LES ATOUTS DE LA RURALITÉ
À Boën-sur-Lignon, la pharmacie du Forez sort du cliché de l’officine de campagne. Avec son chiffre d’affaires de 6,8 M€, sa vingtaine de collaborateurs et ses 550 clients jour, elle coche plutôt les cases des pharmacies de grande surface, mais sans en reprendre les codes et en cultivant précieusement l’âme d’une pharmacie de village…
LORSQU’EN SEPTEMBRE DERNIER, LA PHARMACIE DU FOREZ DE BOËN-SUR-LIGNON, une commune de plus de 3 000 habitants du département de la Loire, dévoile ses 400 m2 de surface de vente, après six mois de travaux, le changement est radical. L’espace de vente a gagné 170 m2 de surface, et « nous avons entièrement repensé la circulation dans le point de vente qui était avant une faiblesse, confie Adrien Souillac qui a repris en 2019 avec sa future épouse Alexandra les rênes de la pharmacie de ses parents, Valérie et Alain. Du fait des deux entrées sorties, les gens allaient directement aux comptoirs au milieu de la pharmacie, sans passer devant aucun rayon. Nous avions donc très peu d’achats d’impulsion. » Désormais, les clients doivent emprunter l’entrée située place de la République. Ils découvrent alors un poste d’accueil et d’encaissement rapide où cinq préparatrices se relaient pour assurer une présence en permanence. L’ancienne porte donnant sur la rue de Clermont fait, elle, office de sortie.
Beauté et Nature : les deux rayons stars.
Visible depuis l’entrée, l’espace bébé se distingue par un carrelage blanc, avec des motifs colorés au sol, un aménagement cosy et une petite cabane en bois où les enfants peuvent jouer tout en écoutant une playlist Disney. Les shops Nature et Beauté se font face, à mi-chemin entre l’entrée et la sortie. « Je souhaitais développer l’univers beauté, car il n’y a aucune parfumerie dans un rayon de 20 kilomètres », avoue Adrien Souillac. Le shop Beauté reprend d’ailleurs les codes des enseignes de distribution sélective, avec des arrondis, un carrelage effet marbre, des peintures noires et des bandeaux dorés, etc. Des étagères en verre rétroéclairées magnifient les produits, une double descente met en avant ceux de Caudalie, Clarins et Nuxe. Depuis la fin des travaux, le shop Nature s’est de son côté imposé comme l’univers phare de l’officine. « C’est lui qui génère aujourd’hui le plus de chiffre d’affaires (CA) », confirme Adrien Souillac. Le métal, le bois et le verre font bon ménage, un lierre au plafond se chargeant de rappeler l’esprit du lieu. Les laboratoires leaders sur le conseil, NHCO, PiLeJe, Santé Verte et Aragan, sont exposés dès l’entrée. Sont aussi référencés des laboratoires comme Pranarôm, Nutergia, Aboca, Puressentiel ou Granions, mais aussi des tisanes, des thés, des fleurs de Bach, des produits bios, et un peu de CBD. Au fond de la pharmacie, les clients accèdent aux neuf comptoirs ordonnances, à côté de la sortie. Chaque poste dispose de son propre toboggan afin d’accélérer l’arrivée des produits stockés dans le robot automate. La confidentialité des échanges est préservée par de petits intercomptoirs. En arrière-plan, des écrans digitaux mettent en avant des promotions ou des nouveautés laboratoires.
Un cabinet pharmaceutique à l’étage.
Pour découvrir l’autre gros chantier du réagencement, il faut monter à l’étage par l’ascenseur situé à l’entrée du shop Beauté. Les portes s’ouvrent sur une salle d’attente aménagée avec une banquette et un poste d’encaissement. Des bas de contention, des chaussures orthopédiques et du matériel médical (lits, déambulateurs, fauteuils roulants) sont exposés. Par une fenêtre, on aperçoit le robot automate Meditec d’une capacité de 18 000 boîtes. Cette salle d’attente dessert trois cabines de confidentialité dédiées à l’orthopédie, aux entretiens pharmaceutiques, à la vaccination et aux tests. « En moyenne, une cinquantaine de personnes montent chaque jour pour effectuer des essayages en orthopédie ou en contention, confie Adrien Souillac. Les deux autres cabines sont moins utilisées car nous ne sommes plus en période de vaccination. Et nous avons été obligés de mettre en pause les entretiens pharmaceutiques par manque d’effectif. Deux adjoints nous ont récemment quittés et je n’arrive pas à les remplacer. »
Une fidélité à toute épreuve.
Le jeune pharmacien met donc tout en œuvre pour choyer son équipe : politique de rémunération dynamique, trois week-ends libres sur quatre, management flexible… « Ceux qui ont voulu basculer sur la semaine de quatre jours ont pu le faire, ceux qui veulent travailler 29 heures par semaine aussi. Et c’est la même chose pour les demandes de formations. » Adrien Souillac a également mis en place un système de délégation. Nadège, la préparatrice titulaire d’un certificat de qualification professionnelle (CQP) en dermocosmétique gère, par exemple, les laboratoires A-Derma, La Roche-Posay, Uriage, SVR, Erborian, Garancia, Vichy et Lazartigue… « J’adore cette partie de mon travail : recevoir les délégués commerciaux pour faire un point sur les commandes et les réassorts, organiser des animations pour faire découvrir les nouveautés… », confie-t-elle. Les plannings sont aussi organisés pour que chaque collaborateur coiffe plusieurs casquettes. Virginie, l’une des préparatrices, partage par exemple son temps entre le comptoir, l’accueil et le poste de click & collect (voir p. 22) au back-office. « Comme je gère aussi les commandes et le réassort des produits dentaires et de la marque Rogé Cavaillès, je fais beaucoup de choses différentes. Il n’y a donc jamais de routine », assure-t-elle. À l’étage, l’équipe peut également décompresser sur le canapé d’angle de la belle salle de repos. Pendant les heures de fermeture, une petite cuisine avec un micro-ondes dans la salle de réunion permet à ceux qui veulent de partager le déjeuner autour d’une grande table. Adrien Souillac sait qu’il peut s’appuyer les yeux fermés sur son équipe. Un audit réalisé par L’Oréal Active Cosmetics Pro a d’ailleurs confirmé que l’une des forces de l’officine était la relation de proximité avec la patientèle. « Comme nous sommes à la campagne, nous avons la chance de connaître personnellement tous nos patients, confirme Christelle, la préparatrice titulaire d’un diplôme d’herboriste-phytologue, qui a intégré la pharmacie il y a vingt-quatre ans pour y faire son apprentissage. Tous les clients m’appellent par mon prénom, et avant le Covid, je faisais la bise à 80 % d’entre eux », confie-t-elle.
Un premier bilan positif.
« Huit mois après la fin des travaux, la fréquentation a progressé de 15 %, et grâce à l’augmentation de la surface du point de vente, j’ai désormais un assortiment qui n’a rien à envier à une pharmacie Lafayette ou Pharmabest. Avec un stock qui me permet de ne pas faire revenir les gens parce qu’un produit ou un médicament est manquant », estime Adrien Souillac. Le fait d’avoir rejoint Apothical a aussi changé la donne sur le plan économique. « J’ai pu baisser mes prix en moyenne de 30 %, tout en augmentant la marge de 6 % », confie-t-il. Le CA a, lui, progressé de 10 à 15 % par mois. « À ce rythme, nous devrions dépasser les 7 M€ de CA avant la fin de l’année, se félicite Adrien Souillac. Boën-sur-Lignon est une vraie pépite. La commune compte neuf médecins, un Ehpad, un collège, un lycée, trois grandes surfaces, et un tissu relativement dynamique d’artisans, de commerçants et d’entreprises. Ajoutez à cela le fait qu’il n’y a qu’une seule pharmacie dans un rayon de 20 km et sur une zone de chalandise de plus de 15 000 habitants. » Adrien Souillac attend désormais avec impatience son parking, et l’ouverture de la maison de santé programmée pour l’an prochain, à 300 mètres de la pharmacie. « Il sera plus facile de remplacer les médecins qui partiront à la retraite et de maintenir ainsi notre flux de prescriptions, composé pour beaucoup de belles ordonnances », conclut le jeune pharmacien.
ÉQUIPE
5 pharmaciens,
14 préparateurs, 2 rayonnistes, 2 apprentis et 1 secrétaire
DATES DE LA REPRISE (TRANSMISSION OU SUCCESSION)
01/04/1988, puis en 2019 pour le passage de génération.
DATE DES TRAVAUX
01/02 au 13/09/2022
INVESTISSEMENT 1,2 M€
SURFACE TOTALE (AVANT/APRÈS TRAVAUX)
1 500 m2/1 500 m2
SURFACE DE VENTE (AVANT/APRÈS TRAVAUX)
230 m2/400 m2
CA HT (à fin 2022) 6,8 M€
RÉPARTITION DU CA PAR TAUX DE TVA
70 % de TVA à 2,1 % 13 % de TVA à 20 % 13 % de TVA à 5,5 % 2,5 % de TVA à 10 % 1,5 % de TVA à 0 %
TAUX DE MARGE COMMERCIALE 36 %
PANIER MOYEN 42,6 €
54,26 € (sur ordonnance)
19 € (hors ordonnance)
FRÉQUENTATION 550 clients/jour (+ 15 % / avant travaux)
GROUPEMENT ET ENSEIGNE
Apothical
INTERNET
Application, site marchand pour la para, comptes Facebook, Instagram et LinkedIn, page Google my Business, newsletters, etc.
SERVICES
Dépistages, vaccins, MAD, orthopédie, optique, audition, orthèses thermoformées, rendezvous minceur, livraison à domicile gratuite, etc. n° 234 – Juin 2023
DAMIEN COURT FONDATEUR DE CUBIK
Pour réaliser ses travaux d’aménagement, Adrien Souillac, cotitulaire, a fait appel à l’agenceur Cubik.
Quelles étaient les grandes lignes du cahier des charges d’Adrien Souillac ?
L’enjeu principal du projet était de renforcer la performance commerciale d’un point de vente historiquement basé sur l’ordonnance, en optimisant son parcours client/patient, son efficacité linéaire, et son image, dans un bâtiment de centre village sur plusieurs étages.
Quelles réponses avez-vous apportées à son brief ?
Nous avons d’abord imaginé des scénarios d’usage et d’achat afin de déterminer une gestion de la circulation efficiente. Nous avons donc différencié les flux ordonnance, sans ordonnance et services, notamment grâce à la mise en place d’un comptoir d’accueil ayant pour fonction la délivrance du click & collect, l’encaissement rapide et la prise en charge des patients ayant rendez-vous dans l’espace de soins et services créé à l’étage. Nous avons également cherché à qualifier l’expérience client dans chacun des univers en créant trois atmosphères différentes dans les shops Bébé, Beauté et Nature, afin qu’elles soient adaptées à chaque typologie d’achat. Pour cela, nous avons imaginé des ambiances olfactives et musicales ainsi que des éclairages et des matériaux distincts pour chaque univers. Enfin, au niveau des comptoirs, nous avons travaillé le confort de l’usager avec un espace d’attente afin de s’adapter à une typologie de clientèle âgée.
À quelles difficultés avez-vous été confronté pendant les travaux ?
Les principales contraintes étaient liées à la configuration du bâtiment qu’il a fallu repenser entièrement. Cela nous a demandé un travail considérable en termes d’audit technique et de modifications structurelles : grosses reprises en sous-œuvre, trémies, travail des planchers… Malgré cela, l’activité de la pharmacie a été maintenue tout au long des travaux.
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