Alain Berthaud décrypte la digitalisation et la montée en puissance des services

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Alain Berthaud décrypte la digitalisation et la montée en puissance des services

Publié le 25 avril 2025
Par Christelle Pangrazzi
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Face aux mutations du secteur officinal, la structuration des groupements pharmaceutiques s’intensifie. Alain Berthaud, président d’Activ’ Pharma Conseils, décrypte pour nous les grandes tendances qui redessinent le paysage officinal : concentration des acteurs, montée en puissance des services, transition numérique et évolution des missions du pharmacien.

Depuis 18 ans, vous publiez l’Observatoire LPC (panorama des groupements et enseignes de pharmacies), une référence pour comprendre l’évolution du marché officinal. Quelles sont les principales tendances qui se dégagent des dernières analyses ?

L’Observatoire LPC est un document de référence qui analyse en détail l’évolution du secteur officinal en France. Il recense, classe et évalue les groupements de pharmacies selon plusieurs critères : leur répartition géographique, leur taille, leur modèle économique (coopératives, fonds d’investissement, structures indépendantes), leur dynamique de croissance et les services proposés à leurs adhérents. Depuis quelques années, la tendance dominante est la concentration. On peut parler d’une mutation structurelle. Alors qu’il existait une grande diversité de groupements, nous observons désormais une consolidation du marché. Cette évolution répond à plusieurs logiques : les laboratoires pharmaceutiques se regroupent, ce qui oblige les distributeurs à renforcer leur pouvoir de négociation ; les pharmacies doivent faire face à la baisse des marges sur les médicaments remboursés et se diversifier ; enfin, les attentes en matière de services et d’accompagnement réglementaire sont de plus en plus fortes.

Les pharmaciens adhèrent-ils facilement aux nouvelles structures lorsqu’un regroupement s’opère ?

Cela dépend des projets. Certains rachats entraînent une adhésion forte et naturelle, avec des taux de conversion pouvant atteindre 100 %. D’autres, en revanche, provoquent des départs d’adhérents lorsque la nouvelle organisation ne leur apporte pas de bénéfices concrets ou ne correspond pas à leur vision de l’officine. En moyenne, les taux de fidélisation après une fusion varient entre 50 et 100 %, selon la stratégie mise en place et la capacité du groupement à démontrer sa valeur ajoutée.

L’émergence de nouveaux groupements indépendants est-elle encore possible ?

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C’est de plus en plus difficile. Un nouveau groupement doit impérativement proposer une approche différenciante pour se démarquer, que ce soit par une spécialisation sectorielle (santé, digitalisation, accompagnement réglementaire) ou par une offre de services innovants. Sans une proposition forte et une taille critique suffisante, il risque soit d’être absorbé, soit de disparaître faute d’adhérents.

Comment les groupements français s’organisent-ils pour se développer à l’international ?

Plusieurs enseignes françaises se développent à l’étranger, notamment en Espagne et en Italie. Lafayette a acquis Ecoceutics, Médiprix a implanté une filiale à Madrid et Boticinal s’installe également sur le marché espagnol. Cette expansion répond à plusieurs objectifs : capter de nouveaux marchés, diversifier les sources de revenus et anticiper d’éventuelles évolutions réglementaires favorables à l’essor des pharmacies en Europe.

Quels ont été les effets de la crise sanitaire sur la structuration des groupements ?

La crise sanitaire a accéléré la nécessité pour les pharmacies d’être mieux organisées. Face à des flux accrus de patients et à des tensions d’approvisionnement, il est devenu indispensable de disposer d’une logistique performante, d’outils numériques adaptés et de services mutualisés pour répondre aux besoins de santé publique. La vaccination en officine, la dispensation adaptée et la gestion des stocks ont été des enjeux majeurs qui ont mis en lumière l’intérêt de s’appuyer sur un groupement structuré.

Comment les groupements contribuent-ils au maintien du maillage officinal en France ?

Les groupements sont des acteurs clés pour préserver l’accessibilité aux soins, en particulier dans les zones rurales et les territoires sous-dotés. Certains déploient des modèles innovants inspirés des « dépôts de pain » pour assurer la continuité des services pharmaceutiques dans les petites communes. D’autres mettent en place des dispositifs pour accompagner l’installation de jeunes pharmaciens et faciliter la transmission des officines. Sans cette structuration, certaines zones risqueraient d’être privées d’accès aux soins de proximité.

La financiarisation du secteur officinal est-elle une tendance qui s’intensifie ?

Elle est encore limitée mais elle progresse. Certains groupements attirent des fonds d’investissement, ce qui leur permet d’accélérer leur développement et d’innover. Toutefois, cette évolution soulève des interrogations, notamment sur l’indépendance des officines et sur la préservation du modèle de pharmacie de proximité. À ce jour, la réglementation française encadre strictement la participation du capital extérieur, garantissant ainsi le rôle du pharmacien en tant que professionnel de santé.

L’ouverture du capital des pharmacies est-elle une perspective envisageable à moyen terme ?

C’est une question récurrente. Pour l’instant, le modèle français repose sur l’indépendance du pharmacien et ce principe reste un pilier du système de santé. Cependant, les pressions économiques et les évolutions réglementaires en Europe pourraient conduire à une réflexion sur ce sujet dans les années à venir.

Le phénomène de concentration des groupements va-t-il encore s’amplifier ?

Oui, la tendance se renforce. Les groupements vont évoluer vers une massification de leurs achats, de leurs ventes et de leur marketing pour devenir de véritables plateformes de services d’accompagnement « BtoBtoC », avec une montée en puissance des enseignes et une intégration croissante des nouvelles technologies. Toutefois, le modèle hybride devrait perdurer encore un moment avec une cohabitation entre pharmacies indépendantes et structures plus organisées. De nouveaux rachats ou prises de participation majoritaire se profilent à court et moyen terme.

Bio express 

  • 2007 – Édition du premier Observatoire LPC des groupements
  • 2010 – Création de Suppl’Activ (force de vente et activation des marques en pharmacie)
  • 2018 – Reprise de Labo Pharma Conseils qui devient Activ’Pharma Conseils en 2024
  • 2019- Partenariat Iqvia (panéliste mondial n° 1) 
  • 2025 – Structuration du groupe avec un nom commercial : Activ’360.