Ordonnances falsifiées : l’IA, la solution pour les détecter au comptoir

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Ordonnances falsifiées : l’IA, la solution pour les détecter au comptoir

Publié le 9 juin 2023
Par Magali Clausener
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Détecter immédiatement une fausse ordonnance au comptoir, c’est ce que propose Phealing, une start-up lyonnaise qui a déjà lancé un logiciel de détection des erreurs de délivrance en temps réel.

Pour réduire la fraude aux médicaments onéreux, disposer d’un logiciel permettant de détecter au comptoir une ordonnance suspecte peut séduire les pharmaciens et les autorités sanitaires. C’est justement ce qu’a développé la start-up lyonnaise, Phealing, en s’appuyant sur le logiciel qu’elle a déjà créé pour détecter les erreurs de prescription et de délivrance. « Notre outil croise les informations portant sur les fraudes avec celles figurant sur l’ordonnance présentée au comptoir et permet de repérer les erreurs et de signaler une suspicion de falsification de l’ordonnance », explique Thibault Ozenne, cofondateur de Phealing.

Détecter en 2 secondes

Concrètement, le logiciel de Phealing est installé sur le système informatique du pharmacien en plus du LGO. Grâce à son intelligence artificielle (IA), il est capable de lire les données des ordonnances et des médicaments scannés en parallèle du LGO. Lorsque le pharmacien reçoit une alerte du Conseil régional de l’Ordre des pharmaciens (Crop), de l’Agence régionale de santé (ARS) ou bien encore des syndicats pharmaceutiques – le dispositif varie selon les régions -, il renseigne un formulaire web de Phealing en reportant les informations du signalement : nom du médecin, numéro du RPPS, nom et prénom du patient s’ils sont indiqués, classe des médicaments, début et fin du signalement. Le pharmacien peut aussi ajouter le commentaire du signalement. Par exemple, celui-ci stipule que la personne se présente sans carte Vitale mais avec une attestation de droits. Le logiciel reçoit toutes ses informations et les traite.

Si par exemple un patient se présente avec une ordonnance d’Ozempic trois jours après : lorsque le pharmacien scanne l’ordonnance et les étiquettes des boîtes de médicament, le logiciel analyse en temps réel toutes les données et les croise avec celles du signalement. Si l’ordonnance est suspecte, le logiciel alerte en deux secondes le pharmacien grâce à la « vignette » du logiciel qui est en permanence sur l’écran de l’ordinateur.

Vers une expérimentation ?

La solution séduit les pharmaciens qui la testent dans leur officine. « La falsification d’ordonnances représente un enjeu de santé publique majeur. Nous mobilisons les équipes au quotidien mais nos moyens sont limités. L’outil de Phealing est un rempart qui permet d’évaluer plusieurs critères de suspicion en temps réel », souligne Thomas Gendre, pharmacien à Wassy (Haute-Marne) et conseiller ordinal. « J’ai plusieurs signalements par semaine qui ont très peu de chance d’être repérés. En plus de nous alerter en direct sur les ordonnances falsifiées, la technologie de Phealing est une sentinelle au comptoir pour remonter l’information aux institutions », estime Etienne Gatignol, pharmacien à Aix-Les-Bains (Savoie). A terme, Phaeling espère que les autorités (ARS, Crop…) transmettent directement les informations relatives aux fraudes au logiciel. Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), qui adhère à la détection des erreurs de prescription et de délivrance, craint cependant que « cela soit compliqué pour que les autorités intègrent les signalements dans la solution ».

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Pour autant, la start-up travaille au déploiement de son logiciel et est en lien avec les syndicats pharmaceutiques, l’Ordre des pharmaciens et l’Assurance maladie. « L’idéal serait de lancer rapidement une expérimentation dans une, deux ou trois régions, durant deux à trois mois. La Bretagne, le Grand Est et la Nouvelle-Aquitaine sont intéressées par un tel projet », explique Thibault Ozenne. Des régions particulièrement concernées par la falsification des ordonnances avec 3 à 5 signalements par jour, selon le cofondateur de Phealing. Et de conclure : « Avec notre solution, les signalements seraient nationaux et non plus régionaux, sachant que les fraudeurs sont organisés et se déplacent sur le territoire. Toutes les pharmacies disposeraient des mêmes informations et d’une détection instantanée ».