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L’ère du sur-mesure

Publié le 28 mars 2017
Par Peggy Cardin-Changizi
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Qu’ont en commun Sephora, carrefour, ioma, magnum, Citroën et Nike ? Toutes ces enseignes ont choisi d’entretenir une relation d’exception avec leurs clients. Ainsi, elles proposent une offre personnalisée destinée à signer leur visite en magasin. Ou comment laisser une trace positive…

Désormais, Citroën permet de s’offrir la DS3 en version entièrement personnalisable : teinte de la carrosserie ou du toit, look des rétroviseurs… Même démarche pour Nike, qui via son site NikeID donne la possibilité de customiser ses chaussures de A à Z. Chez Ioma (lire page 36), on fabrique sur place une crème adaptée aux besoins cutanés de chaque cliente. Dans les points de vente Magnum, l’esquimau est fait à la demande : parfum, type de chocolat pour la couverture… Comment le sur-mesure est-il devenu un incontournable du commerce ? « Sociologiquement parlant, l’individu aspire à être reconnu pour ce qu’il est. Chacun de nous se considérant comme unique », explique Oliviers Dauvers, expert en grande consommation. « Et commercialement parlant, quand il est en boutique, le client doit sentir qu’on répond à ses besoins à lui, qu’il n’est pas un client lambda », ajoute Philippe de Mareilhac, CEO de l’agence Market Value. Aussi, l’offre s’est étoffée alors que la demande ne progresse plus autant. « Le consommateur devient alors plus exigeant vis-à-vis du produit qu’il recherche », poursuit Olivier Dauvers. Pendant longtemps, la première vertu du commerçant était d’être bien placé. Au sens physique du terme. Puis, dans un second temps, il devait proposer des produits intéressants pour le client. Aujourd’hui, ce n’est plus suffisant. La préférence doit donc se créer autrement. « Le magasin doit procurer au consommateur une qualité optimale en matière d’écoute et de conseil pour proposer une offre adaptée, observe Christophe Chaptal de Chanteloup, DG de CC&A, une agence de conseil auprès des marques et enseignes. La boutique devient à la fois un lieu d’expertise et d’accueil personnalisé où chaque client est l’occasion d’une relation unique. »

PIONNIERS du luxe

Dans cette démarche, les marques de luxe ont été pionnières. Face à elles, une clientèle ultra-exigeante, en recherche d’expérience et qui dispose d’un fort pouvoir d’achat. Par exemple, Longchamp a permis à ses clientes de personnaliser son sac emblématique, Le Pliage, de A à Z, pour obtenir un modèle unique. En quelques clics, sur le site du maroquinier, on choisit la taille du sac, la couleur principale, celle du rabat, des poignées, des pattes et de la bandoulière, puis de la doublure. Côté prêt-à-porter, on joue avec les initiales de la cliente : Prada permet de les apposer sous ses souliers, tandis que Burberry les fait apparaître sur une écharpe ou un poncho. La parfumerie n’est pas en reste. Plusieurs marques comme Guerlain, Atelier Cologne ou Serge Lutens misent sur la gravure des initiales sur les flacons. Un service maintenant assuré par Sephora, via son atelier gravure.

BUSINESS pour la GMS

Mais qu’on se le dise, le sur-mesure n’est plus réservé à une catégorie aisée de clientèle. Les enseignes de grande distribution, qui par principe doivent vendre à tout le monde, jouent aussi la carte de la personnalisation. Un paradoxe ? Pas vraiment… Car l’objectif est d’apporter un service supplémentaire et d’ ajouter de la valeur à une offre, jusqu’ici standardisée. Pionnier, Carrefour a lancé « my design », un shop in shop dédié à la personnalisation d’objets du quotidien (déco, prêt à porter). D’autres enseignes développent des initiatives locales. Ainsi, l’Hyper U de Savenay (Loire-Atlantique) a ouvert « Ma Boutique », un espace consacré aux objets customisables (coques de téléphone, mugs, t-shirt). E.Leclerc s’engouffre aussi dans la brèche avec une dizaine de corners E.Leclerc Styl’, qui proposent de rendre uniques – via l’impression, le gravage ou le brodage – près de 70 produits (briquets, sacs, puzzles, tableaux, calendriers, coussins, tabliers…). Le dernier distributeur à s’être lancé est Auchan. À Villeneuve-d’Ascq, l’enseigne expérimente un concept de webstore de 47 m2, baptisé Bouton noir, qui entend démocratiser le vêtement sur-mesure. La morphologie du client est analysée dans une cabine de scan, avec une commande en fonction des mesures mais aussi des goûts de chacun (choix du tissu, des finitions, du type de col ou des poignées…). Le tout disponible sous trois semaines, à des prix très compétitifs.

MERCI le digital

Force est de constater que la personnalisation a profité de l’essor des nouvelles technologies. « Le digital est un excellent facilitateur : big data et géolocalisation sont des outils très efficaces », reconnaît Christophe Chaptal de Chanteloup. Ainsi, grâce à une meilleure connaissance du client, il est possible de cibler ses offres en envoyant des informations et des promotions personnalisées sur les Smartphones. Mieux, dans son nouveau concept store à Lille, la marque de prêt-à-porter Brice a installé une borne interactive. Le visiteur est invité à répondre à quelques questions sur ses préférences. Des suggestions de looks lui sont alors proposées (200 au total), via un défilé en vidéo. Une fois la sélection finalisée par le client, les vêtements à essayer descendent du premier étage d’un ascenseur transparent… « Le sur-mesure est un moyen de se différencier, de monter en gamme, et de gonfler le panier moyen », conclut Philippe de Mareilhac.

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66 % DES CLIENTS SONT SUSCEPTIBLES DE CHANGER DE MARQUE SI CELLE.CI LEUR FAIT SENTIR QU’ILS SONT TRAITÉS COMME UN NUMÉRO PLUTÔT QUE COMME UN INDIVIDU, SELON UNE ÉTUDE DE SALESFORCE DE 2016.

ÉTIQUETTES

Des produits étiquetés selon les voeux du client, c’est ce que proposent Coca-Cola ou Nutella via des sites dédiés. Ou comment attiser l’appartenance à une marque.

69 % C’EST LE NOMBRE DE PERSONNES QUI CONSIDÈRENT QUE LE FAIT DE FOURNIR UN SERVICE CLIENT PERSONNALISÉ A UNE INFLUENCE SUR LEUR FIDÉLITÉ, RAPPORTE LE STATE OF THE CONNECTED CUSTOMER.

En pratique

Et en officine ?

Le problème en pharmacie, c’est que le client est identifié assez tard dans le parcours d’achat : au moment où il donne sa carte vitale, observe olivier Dauvers, expert en grande consommation. Il faudrait trouver un moyen de l’identifier plus tôt. » Comment ? en installant une borne à l’entrée où il pourra scanner sa carte de fidélité par exemple. « Les enseignes de grande distribution connaissent leurs clients grâce aux cartes de fidélité. Il suffit de développer la même approche dans une officine. » si la pharmacie n’a pas les moyens de lancer de véritables offres sur-mesure (sur le hors médicament, bien sûr), elle peut s’inspirer des initiatives mises en place chez sephora, comme le service de personnalisation de l’emballage (gift factory). à la Pharmacie de la Charentonne à Bernay par exemple, l’équipe de Mathilde six – la lauréate de notre Prix Pharmacien Manager – remet les achats de para dans de jolis sacs kraft faits maison (voir photo). Des sacs qui évoluent en fonction des saisons ou bien des animations : pour les produits vétérinaires, ces sacs sont décorés de pattes de chats ! Un geste qui fait la différence. La tendance du « combining fragrance » qui permet de personnaliser son sillage par l’association de deux fragrances peut aussi être déclinée dans un corner spécial parfum.