la patho dans l’air
Difficile de ne pas trouver le « bon » médicament pour soigner un énième rhume ou mal de gorge. Le marché de la sphère respiratoire se caractérise par une offre pléthorique qui ne cesse de s’étoffer sous l’impulsion des laboratoires, et sous l’influence des virus qui sévissent désormais toute l’année.
Selon les derniers chiffres de l’Afipa, les voies respiratoires continuent d’encombrer le marché de l’automédication, occupant la première place (529 millions d’euros, en cumul annuel mobile à septembre 2013) devant l’antalgie. Si l’on ne retient que l’OTC strict (médicaments non remboursables), le chiffre d’affaires s’élève à 369,5 millions d’euros pour 143,4 millions d’unités vendues et semble avoir atteint sa vitesse de croisière : + 5 % en volume et + 7 % en valeur (IMS Health, données Pharmatrend, CAM septembre 2013). En toute logique, le secteur démontre une forte saisonnalité liée aux rigueurs de l’hiver. Mais, phénomène assez récent, celle-ci « tend à se décaler dans le temps, glissant des mois de novembre-décembre vers ceux de janvier-février », observe Cédric Guyader, directeur de la division Santé Grand Public au sein des laboratoires Bouchara Recordati. Hivers à rallonge mordant sur le printemps, climatisations féroces soufflant en été, certains acteurs maintiennent leur communication hors des périodes officielles. Et cette relative désaisonnalisation constitue l’une des voies de développement du marché.
La bonne santé de la sphère ORL en OTC s’explique par la forte pathologie qui a marqué l’hiver 2013. Mais pas uniquement. Car, c’est l’une des tendances lourdes du secteur étudié, pour soigner leurs pathologies hivernales bénignes (maux de gorge, toux, rhume et grippe), 85 % des Français font le choix de s’automédiquer (source fabricant). Ils disposent à la fois d’un vaste choix de médicaments, faciles à comprendre (la plupart des laboratoires revoient leurs packagings pour une lisibilité renforcée) et se montrent de plus en plus informés et capables de procéder à des achats éclairés, comme le relève Laurent de Gasquet, directeur marketing Division UPSA France. « Les consommateurs deviennent des « consom’acteurs » : ils se renseignent sur leurs symptômes et les traitements existants avant de se rendre chez leur pharmacien pour lui demander, éventuellement, un produit en particulier ». Pour autant, le rôle du pharmacien n’est pas à sous-estimer : 66 % des achats en voie respiratoire se font à partir de ses recommandations (source Procter & Gamble). C’est également lui « qui redirigera le patient vers le médecin s’il le juge nécessaire. Il est la première interface dans le parcours de soins », insiste Pascal Brossard, président de l’Afipa, rappelant qu’environ 10 % des consultations du médecin n’ont pas de motif sérieux et pourraient être évitées.
Gammes à mille voies
Ce sont les grandes marques, historiques et à forte notoriété, placées derrière le comptoir et en libre accès pour un grand nombre, qui impulsent au secteur tout son dynamisme. Cette double implantation a son importance et joue probablement en faveur du développement du marché : elle permet différentes occasions de contact avec le consommateur mais aussi de conseil au sein de l’officine. Sur le périmètre étudié, cinq grands noms se distinguent : Oscillococcinum, Strepsils, Lysopaïne, Humex et Fervex. Preuve de leur importance, leur impact dépasse la seule sphère ORL. Ainsi, ces marques figurent parmi les dix premières relevant de l’automédication, enregistrant sur ce périmètre en décroissance de – 2,2 %, une progression de l’ordre de 2,1 % en valeur (Afipa, CAM septembre 2013).
Si la notoriété et l’efficacité des produits composent les deux principaux drivers du secteur, la recherche de références naturelles et/ou sans effets secondaires traverse, dans une moindre mesure, les trois segments phares du marché (antigrippaux, pastilles/collutoires contre les maux de gorge, et antitussifs). Soulignons le succès des médicaments homéopathiques Oscillococcinum (n° 1 sur le segment de l’état grippal), et Stodal (n° 3 des antitussifs, source Ospharm) mais aussi du sirop Prospan au lierre grimpant (Mediflor), qui réalise 5,3 % de PDM sur le segment de la toux. La règle est à l’élaboration de gammes étendues, voire complètes, couvrant tous les symptômes hivernaux. Tel est le positionnement affiché de Humex, qui compte 23 produits et se présente comme « la marque de référence sur le marché des voies respiratoires pour le pharmacien et le consommateur, quelle que soit la pathologie invoquée », indique Priscille Rosnet, chef de gamme OTC Urgo. De son côté, la marque Vicks, qui compte une vingtaine de produits, lançait, en septembre dernier, trois décongestionnants à l’eau de mer en spray nasal (les solutions nasales salines progressent de 8 %, en valeur, IMS Health, données Pharmatrend, CAM septembre 2013) et deux références toux grasse (solution buvable et comprimés) « pour se poser en marque de confiance vers qui se tourner », explique Frédéric Gerber, chef de produits Vicks au sein du laboratoire Procter & Gamble France. Plus largement, l’innovation a ici sa place. En effet, « quand le client s’automédique, il adopte le comportement qu’il pourrait avoir dans d’autres circuits de distribution : il aime avoir le choix », affirme Laurent de Gasquet, rappelant le corollaire du « self-service » : l’encadrement de la délivrance par le pharmacien.
Antirhumes dégrippés
Premier marché de la sphère respiratoire, le segment « rhume-état grippal » s’octroie 122,4 M€ de CA (+ 12 %, source IMS en CAM à septembre 2013). Si nombre de références se proposent de soigner conjointement rhume et état grippal, à l’inverse, certains médicaments ne portent qu’une seule indication tel Oscillococcinum (Boiron) qui réalise sur le segment des antigrippaux 23,4 % de PDM, en valeur (source Ospharm). Ses atouts sont multiples : sans contre-indication et sans effet secondaire, il se positionne comme un médicament familial « facile à conseiller et à utiliser », avance Aline Peter, chef de produit. « Le format 30 doses a permis de développer son usage au sein du cercle familial », ajoute notre interlocutrice (+ 48 %, en valeur, IMS, CAM septembre 2013). Malgré ses récents déboires (suite à la découverte d’une bactérie ont été retirées du marché, en mai dernier, les références Fervex adulte, enfant et goût framboise ainsi que le médicament Mucomyst), la marque Fervex (Bristol Myers Squibb) décroche la deuxième place du segment (11,5 % de PDM contre 28,5 % de PDM avant le retrait de lots). Jusqu’à début 2014, seule la référence adulte sans sucre est disponible. Troisième acteur du marché, le laboratoire Johnson & Johnson, propriétaire de la gamme Actifed (8,6 % de PDM), se distingue avec son produit rhume jour & nuit. Cette présentation, qui combine deux actions différenciées, n’est autre que le produit phare Humex, vendu à plus de 3 millions d’exemplaires. Vicks reste un acteur incontournable sur le segment des révulsifs et produits inhalants (+ 5 %, en valeur, IMS Health) avec sa pommade VapoRub à base d’eucalyptus (44 % des ventes de la marque, en valeur) et son Inhaler (10 % des ventes). Quant à RhinAdvil, déremboursé en mai 2012, il est rebaptisé RhinAdvil Rhume (20 % de PDM sur le segment comprimés rhume, source fabricant, CAM septembre 2013) pour se distinguer du spray maux de gorge lancé après le switch. « Nous avons profité du déremboursement pour créer une gamme sur le rhume/état grippal composée de deux produits complémentaires », explique Marie Blandino, chef de marque thérapeutique. Signalons également le lancement de Drill Rhume, à base de chlorphénamine, pour créer une alternative (en réponse à une attente décelée) à l’emploi de pseudo-éphédrine, vasoconstricteur controversé visé par la Commission de pharmacovigilance. Le laboratoire développe « une stratégie OTC en approchant les pharmaciens et les médecins proches des officines visitées pour obtenir une caution médicale », explique Anthony Lopez, chef de produit Drill.
À l’efficacité attendue des produits s’ajoute, sur le segment des maux de gorge, la variété des présentations et des goûts pour répondre à tous les besoins. Si le collutoire (6,8 % de PDM en valeur sur la sphère ORL, Ospharm) permet une application localisée et renvoie à une image médicale, il est moins utilisé que les formes à sucer (21,5 % de PDM, Ospharm).
À chacun sa pastille
Quant aux pastilles, leur sensorialité participe pleinement du traitement. Ainsi, fait remarquer Anthony Lopez, en charge de la marque Drill, « leur galénique couplée à la palette d’arômes proposés aux consommateurs améliore l’efficacité et l’observance du traitement ». Strepsils (Reckitt Benckiser) et Lysopaïne (Boehringer Ingelheim) jouent des coudes pour se tailler la première place. Si la marque ombrelle Strepsils l’emporte d’un cheveu (17,2 % de PDM en valeur), remarquons cependant le succès évident des comprimés à sucer Lysopaïne pour les maux de gorge modérés (17 % de PDM) avec une seule présentation ! Disposant d’une forte notoriété alimentée par des campagnes télévisuelles puissantes, ce médicament bénéficie d’un long héritage de prescription du médecin. Précisons que la volonté de désaisonnaliser sa consommation a joué en faveur de sa progression. En lançant sa nouvelle référence pour l’enrouement et l’irritation de la gorge, Vox Lysopaïne, la marque se positionne désormais sur le traitement de tous les maux de gorge. Troisième sur le podium des maux de gorge, la marque Maxilase (Sanofi) se distingue, elle aussi, avec 14,5 % de PDM (en valeur, Ospharm, CAM septembre), le CA de son sirop dépassant celui des comprimés. La gamme s’est étoffée, en août dernier, d’une référence pensée pour le libre accès (une boîte de 15 comprimés). L’objectif visé, alors que le produit est très bien connu du pharmacien : « Se faire connaître directement du consommateur en lui donnant une visibilité renforcée », expose Christophe de la Fouchardière, directeur des opérations santé grand public Sanofi. Quant à la marque Drill (13 % de PDM sur le segment des pastilles pour les maux de gorge, source fabricant, CAM septembre 2013), elle se distingue par sa large gamme, forte de sept références pastilles (la version « miel rosat » étant vendue à plus de 600 000 unités) et d’un collutoire. La double action Drill — anesthésique et antiseptique — étant présentée comme « une clef de différenciation ». Soulignons également la performance du collutoire Hexaspray (Bouchara Recordati), muni d’un embout pivotant pour une utilisation facilitée (34 % de PDM sur le segment des collutoires, source fabricant) qui coexiste avec les comprimés Hexalyse portant la même indication.
Anti-toux plein d’atouts
Les expectorants (57 % de PDM valeur, Ospharm, CAM septembre 2013), les antitussifs purs (17,3 % de PDM) auxquels s’ajoutent les références tous types de toux (25,7 % de PDM) jouent, eux aussi, la variété des présentations. Les formats nomades (sticks, sachets) répondent à une vraie attente du marché. Du coup, Humex étoffe sa ligne toux sèche Dextrométhorphane d’une présentation stick (arôme citron, punch).
Bronchokod, édité par Sanofi, détient 19,3 % de PDM, en volume, sur le segment toux grasse OTC (source fabricant, CAM septembre 2013). Et se retrouve première marque vendue sur le domaine de la toux. « Porté par une grande notoriété spontanée auprès du pharmacien, notre sirop est très fortement conseillé, depuis des années », explique Christophe de la Fouchardière. Stodal, proposé en sirop comme en granules pour les toux d’irritation, se présente comme l’autre référence phare de Boiron en ORL : « Ce produit familial n’entraîne pas de risque de somnolence et est compatible avec la prise d’autres médicaments », résume Stéphany Roche, chef de produit. Quant à Exomuc, pour les toux grasses (Bouchara Recordati), il cumule deux atouts : « Son goût agréable et son format, en sachet, facile à transporter », explique Cédric Guyader.
Enfin, la marque Humex (8,4 % de PDM sur le segment toux OTC voie orale, IMS, CAM août 2013) se distingue par la variété de ses présentations. Autant dire que les marques historiques ne cessent d’étendre leurs gammes. Difficile donc, pour les nouveaux entrants de se faire une place au sein de la sphère respiratoire, sauf à proposer des produits qui se sortent du lot par une forme innovante ou une approche thérapeutique alternative. Et à promouvoir le tout à grand bruit de publicité…
Top 3 en valeur
Source Ospharm, en cumul annuel mobile à septembre 2013.
N° 1
Oscillococcinum 30 doses 9,8 % de PDM
N° 2
Lysopaïne sans sucre 5,6 % de PDM
N° 3
Actifed Rhume Jour et Nuit 3,1 % de PDM
Alternative
La pseudo-éphédrine étant sur la sellette, les marques parent aux critiques par le biais des formules « rhume » avec antihistaminique.
Diversification
Lysopaïne élargit sa part de voix sur les maux de gorge en lançant vox Lysopaïne. et se positionne ainsi contre les enrouements.
Collutoires
Les sprays représentent 6,8 % en valeur du marché ORL (contre 21,5 % pour les pastilles maux de gorge). Leur marge de progression est réelle !
Expectorants
Malgré leur déremboursement, les sirops expectorants réalisent néanmoins plus de 50 % des ventes des antitussifs OTC.
Nomades
Aux sirops « collants » et qui ne se conservent pas, les malades plébiscitent les sachets type Fervex. La nouveauté est aux sticks.
Gamme étendue
C’est la tendance. À l’image de Vicks, les marques étoffent leurs gammes pour pouvoir ressortir dans les linéaires.
Homéopathie
L’atout sécuritaire de l’homéopathie paye. Ainsi Boiron figure parmi le Top 5 des laboratoires sur la shère OTC respiratoire.
Nouveau statut
Rhinadvil est passé du médicament remboursé au produit OTC. Du coup, la marque en a profité pour s’étoffer.
Pour toute la famille
Avec son sirop et ses comprimés, Maxilase est numéro 3 sur le segment des maux de gorge (14,5 % de PDM valeur).
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