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Elle bipe pas, elle sonne pas, mais elle clause

Publié le 13 novembre 2021
Par Anne-Charlotte Navarro
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L’installateur d’un système d’alarme peut prévoir une clause le déchargeant de sa responsabilité en cas de dysfonctionnement lors d’un cambriolage. Faut-il pour autant verser sa larme ?

LES FAITS

Le 29 novembre 2003, la société AT., distributrice de produits et accessoires électroniques, et la société D. concluent un contrat de télésurveillance de service de sécurité. Le 29 novembre 2007, le client, la société AT., ajoute un second contrat pour que la société D. réalise la maintenance des installations. Dans la nuit du 21 au 22 octobre 2010, la société AT. est cambriolée. L’alarme installée ne s’est pas déclenchée. L’assureur de l’installateur indemnise la société AT., puis se retourne contre son client car il estime que le vol résulte d’un dysfonctionnement du système que la société D. devait entretenir.

LE DÉBAT

La société D. souligne que les contrats signés entre elle et la société AT. contenaient une clause limitative de responsabilité. Ce type de clause permet de préciser, dès l’accord passé, qu’une inexécution des obligations contractuelles ou de certaines d’entre elles ne donnera lieu qu’à une indemnité plafonnée par le contrat. La clause limitative de responsabilité n’est possible que dans les contrats entre professionnels. Elle n’est valable qu’à deux conditions cumulatives : ne pas créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et ne pas permettre à l’une d’entre elles d’échapper à l’obligation essentielle du contrat. En l’espèce, la société D. évoque le contrat qui dispose que sa responsabilité n’était engagée qu’à condition que la société cliente prouve une faute, ce qui n’a pas été fait. En réponse, l’assureur rétorque que la société D. ne pouvait pas intégrer une clause limitative de responsabilité sur ce point, car assurer le bon fonctionnement et la maintenance de l’installation était son obligation essentielle. Il ajoute que, conformément à la jurisprudence, l’installateur d’alarme était débiteur d’une obligation de résultat, de sorte que, dès qu’un vol était commis, il en était responsable. La cour d’appel de Paris, le 27 juin 2019, ne retient pas les arguments de l’assureur qui forme un pourvoi en cassation.

LA DÉCISION

Le 7 juillet 2021, la cour de cassation rejette le pourvoi de l’assureur. Les magistrats considèrent que la preuve de l’existence d’une faute exigée par le contrat « ne fait que poser une condition à l’indemnisation qui pouvait être mise à la charge de la société d’installation et de maintenance d’alarmes, qui a pour conséquence de faire porter l’aléa d’un dysfonctionnement inexpliqué à l’utilisateur, de sorte que son obligation n’était pas de résultat mais de moyens », c’est-à-dire que le débiteur de l’obligation n’est responsable que s’il est prouvé l’existence d’une faute ayant causé l’exécution défectueuse. L’installateur d’alarme peut donc par le contrat ne pas être responsable automatiquement en cas de vol ou d’intrusion dans les lieux surveillés. Les juges ajoutent que « la clause n’a pas eu pour effet de priver la société créancière de l’obligation de toute contrepartie, ni de décharger par avance la société débitrice de sa responsabilité en cas de manquement à une obligation essentielle lui incombant ». Ils estiment donc qu’il ne s’agit pas d’une clause limitative de responsabilité. Prudence lors de la signature d’un contrat avec une société d’alarme ou lors de la renégociation de celui-ci, car il se pourrait qu’en cas de vol ou d’intrusion la société ne soit pas responsable et que la pharmacie cliente ne puisse pas être indemnisée.

Source : Cass. com. 7-7-2021 n° 19-22.807.

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À RETENIR

Dans un contrat entre professionnels, les parties peuvent organiser les modalités de leur responsabilité en cas d’inexécution ou de mauvaise exécution du contrat.

Cette clause ne peut pas porter sur l’obligation essentielle du contrat qui consiste, par exemple pour une société d’alarme, à garantir la sécurité des locaux.

Les parties peuvent intégrer une condition à l’indemnisation d’une obligation essentielle, qui peut, dans les faits, limiter voire vider l’obligation essentielle de sa substance.