Remplacements en officine : miser sur l’anticipation pour mieux recruter

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Remplacements en officine : miser sur l’anticipation pour mieux recruter

Publié le 5 juillet 2025
Par Carole De Landtsheer
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Congés, arrêts maladie, maternité ou pics d’activité : autant de situations qui exigent d’anticiper les remplacements en pharmacie. Bien organiser le recrutement et définir clairement les missions permet d’assurer la continuité et la sérénité de l’officine.

Trouver un remplaçant, lorsque le titulaire, son adjoint ou un membre de l’équipe s’absente, n’est pas une mince affaire sur fond de pénurie de main-d’œuvre. Cette recherche présente aussi sa part de stress, voire de risque : « Même un recrutement sur un jour peut impacter, en cas de manquement, la pharmacie pour toujours », souligne Marjorie Puthot, ancienne pharmacienne et cofondatrice de l’agence d’intérim 24/7 Services. Autrement dit, un remplacement réussi, pour toutes les parties impliquées (le titulaire, le remplaçant et l’équipe), impose un vrai sens de l’anticipation. Pour ceux connus à l’avance (les congés payés, les congés maternité, les formations, etc.), une planification prévisionnelle semestrielle augmentera les chances de trouver facilement un ou plusieurs suppléants. Reste que « le scénario idéal est d’avancer en terrain connu et de faire appel à une recrue qui aura déjà effectué un remplacement dans l’officine, ce qui évitera de devoir la former, ou quelqu’un dont le nom circule via notre réseau », avance Thibault Winka, directeur général de Team Officine. D’où l’intérêt de soigner notre relationnel « en se rappelant au bon souvenir d’anciens remplaçants en leur envoyant, tous les ans, un mot accompagné d’un petit cadeau », préconise Arnaud Cinturel, titulaire de la pharmacie du Manoir, à Isneauville (76). Ces mêmes personnes  sont aussi susceptibles de nous communiquer des contacts si elles ne s’avèrent pas disponibles…

Trouver le bon match

Première consigne pour sortir du lot et avoir des chances de trouver le bon remplaçant, quel que soit le moyen utilisé (réseau professionnel, Conseil de l’Ordre, LinkedIn, plateforme d’emplois, agence d’intérim, etc.) : « Soigner son offre pour la rendre la plus attractive possible, comme lors d’un recrutement lambda », intime Thibault Winka. Celle-ci passe par trois facteurs clés : « La rémunération, l’attractivité du poste et la mise à disposition d’un logement pour les zones les plus reculées. » Pour éviter les mauvais « matchs » ou les désistements de dernière minute, cette annonce devra être circonstanciée, parlante : « Plus le candidat aura la possibilité de se projeter dans le milieu dans lequel il va travailler (en zone rurale où il sera le seul pharmacien à exercer, une officine à fort débit, etc.), plus il sera conscient de la candidature qu’il dépose », indique Marjorie Puthot. Pour cela, il conviendra de rédiger une courte biographie de l’officine, en décrivant ses caractéristiques clés, son organisation et l’atmosphère du lieu. Il ne faut pas hésiter à dire les choses simplement : par exemple, « équipe sympa, bonne ambiance de rigueur ; chez nous, on s’entraide », précise Marjorie Puthot. Mais « en matière de recrutement, une inégalité territoriale demeure », pointe Thibault Winka. Pour les pharmacies qui auront de toute évidence plus de difficulté à recruter (en raison de leur localisation en zone rurale ou d’un nombre d’heures travaillées trop faible par rapport aux kilomètres à parcourir), une mutualisation pourra être envisagée, suggère Arnaud Cinturel : « Une seule annonce, commune, publiée par plusieurs pharmacies, situées dans le même périmètre, aura alors plus de chance d’aboutir. On pourra proposer au postulant d’effectuer des remplacements successifs dans plusieurs pharmacies. »

Comprendre le candidat

Si ce temps consacré au recrutement du candidat peut vite s’avérer chronophage – sauf recours à un cabinet d’intérim –, il semble cependant incompressible, a fortiori en cas de remplacement long. L’approche doit rester rigoureuse, minutieuse et surtout pas hâtive. Par ailleurs, certains profils (un pharmacien « vieille école » dans une officine où le titulaire délègue volontiers à son équipe nombre de missions) ne correspondront pas à l’ambiance et aux valeurs de l’officine, d’où l’importance de mener un entretien en bonne et due forme. « S’il est difficile d’apprécier les soft skills des candidats, soit leurs capacités à se comporter et à agir en fonction des situations, les CV des postulants peuvent être utiles pour jauger leurs envies ; par exemple, un remplacement long ne conviendra potentiellement pas à un jeune pharmacien mobile sur tout l’Hexagone, qui aura enchaîné volontairement des contrats courts. Il convient de comprendre comment fonctionne le candidat et quelle est sa recherche », reprend Thibault Winka.

Moduler le travail

Optimiser un remplacement, cela revient à « bien définir les missions du remplaçant et nos attendus, en tant que titulaire, par exemple, en matière de management, s’il vient à nous remplacer. Car le risque de dysfonctionnements, de désorganisation et de tensions au sein de l’équipe existe », rappelle Marie-Hélène Gauthey, fondatrice de la société Atoopharm, l’objectif étant, bien évidemment, qu’il s’intègre et soit opérationnel le plus vite possible. Ces directives devront, idéalement, « être consignées sur un cahier de transmissions, propose Marjorie Puthot, sur lequel seront annotés les process et habitudes (pauses de l’équipe, quand passer des commandes ou effectuer les télétransmissions, etc.) comme les souhaits du titulaire auxquels se conformera le remplaçant ». Maximiser un remplacement, c’est aussi savoir « l’adapter aux besoins de l’officine, en modulant, si nécessaire, le nombre d’heures de travail hebdomadaire, en fonction de l’activité », poursuit notre interlocutrice. Autrement dit, ce remplacement doit rester rentable. « On pourra, par exemple, décider, en amont, de confier au suppléant les tâches essentielles, derrière le comptoir, celles qui génèrent du chiffre d’affaires, en le délestant des tâches administratives annexes, cela afin de rentabiliser au mieux ce recrutement qui représente un coût », abonde Arnaud Cinturel. On l’aura compris, un remplacement bien mené requiert une bonne dose d’organisation et de clarté dans les énoncés.

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Un feed-back utile

L’avantage secondaire de ce dispositif ? C’est le feed-back qui peut en découler, en interrogeant, d’abord, le remplaçant lui-même : « Si un pharmacien a l’habitude de travailler en contrat court, il a alors matière à comparer les fonctionnements des différentes officines par lesquelles il est passé. Il peut apporter son regard extérieur en pointant les éléments à améliorer dans votre pharmacie », fait remarquer Marie-Hélène Gauthey. Et, pourquoi pas, suggérer des idées pour le futur. Ensuite, le retour de votre équipe sera tout aussi important : « À l’issue du remplacement, le feed-back des différents collaborateurs sera utile pour améliorer, à terme, le processus de recrutement. Il permettra de mieux définir les critères ou points incontournables à respecter lors de la phase d’embauche ; on pourra, par exemple, faire le choix d’abandonner définitivement certains profils », ajoute Arnaud Cinturel. Soit une manière constructive de redéfinir le portrait-robot du prochain remplaçant.