Pharmacies XXL : des lieux avant-gardistes

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Pharmacies XXL : des lieux avant-gardistes

Publié le 10 mai 2025
Par Carole De Landtsheer
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Gigantisme oblige, les hyperpharmacies peuvent se livrer à des expériences commerciales. De nouvelles marques, des univers de produits, des stratégies merchandising et des services de santé y sont testés. Autant de leviers propres à assurer la pérennité de ces mastodontes qui affichent une bonne santé financière.

Face à des patients en demande de naturalité, les groupements chassent les marques de niche engagées (formulations clean, packagings écoresponsables) qui font le buzz, une façon de se distinguer de la concurrence en proposant des exclusivités. Réseaux sociaux, salons (PharmagoraPlus, Cosmofarma à Bologne, Expopharm à Düsseldorf, etc.), les pharmaciens surveillent de près ces pépites et les testent dans l’espace officinal. Un test qui, s’il se révèle concluant, sera entériné et généralisé, comme nous l’explique Patrice Violier, directeur de la parapharmacie Lafayette de Toulouse : « Notre parapharmacie se positionne en laboratoire de tendances des pharmacies Lafayette. Si une marque performe, elle sera ensuite référencée dans l’ensemble des pharmacies du groupe », citant la marque de compléments alimentaires Novoma, gros succès commercial après seulement deux mois de référencement. « Le pharmacien crédibilise les produits qu’il vend », rappelle Alain Styl, directeur général de Pharmabest. Cette démarche est, d’ailleurs, attendue : « Quand un patient rentre dans l’une de nos pharmacies, il sait qu’il trouvera toutes les marques. Cet avantage nous permet de recruter de nouveaux consommateurs et participe de l’expérience client », ajoute-t-il.

Univers en expansion

De nouveaux univers, des catégories émergentes en officine (telle l’hydratation préventive) ou qui cartonnent sur d’autres circuits sont également testés. Comme la lithothérapie, proposée dans le nouvel espace « Bien-être » de la parapharmacie Lafayette, un rayon valorisé chez Nature & Découvertes. Cette parapharmacie met actuellement à l’honneur la cosmétique coréenne (K-beauty), en pleine ascension : « Nous avons sélectionné des cosmétiques “instagramables” ; un écran, placé au milieu du rayon, diffuse les posts Instagram publiés par les marques », précise Patrice Violier. Autre exemple : le rayon hygiène-droguerie de la Grande pharmacie de Bayonne (Boticinal) qui inclut des produits d’entretien pour la maison (dont des lessives) sous les marques Marius Fabre et What Matters. « Le pharmacien doit pouvoir offrir toutes les solutions de santé », justifie Morgan Remoleur, son titulaire. De nouveaux univers peuvent par ailleurs être créés, dans une tactique purement commerciale, pour retenir certains consommateurs peu enclins au shopping, comme les hommes. Patrice Violier a ainsi imaginé un rayon 100 % masculin fort de 18 descentes, répondant à tous leurs besoins (cosmétiques, dépilatoires, coiffants, produits de rasage, etc.), installant non loin six caisses automatiques pour leur éviter de longues files d’attente, propices à les faire fuir. 

Les ordonnances beauté

Une forte théâtralisation des espaces de vente, associée à des animations, est ici de mise. Elle est caractéristique des pharmacies XXL. L’objectif de cette technique marketing immersive est d’« augmenter l’expérience client et faire grimper le panier d’achat. Il est aussi question de fidéliser les clients et pour cela, il nous faut créer de l’émotion, des souvenirs », résume Morgan Remoleur. Cette théâtralisation emprunte plusieurs voies, dont les pop-up store et les shop-in-shop qui permettent de créer des univers expérientiels. Par exemple, dans la pharmacie Cap 3000 (Apothical), située à Saint-Laurent-du-Var, des soins et des brushings sont proposés gratuitement aux clientes au stand de la marque de soins capillaires Saryna Kay, aux airs de salon de coiffure. Une mise en scène que l’on retrouve à l’espace « Hair care » de la pharmacie Carré Opéra Chaussée d’Antin (Pharmabest) qui adopte les codes des cabines de coiffure. Citons aussi le corner Caudalie de la pharmacie Cap 3000, qui dispose d’un scanner de peau permettant de réaliser un diagnostic et de délivrer des ordonnances beauté. Car la « tech » a sa part dans ces mégapharmacies. Le circuit sélectif peut être une source d’inspiration : au rayon maquillage, la Grande pharmacie de Bayonne guide les consommatrices avec une routine beauté explicative déroulée sur toute la longueur du mobilier, à l’image de ce que l’on retrouve dans les boutiques Sephora. Un dispositif merchandising propre à donner envie de tester les produits. Autre exemple de merchandising innovant en officine : la parapharmacie Lafayette de Toulouse a placé au-dessus de la moitié de ses têtes de gondole des écrans qui diffusent des messages publicitaires en lieu et place de ceux qui affichent les photos et les prix des produits. Un outil digital utilisé pour inciter à l’acte d’achat. À confirmer… ou pas.

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Chiffre d’affaires XXL

Aux airs d’hypermarchés, les pharmacies XXL tirent leur épingle du jeu, avec un chiffre d’affaires nettement supérieur à la moyenne nationale, puisqu’il est estimé entre 9 millions et 10 millions d’euros au minimum, indique la récente étude « L’Observatoire des enseignes de pharmacie » (Les Échos Études, septembre 2024). Celles-ci font une large place aux « produits hors monopole dont les ventes représentent plus de 50 à 60 % du chiffre d’affaires » (source : Les Échos Études). Mais elles se défendent de l’image de drugstore anglo-saxon. Leur modèle : un plus large choix de produits et de services. « Il répond aux demandes du patient moderne, acteur de sa santé et en attente de choix, de conseils personnalisés et d’expériences », résume Romain Courio, business developer de la pharmacie Cap 3000.