Sous pression, Sanofi muscle ses investissements aux États-Unis

© Getty Images

International Réservé aux abonnés

Sous pression, Sanofi muscle ses investissements aux États-Unis

Publié le 15 mai 2025
Par Christelle Pangrazzi
Mettre en favori
Le laboratoire français va injecter 20 milliards de dollars dans son développement outre-Atlantique. Un virage stratégique dans un contexte sous haute tension. Le président américain menaçant d’imposer des droits de douane sur les médicaments européens.

Sanofi ne se contente plus d’exporter vers les États-Unis : il s’y implante massivement. Le 14 mai, le groupe pharmaceutique a annoncé un plan d’investissement de 20 milliards de dollars – soit un peu plus de 17 milliards d’euros – pour renforcer sa recherche et développement, agrandir ses cinq sites industriels américains et sceller de nouveaux partenariats avec des producteurs locaux. Une accélération qui coïncide avec le retour sur le devant de la scène de Donald Trump et ses velléités protectionnistes.

Ce plan intervient deux jours après les déclarations tonitruantes du président américain, qui promet une réduction de 80 % des prix des médicaments sur ordonnance aux États-Unis et accuse les laboratoires européens de « faire subventionner leurs patients par les Américains ». Le ton est donné : ceux qui veulent rester compétitifs sur le marché nord-américain doivent produire localement, ou s’attendre à de lourdes barrières tarifaires.

Le marché américain, vital pour Sanofi

Difficile, pour Sanofi, de tourner le dos au marché américain. Le groupe y réalise près de 50 % de son chiffre d’affaires mondial et y emploie 13 000 salariés. Les États-Unis constituent actuellement le premier marché pharmaceutique mondial, et de loin le plus lucratif : les prix y sont 2,5 fois supérieurs à ceux pratiqués dans les autres pays de l’OCDE, les laboratoires fixant librement leurs tarifs.

« Ce n’est pas une réaction à chaud aux annonces de Trump », assure-t-on chez Sanofi, en précisant que ces investissements étaient « prévus de longue date ». Mais la concomitance des annonces interroge. D’autant que ce mouvement s’inscrit dans un climat tendu : depuis lundi, l’action Sanofi a perdu du terrain en Bourse, comme d’autres titres du secteur pharmaceutique européen.

Publicité

Une stratégie opposée à celle de Roche

Contrairement à Sanofi, certains concurrents choisissent d’appuyer sur le frein. Roche, par exemple, a gelé l’investissement, annoncé en avril dernier, de 50 milliards de dollars prévu d’ici à 2030 aux États-Unis, en raison des incertitudes politiques et économiques engendrées par les déclarations de Donald Trump.

Sanofi fait donc un pari risqué : rassurer les marchés en doublant la mise sur le sol américain, tout en assumant les critiques qui montent en France sur sa stratégie industrielle.

Une relance des polémiques en France

L’annonce passe mal dans un contexte social tendu. Le groupe assure qu’il « n’entend pas réduire sa présence en France », mais rappelle aussi que l’Hexagone ne représente plus que 3 % de son chiffre d’affaires global. De quoi relancer les débats sur les aides publiques perçues par Sanofi, à commencer par les 100 millions d’euros de crédit d’impôt recherche qu’il touche chaque année.

En parallèle, les syndicats rappellent que le groupe a mené quatre plans sociaux ces dix dernières années dans l’Hexagone. À cela s’ajoute la vente très contestée de sa division Doliprane aux Américains en 2024.

Vers une reconfiguration du leadership pharmaceutique ?

Cette montée en puissance de Sanofi aux États-Unis marque-t-elle une forme de désengagement industriel de la France au profit d’un ancrage américain plus rentable ? Le signal envoyé est en tout cas clair : face à la menace de régulation des prix et aux tensions géopolitiques, le géant français s’adapte au marché qui lui garantit encore les plus fortes marges.

Avec AFP