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Achats en officine : un enjeu stratégique face à l’inflation
Avec l’inflation, l’augmentation des charges sociales et des frais généraux, la fonction « achats » a pris une nouvelle dimension dans les officines, ces dernières années. En optimisant son pilotage, le pharmacien peut espérer donner une bouffée d’oxygène à sa trésorerie. Voici comment…
« Les achats constituent le nerf de la guerre, l’une des fonctions qui conditionne en partie la bonne gestion d’une officine, rappelle Laurence Ledreney-Grosjean, la directrice de Paraphie, une société spécialisée dans le conseil en stratégie officinale. S’il est important de savoir bien vendre, il faut aussi être en capacité de bien acheter pour avoir des prix compétitifs. » Une démarche d’optimisation des achats commence toujours par un audit de rentabilité qui doit avoir pour objectif de renforcer le pouvoir de négociation auprès des laboratoires. « L’audit va permettre de connaître le loyer moyen par univers de la pharmacie, explique Lydie Tornare, fondatrice d’Oxygen’Pharma et consultante en stratégie achat et en agencement merchandising officinal. La rentabilité au mètre linéaire, c’est le paramètre de base à connaître pour définir sa stratégie d’achats ! »
Une fois l’audit réalisé, la personne en charge des achats au sein de l’équipe doit préparer et structurer ses rendez-vous laboratoires. « Il faut commencer par les stocks physiques, avant et arrière, et en profiter pour quantifier et valoriser les périmés, explique Laurence Ledreney-Grosjean. Ensuite, il faut regarder l’historique des ventes sur treize mois pour chaque laboratoire, et le stock réajusté afin d’identifier d’éventuels surplus ou ruptures. L’acheteur aura ainsi une visibilité complète du partenariat en termes de ventes, de stocks, de périmés et de surstocks, pour chaque laboratoire. L’ensemble sera synthétisé sur une fiche avec les sujets à aborder lors des prochaines rencontres. »
Le rendez-vous idéal
Le jour J, c’est l’acheteur qui mène le bal. « Il doit faire comprendre au délégué qu’il dirigera la négociation et que l’entretien durera une trentaine de minutes, conseille la directrice de Paraphie. Pour être efficace, celui-ci doit avoir lieu dans un espace confidentiel, non pas sur un bout de comptoir entre deux patients. » À l’heure où la plupart des laboratoires augmentent leurs tarifs, l’objectif de la négociation doit être clair. « Il faut essayer, si possible, d’accroître ou de maintenir son taux de marge en obtenant des remises supplémentaires, tout en veillant à ne pas augmenter les prix de vente aux clients, et sans pour autant alourdir les stocks, souligne Laurence Ledreney-Grosjean. Attention également à ne pas céder au miroir aux alouettes en acceptant, par exemple, une remise de 2 % supplémentaire pour référencer un produit dont l’officine n’a pas besoin. » La négociation doit inclure le stock immobilisé et dormant que le laboratoire doit s’engager à reprendre en échange de nouvelles commandes. « Il ne faut pas hésiter, non plus, à demander un geste supplémentaire sur les remises de fin d’année (RFA) lorsque l’officine a atteint l’objectif de ventes fixé, ajoute-t-elle. L’entretien doit se terminer par la négociation du sell out et de la visibilité de la marque sur le point de vente à travers les têtes de gondole, les animations, les bons de réduction immédiats, les challenges équipe… »
De nouvelles hausses de prix attendues en 2024
Le rituel des négociations est bien rodé. « Dans un condiv inflationniste, l’objectif est d’arriver à faire prendre en charge une partie de l’augmentation des prix par nos partenaires », admet David Abenhaim, président du groupe Pharmabest. De son côté, Pascal Fontaine, directeur commercial d’Hygie31 reconnaît « qu’avec l’inflation, les négociations sont plus difficiles, depuis deux ans. Et 2024 ne devrait pas déroger à la règle, les laboratoires nous ayant annoncé de nouvelles hausses de tarif comprises entre 3 et 5 %. Dans ce condiv, il convient de gommer au maximum les hausses tarifaires pour pouvoir continuer à mener notre politique de prix agressive, tout en maintenant la marge de nos adhérents. Pour y arriver, nous mettons dans la balance notre capacité à faire appliquer ces accords-cadres, puisque nous sommes à plus de 90 % de distribution numérique (indicateur utilisé afin de mesurer l’efficacité de la politique de référencement adoptée par l’entreprise) sur les flux génériques et à 95 % sur les flux de la répartition. La solution passe aussi par un savant équilibre entre les marges avant et arrière, et une croissance de l’exposition du laboratoire. »
Le groupement en renfort
Pour les pharmacies qui appartiennent à un groupement, le pilotage de la stratégie achats doit naturellement s’appuyer sur les accords-cadres négociés par la tête de réseau et/ou par la centrale d’achats, lorsqu’il y en a une. C’est le cas, par exemple, chez Alphega Pharmacie où la plateforme DirectLog, filiale du répartiteur Alliance Healthcare, permet aux 860 adhérents de commander 4 800 références auprès des 195 laboratoires partenaires sur les produits OTC, les dispositifs médicaux et la parapharmacie. Au quotidien, les titulaires jonglent entre DirectLog et Alliance Healthcare. « Pour les produits remboursables, la contention et les produits de notre marque Alvita, les pharmaciens ont pour habitude de commander via leur répartiteur afin d’être livrés au fil de l’eau. Pour l’OTC et certains dispositifs médicaux, comme les pansements, les commandes groupées via la centrale d’achats se révèlent plus intéressantes car l’officine doit constituer un stock tampon pour développer le sell out , souligne Sophie Rey, directrice d’Alphega Pharmacie. De plus, en passant par DirectLog, nos pharmaciens peuvent regrouper leurs achats sur deux ou trois commandes par mois, avec des minima faibles. Ce qui leur permet de piloter de manière optimale les niveaux de stocks, tout en préservant leur trésorerie. »
Les accords-cadres, chasse gardée des groupements
Certains groupements, comme Pharmacie Lafayette ou Pharmabest, ont fait le choix de ne pas investir dans une centrale d’achats pour se concentrer sur des négociations annuelles en direct avec les laboratoires. « Chez nous, c’est la commission achats, composée de six pharmaciens du réseau, qui négocie de janvier jusqu’à la mi-février les accordscadres que nous signons, chaque année, avec nos 200 laboratoires partenaires dans les univers de l’OTC, du complément alimentaire, de la dermocosmétique, de l’orthopédie et du matériel médical, confie David Abenhaim. Ces accords couvrent environ 95 % des ventes de nos adhérents dans les univers concernés, les 5 % restant étant le fait de partenariats locaux ou régionaux. »
De son côté, Pharmacie Lafayette a constitué une équipe dédiée aux achats. Elle est composée du directeur commercial et de deux category managers, le premier étant dédié à l’OTC, aux compléments alimentaires et aux produits de santé, le second à la dermocosmétique. « Cette équipe négocie, chaque année, 300 accords-cadres, ainsi que des opérations de trade marketing avec nos laboratoires partenaires durant la phase de négociation qui s’étend du 15 octobre jusqu’au 28 février, révèle Pascal Fontaine. Elle travaille en étroite relation avec la commission achats composée d’une quinzaine de titulaires qui a, elle, pour mission de remonter les informations du terrain et de participer à la définition de la stratégie. » Titulaire de la Pharmacie Lafayette de Montluçon, David Kihouba reconnaît qu’il pourrait difficilement se passer de l’expertise acquise par son groupement sur les achats : « Outre le gain de temps sur les négociations, je bénéficie de conditions que je ne pourrais jamais obtenir en discutant directement avec les laboratoires, estimet- il. Les accords sont aussi très bien calibrés par rapport aux volumes et au chiffre d’affaires (CA) que nous sommes capables de réaliser. » « S’appuyer sur un groupement se révèle effectivement très intéressant pour bénéficier des accords-cadres, confirme Laurence Ledreney-Grosjean. Mais pour optimiser sa politique achats, il faut aussi que l’acheteur au sein de l’officine joue un rôle complémentaire, qui se situe plus dans le microachat et dans le pilotage du réassort, choses qu’un groupement ne peut pas faire. »
La fonction d’acheteur, un levier de performances
Pour optimiser sa politique achats, il est donc essentiel d’adopter la bonne organisation en interne. « Tout dépend de la taille de l’officine et de la stratégie du titulaire, note Laurence Ledreney-Grosjean. Dans une petite pharmacie, une personne peut gérer les achats : le titulaire, un pharmacien ou un préparateur. Dans les officines de plus de 3 M € de chiffre d’affaires, il est souvent intéressant d’avoir un acheteur de métier à plein temps. » C’est le cas dans la pharmacie de David Kihouba. « Notre acheteuse, Karine, s’occupe de l’application des 300 accords socles, sur lesquels elle est amenée à négocier des avantages supplémentaires, le plus souvent sur de l’exposition rémunérée en tête de gondole, en vitrophanie ou sur nos supports digitaux, détaille le pharmacien. C’est aussi elle qui pilote les réapprovisionnements et le déploiement du plan de trade marketing . » Son rôle se révèle très précieux. « Grâce à elle, je peux me concentrer sur mon cœur de métier, qui n’est ni d’acheter ni de vendre, mais de conseiller, de prendre en charge des patients et de déployer les nouvelles missions, note le titulaire . En optimisant les réapprovisionnements, elle nous évite également de nombreuses ruptures de stocks, et nous permet de développer notre chiffre d’affaires, grâce à une meilleure expérience client-patient… »
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