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Une donnée qui masque la réalité
Le chiffre d’affaires (CA) du réseau officinal a, en 2022, nettement augmenté : de 8,6 % à plus de 11 % selon les sources. Il progresse encore sur les premiers mois de 2023. Et pourtant, la situation globale de la pharmacie se dégrade. Le CA ne reflète donc plus la réalité économique. Et ça, tous les experts le disent.
CONTRIBUTEURS
Philippe Becker (Fiducial)

Philippe Besset (FSPF)

Julien Chauvin (FSPF)

Joël Lecœur (CGP)

« On ne peut plus définir la santé économique de l’officine au travers de son chiffre d’affaires », a déclaré Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) le 13 septembre 2023. Un constat que partagent tous les experts et observateurs du marché pharmaceutique. Car le contexte économique global a évolué.
Le chiffre d’affaires (CA) hors taxes en 2022 a augmenté : + 8,59 % hors activités liées au Covid-19, selon CGP, + 11 % selon Interfimo qui prend en revanche en compte l’activité « Covid-19 ». Cependant, l’évolution du CA a ralenti sur les premiers mois de l’année 2023. Ainsi, selon la FSPF, le CA total sur les six premiers mois de 2023 recule de 0,3 % par rapport au premier semestre de 2022, sachant que les activités « Covid-19 » ont chuté de 94,9 % sur la même période. « Dans un panel d’environ 150 officines que nous suivons régulièrement, nous notons une stagnation des CA à fin juin 2023. Ce n’est pas si mal après une croissance à deux chiffres en 2022. Nous nous attendions à un niveau d’activité beaucoup plus faible compte tenu de la quasi-disparition des missions “Covid-19” », observe de son côté Philippe Becker, consultant externe de Fiducial.
Explosion des charges
La situation ne serait pas donc si mauvaise. Pourtant, prendre en compte uniquement le CA masque plusieurs phénomènes. « Il y a dix ans, les chiffres permettaient de nous positionner. Désormais, cette rémunération ne veut plus rien dire si on ne met pas en parallèle les charges qui ont explosé, explique ainsi Julien Chauvin, président de la commission études et stratégie économiques de la FSPF. L’inflation pour l’officine s’élève entre + 10 et + 11 %. La hausse des salaires a en effet dépassé l’augmentation du Smic sans être compensée par celle des prix. » Et la croissance des prix de l’énergie qui pèse sur les officines ne doit pas être occultée.
Chute de la marge
Dans le même temps, la marge se dégrade en raison de la hausse des ventes de médicaments chers, notamment ceux dont le prix est supérieur à 1 930 € hors taxes qui « bénéficient » d’une marge nulle. Selon les données du Gers Data, le nombre de présentations de ces médicaments onéreux a été multiplié par 3 entre 2017 et 2022, et a connu une progression de + 15 % entre la période janvier-septembre 2022 et janvier-septembre 2023. Et sur cette période 2022-2023, le CA prix fabricant hors taxes a une évolution plus forte encore : + 17 %. De fait, si la part en volume des médicaments chers ne représente que 0,09 % des médicaments à prescription médicale obligatoire (PMO) remboursables, leur part dans le CA HT liés aux médicaments soumis à PMO remboursables atteint 24,2 %. « De janvier à août 2023, la marge est passée de 31,79 à 28,69 % avec les produits chers », constate Joël Lecœur, expert-comptable au cabinet LLA et président du groupement Conseil Gestion Pharmacie (CGP). L’excédent brut d’exploitation (EBE) connaît aussi une involution de 10 %, selon l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine.
Cette tendance devrait se poursuivre les derniers mois de 2023 ainsi qu’en 2024. Pour Philippe Becker, « l’effet ciseau » entre la baisse de la marge et de la rentabilité et l’augmentation de l’inflation et des salaires « sera certainement encore plus marqué en 2024 ».

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