Agencement de l’officine : la pharma staging a le vent en poupe

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Agencement de l’officine : la pharma staging a le vent en poupe

Publié le 20 avril 2025
Par Audrey Fréel
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Relooking du mobilier existant, changement de signalétique, ajout de cloisons amovibles… Les projets de « pharma staging » ont le vent en poupe dans les officines. Ils permettent d’embellir la pharmacie et de booster sa rentabilité, en respectant un budget serré.

Offrir une seconde jeunesse à l’officine, à moindres frais. Tel est l’objectif du pharma staging. Inspiré du home staging, le concept n’est pas nouveau. Cette technique de décoration d’intérieur a émergé il y a une dizaine d’années dans le monde de la pharmacie et prend à présent de l’ampleur. Elle consiste à relooker un espace en valorisant le mobilier déjà existant, en changeant la signalétique, en éliminant les éléments obsolètes et en complétant, éventuellement, avec du mobilier plus moderne. « Cette pratique est intéressante à mettre en œuvre dans une pharmacie qui est restée dans son jus mais qui a une très bonne base et des meubles de qualité qui peuvent être déplacés », explique Maurine Nicosia, fondatrice de l’agence d’architecture d’intérieur Intemporelles.

Outre la personnalisation du lieu, les projets de pharma staging permettent d’optimiser les performances, la rentabilité et l’image de la pharmacie. « Cela donne un coup d’éclat à l’officine et booste ainsi la fréquentation et le chiffre d’affaires », note Nadia Riahi, architecte d’intérieur qui collabore notamment avec l’agenceur Inside Pharmacy sur des solutions de pharma staging.

Selon les experts interrogés, les demandes pour ce genre d’aménagement s’accentuent. « Un tiers de nos projets concerne du pharma staging. Les titulaires sont contraints par la conjoncture et leur trésorerie : beaucoup ne peuvent plus se permettre de tout changer », remarque Aurélie Paquier, directrice générale de VU, cabinet de conseil en marketing et merchandising pour les officines. Cette dernière a notamment accompagné la pharmacie François à Bordeaux, lors de travaux menés en février 2024. Un projet ambitieux, pour cette officine fondée en 1729. « Elle manquait de lumière et de vie. Nous avons réalisé un pharma staging dans le respect de l’existant tout en amplifiant et en magnifiant l’architecture historique », indique Aurélie Paquier. L’entreprise a notamment habillé les fonds de meubles existants et les murs, changé la signalétique et ajouté un îlot central pour la naturopathie. « Il est important que la pharmacie retranscrive la vision du titulaire », déclare son titulaire, Yannick Frullani.

Budget contenu, chantier express

Si les solutions de pharma staging sont adaptées à toutes les typologies, elles sont particulièrement plébiscitées par les petites et moyennes pharmacies. À l’instar de la pharmacie Gare Saint-Paul, à Lyon. D’une superficie de 70 m2, celle-ci a été accompagnée par l’agence Intemporelles en 2023. « Nous avons réutilisé un meuble ancien que nous avons déplacé et mis en valeur, et créé une cabine de consultation avec des cloisons amovibles », détaille Alexandre Ponchon, le titulaire. Ce type d’aménagement est également souvent mis en œuvre lors d’un transfert. Réaliser un réagencement global est en général trop coûteux pour l’acquéreur, qui ne peut se l’offrir dès la reprise. La solution du pharma staging apparaît alors comme une option intéressante, en attendant d’avoir les finances pour réaliser des travaux plus conséquents. « Pour les projets de ce type, les primo-accédants représentent la majorité de notre clientèle. Ces derniers souhaitent mettre leur patte dans l’officine mais ont un budget restreint », confirme Maurine Nicosia (Intemporelles). Selon la taille de l’officine, l’enveloppe allouée à ce projet peut aller de quelques milliers d’euros jusqu’à environ 50 000 €. Le coût d’un réaménagement total peut, lui, grimper jusqu’à 100 000 €, voire plus. « Le budget est trois à quatre fois moins élevé que celui d’un agencement traditionnel », résume Amaury Simon, directeur général de Ceos Group, entreprise spécialisée en signalétique, éclairage et design. Autre avantage : la durée d’exécution des travaux, souvent très rapide. « Les travaux sont propres, sans émissions de poussière, et rapides. En moyenne, un chantier dure entre trois à cinq jours », relate Alain Guiavarch, directeur général d’Hémisphère 4, agence de communication visuelle pour l’officine. « Les travaux ne nécessitent pas de gros œuvre et peuvent être réalisés en pharmacie ouverte, ce qui ne perturbe pas le service », ajoute Harold Caignaert, directeur commercial et enseigne chez Giropharm, qui propose une offre relooking à ses adhérents.

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Atout financier et écologique

La dimension écologique du pharma staging fait également mouche auprès des titulaires. « C’est absurde de mettre à la poubelle des meubles solides qui durent dans le temps », estime Xavier Limonne, cotitulaire de la pharmacie de l’Église à Sainte-Foy-lès-Lyon, qui a mené un projet de pharma staging en 2021 avec l’agence Intemporelles. Un avis partagé par Sophie Ambis, titulaire de la pharmacie de l’Avenue à Francheville, près de Lyon, qui a été accompagnée par cette même agence en octobre 2024. « J’étais déjà titulaire d’une petite pharmacie et j’ai eu l’opportunité d’obtenir un local plus grand de 300 m2 », explique-t-elle. Avant de poursuivre : « Le projet de pharma staging a permis de récupérer un maximum de meubles de mon ancienne pharmacie, ce qui est intéressant d’un point de vue financier mais aussi écologique. » De son côté, Harold Caignaert (Giropharm) constate que « les jeunes pharmaciens ont une appétence pour le recyclage du mobilier, nous sommes de plus en plus challengés sur cette question ». Malgré ses avantages, le pharma staging présente toutefois des limites. « Il s’agit d’une solution plus provisoire et moins pérenne qu’un réaménagement complet. Le rhabillage de mobilier avec pose d’adhésifs, par exemple, a une durée de vie limitée », pointe Aurélie Paquier. Si certaines pharmacies sont parfois trop vétustes pour réaliser ce genre de rénovation, cette configuration reste assez rare et la plupart des officines y sont éligibles. « Nous sommes souvent contraints par l’existant, il faut être créatifs et arbitrer. L’objectif est de faire évoluer le parcours client et de transformer l’officine avec des solutions ingénieuses », précise Aurélie Paquier.

S’adapter aux nouvelles missions

Avec le développement des nouvelles missions, les pharmaciens doivent souvent reconfigurer leur zone de vente. De fait, Ceos Group a développé un nouveau concept de cabines de consultation modulables et adaptables, nommées « hub santé ». Celles-ci peuvent être installées très rapidement grâce à des cloisons clipsables. « Elles sont entièrement personnalisables afin de s’adapter aux besoins spécifiques de chaque espace », précise Amaury Simon, le directeur général. Ces cabines ont notamment séduit le groupement Elsie Santé, qui les déploie dans certaines pharmacies adhérentes.

Une aubaine pour les spécialistes de la signalétique

Il est également parfois ardu, pour certaines officines, de trouver les bons interlocuteurs pour mener à bien leur projet. « Les acteurs classiques, en particulier les agenceurs, ne sont pas forcément intéressés par des chantiers de quelques milliers d’euros et qui représentent une contrainte technique importante. Dans certaines régions, nous avons des difficultés pour convaincre nos agenceurs partenaires de s’engager dans ce type de projets », confie Harold Caignaert. De fait, Giropharm s’adresse, dans certains cas, à d’autres professionnels, comme les entreprises spécialisées dans la signalétique. « Elles profitent de cette aubaine pour prendre leur place sur ce marché en plein développement », poursuit le directeur commercial et enseigne de Giropharm. Un constat partagé par Alain Guiavarch (Hémisphère 4) : « Le budget des projets de pharma staging n’intéresse pas vraiment les agenceurs car ils dégagent peu de marge. Certains n’hésitent d’ailleurs pas à nous recommander auprès des titulaires d’officine », révèle-t-il. Ce dernier souligne toutefois que le savoir-faire de son agence, spécialisée dans la création d’identité et la signalétique intérieure et extérieure, diffère de celui des agenceurs « qui sont plus à l’aise sur les réflexions liées au merchandising et à l’agencement, ce sont deux métiers très différents », estime-t-il. Des propos corroborés par Harold Caignaert : « Les entreprises spécialisées dans la signalétique n’ont pas forcément l’expérience de l’analyse du parcours client. Dans ce cas, notre service enseigne joue un rôle d’interface pour retranscrire les besoins des pharmaciens tout en respectant le budget limité. »

Les agenceurs entrent timidement dans la course

Si Aurélie Paquier (VU) s’est également heurtée à ce genre de difficulté, elle constate une évolution du côté de certains agenceurs. « Pendant très longtemps, les agenceurs n’appréciaient pas d’être sollicités pour du pharma staging et il était compliqué pour nous de trouver des interlocuteurs pour nous accompagner sur ces projets. C’est désormais un peu plus facile », relate-t-elle. Face à cette demande croissante, certains aménageurs s’engagent sur ce marché. À l’instar d’Inside Pharmacy, un des agenceurs partenaires de Leadersanté (voir encadré « Trois questions à… ») ou encore Boursin Agencement, qui travaille notamment avec Giropharm sur son offre de relooking. « Les missions de pharma staging ne représentent pas le plus gros de nos demandes mais nous ne les refusons pas », assure Patricia Boursin, la directrice générale de Boursin Agencement. L’agenceur a notamment travaillé sur le relooking de la pharmacie de Jouvence, en Saône-et-Loire. Changement de signalétique, habillage des meubles, rafraîchissement du sol… Les travaux ont été réalisés en février 2024, en seulement deux jours. « Je souhaitais optimiser l’espace de vente et apporter plus de clarté à l’officine. Les meubles étaient encore en bon état, nous avons donc choisi de les conserver », précise Agathe Gauvrit, la titulaire qui a repris cette officine en juillet 2022. Même minime, un réaménagement demande une réflexion en amont afin de s’entourer des bons partenaires.

Trois questions à…

Elida Abi-Aad, responsable merchandising et concept chez Leadersanté. 

Leadersanté a lancé, en janvier 2024, une offre de pharma staging. Pourquoi ?

Cette solution à moindre coût vise à répondre aux besoins des pharmaciens qui ont envie d’optimiser leur surface de vente mais qui se heurtent à des obstacles financiers. Cela leur permet de rafraîchir leur officine sans investir dans de gros travaux. À titre d’exemple, pour une pharmacie de 60 m2, un projet de pharma staging sera facturé 300 € le m2 contre 1 800 € le m2 pour des travaux globaux.

Comment accompagnez-vous vos adhérents sur ces projets ?

Notre offre se concentre sur trois aspects : le merchandising, le parcours client et l’agencement. L’objectif est de retravailler le référencement, de fluidifier le parcours client, d’ajouter éventuellement des gondoles ou des étagères et de changer la signalétique tout en conservant l’existant. Pour cela, nous nous appuyons sur l’équipe Santé Expert de Leadersanté, spécialiste de l’aménagement et du merchandising des pharmacies, qui est composée de sept personnes. Nous faisons aussi parfois appel à des partenaires, notamment des agenceurs.

Un an après le lancement, quel bilan tirez-vous ?

Cette offre prend une grande ampleur au sein du groupement. En 2024, nous avons accompagné une trentaine d’adhérents sur ce type de travaux, ce qui représente 40 % des projets de notre service merchandising. Nous avons analysé les ventes d’une vingtaine d’entre eux et avons constaté une progression du chiffre d’affaires de 15 % et une hausse de la fréquentation de 22 % sur six mois, suite au projet de pharma staging