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L’officine, nouvel engouement des étudiants
Depuis deux à trois ans, le nombre d’étudiants en 6e année de pharmacie augmente dans la filière officine. Un choix qui se résume en un mot : évolution. Evolution du métier et évolution dans la pédagogie des enseignements dispensés dans les facultés.
Après des années de baisse des effectifs étudiants, la filière officine serait-elle de nouveau attractive ? Oui, semble-t-il. « En 4e année, nous avons actuellement 53 étudiants et en 5e année, 63 jeunes. Si la promotion de 6e année comporte 30 élèves aujourd’hui, ce qui est finalement peu, ils seront 60 dans les prochaines », note Claire Sallenave-Namont, maître de conférences à l’université de Nantes (Loire-Atlantique). Idem à la faculté de Lille (Nord) où la hausse des effectifs est nette en 6e année officine : « Il y a trois ans, les promotions étaient de 90 à 95 étudiants, cette année, nous arrivons à 117 plus deux redoublants. La tendance s’accélère même, puisqu’on devrait atteindre environ 170 étudiants l’année prochaine », souligne Patrick Wierre, pharmacien et professeur associé. A Nancy (Meurthe-et-Moselle), François Dupuis, maître de conférences à l’université de Lorraine, constate aussi une augmentation avec 97 étudiants en 6e année officine contre 80 l’année passée. « Les effectifs étaient assez stables jusqu’à l’an dernier où nous avons assisté à un “boom” avec une promotion de 4e année se dirigeant vers une carrière officinale de 120 à 130 étudiants, alors qu’ils n’étaient que 49 dans l’industrie », relève-t-il.
Cet état des lieux montre cependant une situation hétérogène. A la faculté de pharmacie de l’université de Paris, par exemple, les trois filières (la troisième étant l’internat) accueillent chacune un tiers des étudiants. « Nous restons sur cette répartition, l’engouement pour l’industrie est assez important », précise Emmanuelle Remongin, pharmacienne et professeure associée de pharmacie clinique. L’attrait pour l’industrie est aussi vrai à la faculté de Bordeaux (Gironde) : « Nous ne comptons pas forcément plus d’étudiants en 4e année de la filière officine, en revanche ils sont 80 en 6e année, ce qui est un nombre assez conséquent », note toutefois Marine Aulois-Griot, professeure de droit et économie pharmaceutiques. A la faculté d’Amiens (Somme), Eric Housieaux, pharmacien et professeur associé, n’observe pas non plus une orientation plus importante vers la filière officine. Une situation qui est due à deux phénomènes : « Nous avons toujours accueilli plus d’étudiants en officine, car la section industrie est limitée à 16. En ce qui concerne la promotion de 6e année, le nombre plus élevé de redoublants cette année explique l’augmentation des effectifs », précise-t-il. A la faculté de Rouen (Seine-Maritime), « cela reste relativement stable », estime Cécile Guérard-Detuncq, pharmacienne et professeure associée. L’enquête n’est pas exhaustive, puisque la France compte 24 facultés de pharmacie. Néanmoins, selon les statistiques de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf), 1 200 des 3 375 étudiants en 4e année en 2021 ont choisi la filière officine, contre 1 175 étudiants pour l’industrie et un millier pour l’internat. Conséquence : l’officine devance très légèrement l’industrie par rapport aux années précédentes.
Nouvelles missions et crise sanitaire
Quelles sont les raisons qui motivent tant les étudiants à opter pour la filière officine ? La première évoquée est celle de la pandémie de Covid-19. « L’officine a été mise en lumière par la crise sanitaire », souligne Claire Sallenave-Namont. « L’image de l’officine a changé auprès du grand public avec les tests antigéniques et la vaccination. Ils ont renvoyé une image dynamique et plus moderne de la profession », observe de son côté Emmanuelle Remongin. Les étudiants ont aussi fait évoluer leur perception : « Ils ont été beaucoup sollicités pour aider les pharmaciens, ce qui a permis aux jeunes de voir à quel point les officinaux sont utiles », ajoute François Dupuis. La raison principale – et fondamentale – concerne cependant l’évolution du métier. « Le pharmacien est désormais perçu par la population comme un acteur de santé et de proximité », résume Marine Aulois-Griot. La loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) de 2009, les nouvelles missions mises en place par la convention pharmaceutique de 2012, ainsi que les avenants qui ont suivi ont modifié l’exercice pharmaceutique. Ce fut également le cas dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire. « Le pharmacien a un véritable rôle de professionnel de santé plus que de vendeur de boîtes », insiste Claire Sallenave-Namont. Une dimension dont peuvent aussi se rendre compte les étudiants en effectuant les stages d’initiation en officine au cours de leur cursus de formation, notamment en 2e et 3e années (voir « Repères »).
Donner envie
Deux autres éléments sont à prendre en compte : les cours et les intervenants. « La pédagogie a évolué, il faut noter la très nette amélioration du format des enseignements en 5e et 6e années : moins de cours magistraux mais de nombreux enseignements dirigés, travaux pratiques et séminaires avec des rencontres de patients par exemple, détaille Patrick Wierre. Nous avons aussi mis en place des échanges avec les autres professionnels de santé, internes en médecine générale, futurs chirurgiens-dentistes. Ces échanges préparent mieux les étudiants à leur métier. » De fait, plusieurs facultés ont développé des enseignements plus pratiques permettant aux élèves de se mettre en situation. « Tout l’aspect autour du conseil aux patients s’est beaucoup développé et j’utilise des jeux de rôle en conseils associés lors de mes cours. Les étudiants ont de l’appétence pour ces formats », relève Virginie Ségonzac, pharmacienne et professeure associée à la faculté de Caen (Calvados) en 5e et 6e années. C’est aussi le cas de l’université de Lorraine qui a créé en 2017 le serious game (jeu sérieux) Mission Offi’Sim. « Il permet aux étudiants d’être confrontés à la gestion des soins de premier recours à l’officine avec 50 cas pratiques, explique Julien Gravoulet, pharmacien et professeur associé. A eux d’analyser la demande qui peut se conclure par des conseils associés ou non à la vente d’un produit de santé ou par l’orientation du patient vers un médecin. » Et pour encore mieux plonger les étudiants dans l’univers officinal, les demandes des patients ont été filmées dans des pharmacies de Nancy et ses environs. L’université de Lorraine a également instauré des études d’ordonnances reposant sur de véritables prescriptions. A Lille, outre la « pharmacie pédagogique » (un espace de 150 m2 qui recrée une officine), les enseignants travaillent sur un projet Ecos déjà en place au Canada et dans certaines facultés de médecine en France. Il s’agit d’un examen permettant d’évaluer les compétences et connaissances des étudiants en les confrontant à des situations en lien avec leur futur métier.
Les intervenants constituent aussi un point fort. Plus il y a de pharmaciens « de terrain » qui interviennent en tant que maître de conférences ou professeur associé dès la 2e année, plus le métier est valorisé. Un constat établi par Patrick Wierre et que partage Claire Sallenave-Namont à Nantes : « Le conseil régional de l’Ordre des pharmaciens a organisé des conférences sur les perspectives du métier pour les 2e et 3e années et cela a eu un impact positif », souligne-t-elle. Reste que ces augmentations d’effectifs doivent être confirmées à l’avenir. La crise engendrée par le Covid-19 a en effet perturbé la formation des étudiants, ainsi que le déroulement des stages. Les étudiants de 6e année qui ont commencé leur stage en janvier 2022 doivent en effet exercer le cœur du métier officinal et ne pas être cantonnés aux tests et à la vaccination, sous peine d’être démotivés. Les enseignants essaient de veiller au grain. Car, mine de rien, c’est l’avenir de la profession qui est en jeu.
L’Ordre fait campagne
La campagne d’information et de sensibilisation des collégiens et lycéens aux métiers de pharmacien, « Les pharmaciens – Ils n’ont qu’un seul objectif, votre santé », lancée en octobre 2020, se poursuit en 2022. Outre l’enrichissement du site internet lesmetiersdelapharmacie.fr, cette opération se déploiera sur le Web et les réseaux sociaux. De nouveaux contenus ainsi que des live seront aussi proposés sur le compte Instagram consacré aux métiers de la pharmacie (@les_pharmaciens), lors des temps forts de l’orientation. « Depuis deux ans, à cause de la crise sanitaire, nous n’avons pas pu participer à des forums sur les métiers. Nous devons aller davantage vers les lycéens, qui n’entendent parler que des études de médecine », remarque Claire Sallenave-Namont, maître de conférences à l’université de Nantes (Loire-Atlantique).
À RETENIR
– De nombreuses facultés de pharmacie constatent un afflux des étudiants dans la filière officine.
– L’évolution du métier et des missions telles que la vaccination expliquent en grande partie ce regain d’intérêt des jeunes.
– Les nouvelles pédagogies mises en œuvre, comme les pharmacies expérimentales et les serious games, contribuent à ce pouvoir de séduction.
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