question pour l’environnement. Nutergia est allé plus loin. Les fiches produit ne sont plus glissées dans le colis, mais à disposition en ligne, afin d’éviter l’utilisation abusive du papier. « Nous avons aussi audité nos transporteurs pour connaître leurs efforts en matière de flotte, d’optimisation de collecte et de distribution », ajoute-t-il. Reste que les titulaires sont encore rarement demandeur de telles initiatives de façon proactive. C’est un peu la cerise sur le gâteau.
UN MANAGEMENT revisité.
Le développement durable nécessite une vraie implication du titulaire, car il requiert de changer sa façon de manager, dans le respect de chacun. Olivier Bascoulès, co-titulaire de la Pharmacie de la Lèze à Lézat-sur-Lèze (09) a lui aussi été sollicité par le laboratoire Pierre Fabre pour intégrer la cohorte d’officines qui souhaitaient engager une démarche durable structurée. Aujourd’hui, ses convictions l’aident, par exemple, à trouver du personnel. Basé à 44 km de Toulouse, il a longtemps eu du mal à recruter « Un poste de préparateur est resté vacant près d’un an ! Le côté social du développement durable, le travail sur la qualité de vie… a pu donner envie ». En 2017, il a signé avec Marie-Pierre, une préparatrice qui pendant son entretien d’embauche, s’est révélée très motivée par le développement durable. Plus récemment, un adjoint a rejoint l’équipe après avoir lu le site de l’officine, très loquace sur ses actions DD. Ici, par exemple, les bulletins de paie comme les factures ne sont plus imprimés. Aujourd’hui, Olivier Bascoulès vise carrément le futur label développement durable (lire encadré p. 22). Son équipe a accès aux formations du comité pour le développement durable en santé (C2DS) et à celles de Primum Non Nocere. La formation concerne notamment le rayon naturel, pour lequel le patient attend des conseils très spécifiques. C’est d’autant plus vrai que ce consommateur-là est particulièrement exigeant et souvent pointu. « Les équipes ont besoin de se former, pour aller plus loin dans le décodage des formules, concernant la provenance des ingrédients, le lieu de fabrication, les certifications, le contenant recyclé, recyclable… Les jeunes parents font du benchmark avec des applis comme Yuka, le pharmacien n’est plus leur seule source d’informations », remarque Sybille Foing, directrice marketing et référent RSE de Mustela. D’ailleurs, « les titulaires nous demandent de les aider en étant présent sur les réseaux sociaux où sont les jeunes mamans, d’avoir de bonnes notes sur ces applis, et de leur proposer des PLV pour expliquer ce que nous faisons ». Mais la situation est complexe. Ainsi quand en 2014, la marque avait proposé une opération de recyclage des solaires en incitant les clients à rapporter leurs vieilles crèmes pour les sensibiliser à jeter les produits de l’année précédente, aux capacités filtrantes dégradées, seules 500 pharmacies avaient joué le jeu… Bref, au premier abord, tout le monde semble aimer DD, mais de là à vivre avec…
Témoignages
Olivier Bascoulès
co-titulaire à Lézat-sur-Lèze (09)
Dominique Vaissières
co-titulaire à Castelginest (31)
Carline Bilheude
titulaire à Hardricourt (78)
Véronique Simon-Bay
titulaire à Vire (14)
LES EXPERTS
Pascale Brousse
FONDATRICE DE TREND SOURCING
Sybille Foing
DIRECTRICE MARKETING ET RÉFÉRENT RSE DE MUSTELA
Guillaume Jaquet
DIRECTEUR GÉNÉRAL D’ANTON & WILLEM
Eric Maury
DIRECTEUR COMMUNICATION ET RELATIONS PUBLIQUES DE NUTERGIA
Valérie Thivent
FONDATRICE DE TERRE 2 VERRE
Olivier Toma
FONDATEUR DE L’AGENCE PRIMUM NON NOCERE
Norme RSEBientôt un label
Après avoir travaillé avec le laboratoire Pierre Fabre à l’accompagnement de quelque 70 officines dans une démarche RSE, l’agence biterroise, Primun non nocere, a eu l’idée de créer un label de qualité Très Haute Qualité Sanitaire et Environnementale (THQSE) pour une pharmacie éco-responsable. Les principaux objectifs : améliorer la qualité de vie, augmenter les performances, structurer la démarche, essaimer les bonnes pratiques, limiter l’impact environnemental et co-construire une vision à long terme. « Le tiers certificateur Socotec mènera des audits entre mars et juin, dans 30 établissements. Nous avons fait en sorte que tous les types d’établissements de la chaîne de santé soient représentés : la pharmacie, les laboratoires, un ambulancier, un cabinet médical, une clinique, un Ehpad… A ma connaissance, il n’existe pas de label certifiant les démarches RSE en santé. Il existe des certifications, mais pas des labels », explique Olivier Toma, fondateur de l’agence Primum Non Nocere.
ENQUÊTE
« Les enjeux de qualité de vie au travail sont identifiés par une grande majorité des structures répondantes », selon la 2e enquête « Mon observatoire du développement durable » menée dans les établissements sanitaires et médicosociaux en 2018.
AILLEURSApprendre de ses pairs
Ingénieur environnement, Gérald Townsend a travaillé plus de dix ans chez LVMH, et notamment chez Sephora. Aujourd’hui, responsable du développement durable de l’enseigne de surgelés Picard, il explique à Pharmacien Manager les enjeux du « soutenable ».
Pharmacien manager. Comment la société évolue-t-elle sur le développement durable ?
Gérald Townsend. « Il y a quinze ans, on pouvait me demander en quoi consistait mon métier. Depuis la COP21 en 2015, il n’y a plus de débat à ce propos. Les Français sont en demande de transparence, de naturalité, concernant les produits et les magasins. Deux thématiques ont porté cela : le changement climatique, dont on parle notamment depuis le rapport du GIEC, et l’extinction massive des espèces. Le niveau de maturité des consommateurs crée ainsi une demande forte de “verdissage” de tous les acteurs économiques, pour aller vers un monde un peu plus « soutenable ». Le pilier environnemental est le plus connu du développement durable, mais les thématiques sociales et sociétales ne sont pas en reste. Notamment du fait des lois Sapin (relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, NDLR), et « due diligence », qui demandent aux gros acteurs des plans d’actions pour maîtriser leur chaîne d’approvisionnement. »
P.M. Comment les marques sensibilisent-elles les citoyens au DD ?
G.T. « La montée en éveil des consommateurs se traduit par la structuration des services « développement durable ». Il y a quinze ans, on comptait au maximum deux personnes dédiées dans les grands groupes. Aujourd’hui, on trouve des services avec dix personnes ou plus… Et ils sont de plus en plus souvent rattachés à la direction générale. »
P.M. A quoi les entreprises, qui ne se sont pas encore lancées dans le DD, doivent-elles s’attendre ?
G.T. « Les marques doivent être de plus en plus exemplaires et transparentes. La prise de conscience vient notamment de la presse, des réseaux sociaux et des applications comme Yuka ou BuyOrNot, auxquelles les générations Y et Z sont beaucoup connectées. Ces jeunes recherchent du sens dans leurs actes d’achat. Une marque qui n’a pas cherché à rendre son action particulièrement transparente, risque d’être blacklistée. Et, selon moi, cette transparence s’hérite jusqu’au magasin, qui doit penser comment il présente les produits, à leur transport, l’impact énergétique du bâtiment… Je pense que cette transparence des commerces sera de plus en plus demandée par les consommateurs. Cela implique, par exemple, que le magasin questionne un minimum les marques qu’il distribue pour éviter d’éventuels biais environnementaux dans la chaîne d’approvisionnement. Les retailers vont devoir mettre en cohérence les valeurs qu’ils défendent et les marques qu’ils vendent. Le pharmacien doit tenter de refuser tel ou tel produit s’il sait ou soupçonne qu’un ingrédient épuise une flore de la forêt amazonienne, par exemple ! »
P.M. Faut-il communiquer immédiatement sur ses actions ?
G.T. « Communiquer tout de suite peut conduire à se faire suspecter de greenwashing. Le mieux est d’interroger les parties prenantes (ses clients, salariés, actionnaires, les acteurs des environs…) pour identifier quelques enjeux liés à son activité, mener quelques actions sur trois ou quatre ans, et enfin, commencer à communiquer dessus. L’idée est, alors, de montrer que l’entreprise a fait des efforts et qu’à partir des résultats obtenus, elle sent qu’elle peut aller bien au-delà, de façon structurée avec des objectifs à moyen terme. Elle peut ensuite donner rendez-vous chaque année pour mesurer les efforts réalisés. »
P.M. La communication DD est-elle forcément humble ?
G.T. « Oui c’est le bon mot. La communication doit être humble, car nous sommes tous face à d’énormes enjeux, pas simples à adresser. Et ce notamment parce qu’on hérite de modèles économiques, qui n’intègrent pas encore assez les dimensions RSE. Il faut faire preuve de pragmatisme, d’authenticité, et apprendre de ses pairs, en rejoignant des réseaux tel Génération Responsable par exemple – dont Picard est membre. »
L’ESSENTIEL
→ Une démarche de développement durable touche toute l’activité de l’officine : des produits vendus, à la façon de gérer ses livraisons en passant par le management des équipes.
→ Les titulaires mobilisés sur le sujet sont des pionniers peu nombreux, mais très actifs. Ils acceptent l’idée d’être très pragmatiques et d’avancer pas à pas.
→ Les attentes des consommateurs sont élevées, et ces derniers attachent surtout de l’importance à la cohérence des actions menées de la part d’une entreprise capable d’expliquer ces dernières, en toute transparence.
→ La communication sur la RSE est nécessaire, mais seulement une fois que plusieurs actions sont bien mises en place.
74 %DES FRANÇAIS DÉCLARENT VOULOIR CONSOMMER DAVANTAGE DE PRODUITS LOCAUX, 64 % DAVANTAGE DE PRODUITS EN VRAC, SELON UN SONDAGE HARRIS INTERACTIVE, MENÉ DU 8 AU 10 JANVIER 2018.
ExpérienceLes actions les plus courantes
Les officines très impliquées dans une démarche de développement durable travaillent principalement sur :
• L’environnemental : elles trient, recyclent ou donnent les cartons, les palettes, sensibilisent les clients sur le recyclage, regroupent leurs commandes pour éviter les cartons presque vides… Objectif : limiter l’impact carbone !
• Le sociétal : elles valorisent les marques bio, éthiques, locales, certifiées, équitables, transparentes sur la formule et leur contenant. Objectif : pouvoir expliquer en quoi c’est mieux, même quand ce n’est pas parfait !
• Le social : elles regroupent les heures de travail pour éviter de faire revenir le personnel dans la journée, forment les équipes au développement durable… Objectif : améliorer la qualité de vie au travail !
AGIR POUR L’ENVIRONNEMENT
Pour 67 % des Français, les entreprises du médicament sont légitimes pour agir efficacement en faveur de la protection de l’environnement, selon une étude Ipsos réalisée pour le LEEM en août 2018.
20 % DES MEMBRES DU CLUB WELLPHARMA AYANT RÉPONDU À UN SONDAGE EN AOÛT 2018 (GROUPEMENT OBJECTIF SANTÉ/GROUPE WELCOOP), ONT DÉCLARÉ QUE « CONSOMMER RESPONSABLE » ÉTAIT « UNE RÈGLE DE VIE ».
61 % DES FRANÇAIS DÉCLARENT PRIVILÉGIER LA FABRICATION FRANÇAISE LORS DE LEURS ACHATS DE PRODUITS D’HYGIÈNE ET DE BEAUTÉ, SELON L’OBSERVATOIRE CETELEM DE LA CONSOMMATION 2019 QUI REMARQUE QUE LES EUROPÉENS VEULENT « CONSOMMER PLUS LOCAL ET RESPONSABLE. »
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