La Poste Santé & Autonomie : quand le facteur devient acteur de la santé
Stratégie et Gestion Réservé aux abonnés

La Poste Santé & Autonomie : quand le facteur devient acteur de la santé

Publié le 11 janvier 2025
Par Oriane Raffin
Mettre en favori
Rencontre avec Dominique Pon, directeur général de La Poste Santé & Autonomie pour revenir sur le positionnement du groupe créé il y a un an : entre numérique et services à la personne. Une nouvelle mission qui repose sur l’ADN même du distributeur public historique du courrier.

Pourquoi La Poste a-t-elle fait le choix d’élargir ses activités ?

La Poste est un groupe qui distribue du courrier depuis six siècles. Et en une décennie, avec l’arrivée du numérique, le courrier a très fortement diminué. On peut parler d’un véritable tremblement de terre pour une entreprise de service public comme le groupe La Poste ! Désormais, le courrier ne représente plus que 16 % de l’activité du groupe qui a engagé, au début des années 2000, une première phase de diversification dans la banque, les assurances et la logistique. Plus récemment, nous sommes entrés dans la seconde phase, avec le numérique et les services humains de proximité.

Comment le groupe en est-il venu à se lancer dans le secteur de la santé, avec La Poste Santé & Autonomie ?

Le positionnement dans ce secteur est venu assez naturellement, avec d’une part notre capacité à produire des logiciels et des plateformes numériques, et d’autre part les services humains de proximité (santé à domicile, prévention, vieillissement). Dans le cadre de nos activités numériques, nous avons, par exemple, développé le dossier pharmaceutique pour l’Ordre des pharmaciens. Est arrivé ce moment de bascule où La Poste a considéré qu’en rassemblant ses actifs humains et digitaux, un nouveau pôle pouvait naître en étant porté par une stratégie globale axée sur la santé. C’est ainsi qu’a été créée La Poste Santé & Autonomie.

Quelles sont les missions de ce pôle ?

Nous nous appuyons sur nos deux jambes : une jambe digitale et une autre dédiée aux services humains de proximité. Nous nous positionnons à la fois sur des questions numériques, autour de la data, et sur des sujets de santé à domicile.

Pour développer notre pôle – qui compte 10 000 personnes –, nous avons racheté des sociétés [Axeo Services, Happytal, etc., NDLR] et créé des chaînes de valeurs, avec l’intuition que l’humain et le digital seront de plus en plus liés, notamment en ce qui concerne la prévention. Quand on s’adresse aux citoyens, il faut de toute façon des humains, notamment parce que tout le monde n’utilise pas le numérique. Mais sans numérique, on est incapable d’organiser les choses. On constate donc assez naturellement une convergence de ces deux thèmes.

Publicité

Quels atouts ou expertises La Poste peut-elle apporter ?

Nous sommes un acteur de la confiance citoyenne : il n’y a pas grand monde qu’on laisse entrer chez soi, comme on le fait avec le facteur. Et ça, c’est notre ADN et surtout, un énorme atout, qui fait que notre offre numérique souveraine inspire la même confiance, comme notre solution Docaposte. Par ailleurs, nous sommes un opérateur qui a la capacité d’aller dans tous les territoires. Peu d’acteurs ont aujourd’hui la possibilité de se positionner sur une thématique à l’échelle de toute la population française.

Concrètement, quelles sont vos actions sur le terrain ?

Le grand âge et le vieillissement de la population sont des sujets primordiaux, comme ce qu’on appelle le « repérage des fragilités des seniors ». Nous sommes un des acteurs majeurs de l’Icope [Integrated Care for Older People, NDLR] conçu par l’Organisation mondiale de la santé, un programme de repérage de perte d’autonomie des seniors, sur la base de l’évaluation de leur perte fonctionnelle : audition, vue, mémoire, équilibre, etc. On opère à la fois avec des plateformes numériques qu’on développe pour le compte des CHU, des IHU, etc., mais aussi des services humains de proximité pour aller faire du repérage.

On a également fait l’acquisition de sociétés qui sont des prestataires de santé à domicile, c’est-à-dire qu’ils amènent du matériel médical et expliquent son utilisation aux personnes souffrant de maladies chroniques (diabète, insuffisance cardiaque, insuffisance rénale, maladies respiratoires, etc.). Nous disposons de grands réseaux comme Asten Santé (acteur majeur de la santé à domicile) ou DiaDom (sur le postopératoire de cancers urologiques, notamment), avec des plateaux infirmiers qui télésurveillent le patient pour remonter des alarmes. Ce sont toujours des projets paramédicaux pour le compte de professionnels de santé, les médecins et pharmaciens en particulier. Nous sommes leur bras armé à domicile, à la fois humain et digital.

Ensuite, nous possédons tout un volet très technologique autour de plateformes numériques sécurisées. Nous avons développé un consortium avec Dassault Systèmes, Bouygues Telecom, la Caisse des Dépôts, et d’autres, pour créer le premier cloud européen complètement souverain, NumSpot, sur lequel on héberge des applications santé et qui offre une alternative aux Gafam [Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft, NDLR]. Nous venons également de lancer Dalvia Santé, une application d’intelligence artificielle générative, souveraine aussi, qui permet par exemple aux professionnels de santé de gagner du temps grâce à la synthèse médicale de dossiers.

En résumé, nous traitons de sujets très technologiques, avec à la fois une dimension humanisée, tournée vers le dernier kilomètre, et la volonté d’aller vers les populations fragiles, grâce à de l’outillage de pointe.

Que proposez-vous spécifiquement autour de la data ?

Les datas appartiennent aux professionnels de santé et leur gestion doit préserver la vie privée des patients, nous ne faisons que les collecter. Nous sommes un opérateur tiers de confiance. Et la confiance, c’est la première qualité qui définit le groupe La Poste, tant dans le domaine humain que digital. J’ai la conviction que nous répondons à un manque, celui d’un acteur industriel qui aurait la capacité d’œuvrer à l’échelle nationale, et à capital public, afin de le rendre pérenne et digne de confiance. Acteur aujourd’hui salué par une forte croissance de l’activité en une année d’existence, d’environ 10 %.

Bio express

  • Depuis 2023 : Directeur général de La Poste Santé & Autonomie
  • 2018-2022 : Responsable ministériel au numérique en santé
  • 2018 : Pilote du virage numérique de la stratégie de transformation du système de santé