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Au mieux stables, plus souvent en baisse
Prises en tenaille entre l’inflation et la baisse de la marge brute globale, les officines devraient voir leur excédent brut d’exploitation se dégrader en 2023. Ce qui pourrait affaiblir les revenus des pharmaciens.
Contributeurs
Philippe Becker (Fiducial)

Olivier Delétoille (AdequA)

Joël Lecoeur (CGP)


Les bilans n’étant pas encore connus, évaluer les revenus que les pharmaciens se sont versés en 2023 relève de l’hypothèse. Les experts-comptables portent d’ailleurs un regard différencié sur le sujet. « Dans un contexte plus tendu, la rémunération moyenne n’évoluera probablement pas en 2023, pronostique l’expert-comptable Philippe Becker, consultant externe de Fiducial. En revanche, il est raisonnable de penser que les dividendes versés aux associés seront en retrait. Nous avions incité nos clients à conserver leur trésorerie afin de se trouver en meilleure position si la situation financière de leur pharmacie se dégradait. On constate à l’heure actuelle que ce n’était pas un conseil inutile… Il ne faut jamais oublier qu’une officine est une petite entreprise avec des capitaux propres faibles par nature. Les consolider est toujours un choix responsable lorsque les perspectives d’activité sont incertaines. »
Retour en 2019
Associé leader national santé de KPMG, Emmanuel Leroy se montre, lui, moins optimiste. « En 2022, la rémunération de gérance chargée moyenne d’un pharmacien était de 92 000 €, rappelle-t-il. Avec l’effet de ciseau « inflation et baisse des marges » qui frappe en ce moment les officines, les pharmaciens qui ne se sont pas penchés sérieusement sur leurs structures de coût n’ont probablement plus été en capacité de se verser la même rémunération qu’en 2022. Certains ont même pu retrouver des niveaux de revenus antérieurs à la période Covid-19, peut-être même inférieurs à ceux de 2019. » Cette inquiétude est partagée par Joël Lecoeur, du cabinet LLA Experts-compables et président du groupe CGP. « En 2022, les titulaires s’étaient montrés prudents en faisant passer en un an leur rémunération de gérance non chargée de 58 000 à 62 000 €, explique-t-il. Ils avaient préféré conserver leur trésorerie ou investir dans leur outil de travail. Espérons qu’en 2023 ils ont été aussi raisonnables, car nombre de pharmacies devraient atterrir dans les bilans de fin d’année à un niveau d’excédent brut d’exploitation (EBE) d’avant la période Covid-19. Les grossistes-répartiteurs nous indiquent qu’ils commencent déjà à enregistrer des impayés, ce qui ne s’était pas produit depuis trois ans. On observe également que les procédures collectives repartent à la hausse sur les huit premiers mois de l’année. »
Difficultés en vue
Expert-comptable au cabinet AdequA, Olivier Delétoille partage le même diagnostic et perçoit déjà la tendance pour les revenus 2024. « En 2023, la performance commerciale de gestion devrait revenir cinq ans en arrière, ce qui pourrait entraîner une baisse des revenus des pharmaciens si l’on considère que la période inflationniste pourrait se prolonger l’année prochaine, prédit-il. De fait, les titulaires qui ont profité de la manne financière octroyée par le Covid-19 en 2021 et 2022 pour augmenter des dépenses de manière structurelle, conforter leur trésorerie ou augmenter leur train de vie pourraient rencontrer à nouveau des problèmes financiers. »
« Les pharmaciens fortement endettés, parce qu’ils ont surpayé leur officine, risquent eux aussi de se retrouver en difficulté, ajoute Joël Lecoeur. Et comme ils ne pourront pas restructurer leurs dettes à cause de la hausse des taux d’intérêt, ils devront faire, en 2024, des économies sur les frais de personnel qui ont explosé ces dernières années. On peut donc aussi penser que leur rémunération en pâtira. Mais elle ne pourra pas servir de seule variable d’ajustement, car si l’officine a besoin d’économiser 30 000 € pour se redonner de l’oxygène, le pharmacien ne pourra pas diviser sa rémunération par deux. »
Une situation déjà dégradée
Ces difficultés, Emmanuel Leroy les constate déjà dans certaines pharmacies… « 20 à 30 % de nos clients ne disposent pas actuellement de capacités d’autofinancement suffisantes pour maintenir leur rémunération, confie-t-il. Cette dernière devrait donc probablement être réduite de quelques centaines d’euros par mois l’année prochaine. Le souci, c’est que ces officines fragilisées ne sont pas celles où les titulaires sont les mieux rémunérés. » Pour les autres, la baisse de résultat ne devrait pas avoir, selon lui, d’impact sur la rémunération des titulaires. « A condition qu’ils aient su anticiper les difficultés observées cette année pour la marge, souligne l’associé de KPMG. En pariant, par exemple, sur la marque de distributeur de leur groupement, plus rémunératrice que les marques nationales, ou en essayant d’optimiser les frais généraux et de personnel qui ont augmenté de manière significative depuis deux ans. » « Une chose est sûre, les futures négociations entre les syndicats de pharmaciens et l’Assurance maladie revêtent cette année un enjeu particulièrement important : si les honoraires de dispensation et les tranches de marge dégressive lissée ne sont pas revalorisés, il faut s’attendre à une restructuration rapide du réseau officinal », conclut Olivier Delétoille.

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