Attractivité en berne : les laboratoires tournent le dos à la France

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Attractivité en berne : les laboratoires tournent le dos à la France

Publié le 18 juin 2025
Par Christelle Pangrazzi
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Deux tiers des entreprises pharmaceutiques n’envisagent plus d’investir dans l’Hexagone. Le pays est jugé trop instable d'un point de vue règlementaire et fiscalement dissuasif.

Cinq ans après la pandémie de Covid-19, les industriels du médicament délaissent la France. D’après le baromètre 2025 réalisé par PwC pour le Leem, le syndicat des entreprises du médicament, 64 % des dirigeants interrogés écartent la possibilité d’investir en France dans les trois prochaines années. Un signal fort rendu public par le syndicat professionnel le mardi 17 juin.

Les industriels interrogés déplorent un cadre réglementaire instable et une pression fiscale étouffante.

Une fiscalité jugée punitive

Le constat est sévère : selon le Leem, 60 % du résultat d’exploitation des entreprises pharmaceutiques est capté par l’État, dont 88 % via des taxes sectorielles spécifiques. Symbole de ce fardeau : la clause de sauvegarde, mécanisme de régulation des dépenses de médicaments remboursables, dont le montant a bondi à 1,6 milliard d’euros en 2024.

« Le médicament ne peut plus être considéré comme un simple coût mais comme un investissement stratégique dans la santé publique », plaide le syndicat, qui appelle à « remettre à plat une fiscalité illisible ».

Un marché en perte de compétitivité

Si la France reste le deuxième marché pharmaceutique d’Europe, derrière l’Allemagne, elle perd du terrain sur plusieurs indicateurs clés :

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– la disponibilité des médicaments : seuls 60 % des médicaments autorisés au niveau européen sont accessibles aux patients français, contre 89 % en Allemagne.

le délai d’accès à l’innovation : il faut 523 jours en moyenne pour accéder à un nouveau traitement en France, contre seulement 50 jours outre-Rhin.

– le retraits de commercialisation : après une accalmie post-Covid, les arrêts de mise sur le marché sont repartis à la hausse, avec + 7 % en 2024.

Vers une loi de programmation en santé ?

Pour sortir de cette spirale défavorable, le Leem milite pour une loi de programmation en santé, sur le modèle de celle existant pour la défense. Objectif : donner de la visibilité pluriannuelle aux acteurs de l’écosystème santé, à rebours d’une LFSS annuelle jugée trop restrictive.

Le syndicat demande également, à l’échelle européenne, une harmonisation des politiques de prix et des marchés publics, une accélération des procédures d’essais cliniques et d’accès aux vaccins, ainsi qu’une prise en compte des investissements de décarbonation dans la fixation des prix.

À court terme, les industriels réclament des signaux politiques clairs. Car au-delà des chiffres, le baromètre 2025 révèle un changement de posture : la France n’apparaît plus comme un territoire stratégique pour les grands laboratoires. À l’heure où Donald Trump multiplie les mesures « semi-coercitives » pour forcer la relocalisation de l’industrie pharmaceutique aux États-Unis, le signal envoyé par le Leem pourrait bien trouver un écho dans la classe politique française. La France, qui affiche régulièrement ses ambitions de souveraineté sanitaire, pourrait difficilement ignorer cet avertissement, alors que se dessine une nouvelle géopolitique du médicament, fondée sur l’investissement domestique et le protectionnisme industriel.