Pénurie de personnel : le pharmacien polonais est-il né ?  - 10/02/2023 - Actu - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
10/02/2023 | Le Moniteur des pharmacies.fr ..

Pénurie de personnel : le pharmacien polonais est-il né ? 

L’intention du gouvernement de créer une nouvelle carte de séjour pluriannuelle « talent-professions médicales et de la pharmacie », pour attirer notamment des pharmaciens étrangers et répondre au besoin de recrutement, fait l’objet d’un débat houleux au sein des instances de la profession et sur le terrain. Après le plombier polonais, l’adjoint et le préparateur polonais ? 
Getty Images/iStockphoto

L’article 7 du projet de loi sur l’immigration déposé au conseil d’État le 19 décembre dernier, bientôt en débat au parlement, ambitionne de simplifier les dispositions du passeport talent pour les médecins, sages-femmes, chirurgiens-dentistes et pharmaciens, « dès lors qu’ils sont recrutés par un établissement de santé public ou privé à but non lucratif ». Objectif : faciliter et accélérer le recrutement de praticiens étrangers qui, aujourd’hui, ne peuvent pas être embauchés faute de titre de séjour. À ce stade, les officines ne sont pas les premières concernées par cette mesure, même si elles aussi sont confrontées à un manque criant de personnel sur les postes d’adjoints et de préparateurs. Qu'en disent les représentants de la profession ? Souhaitent-ils voir cette disposition étendue au réseau officinal ? La question fait visiblement débat. 

Des pour et des contre…

S’il ne lui appartient pas de prendre position sur le projet du gouvernement, le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens ne semble pas fermé à cette éventualité. Il rappelle d’ailleurs que « dans le cadre de sa mobilisation sur les enjeux d’attractivité et de démographie annoncée en décembre dernier, un groupe de travail visant à simplifier la reconnaissance et l’exercice de diplômés étrangers, tout en garantissant l’équivalence des compétences, a été mis en place. » À la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et à l’Union des syndicats de pharmacies d’officine (USPO), l’accueil est aussi plutôt favorable. « Il faut absolument que l’on trouve des solutions pour régler ce manque de bras, rappelle Pierre-Olivier Variot, le président de l’USPO. Or, je ne vois pas pourquoi les chirurgiens et/ou les dentistes roumains ont le droit d’exercer en France sans que cela ne pose problème, mais pas les pharmaciens ou les préparateurs en pharmacie. » Pour Alain Grollaud, le président de la chambre syndicale des groupements et enseignes de pharmacie, Federgy, « On marche vraiment sur la tête. Cela fait des années que nous tirons la sonnette d’alarme sur le fait que les réformes PASS (parcours accès santé spécifique​​​​​​, NdlR) et LAS (licence avec option Accès santé, NdlR) vont nous conduire droit dans le mur. Nous y sommes ! Aujourd’hui, on se demande s’il faut aller chercher des pharmaciens étrangers alors que nous ne sommes même plus capables de remplir les bancs de nos facultés de pharmacie en deuxième année. » Le président et fondateur de l’Association nationale des préparateurs en pharmacie d’officine (ANPPO), Patrick Béguin, a lui sondé sa base sur le projet du gouvernement. « Cette mesure suscite pas mal de craintes et de rejets, constate-t-il. Beaucoup considèrent qu’avant de faire venir des confrères de l’étranger, il faudrait déjà fournir des postes et des rémunérations convenables aux préparateurs en place. ll ne faudrait pas que les pharmaciens en profitent pour recruter des personnels étrangers payés avec un salaire de misère et qui seront corvéables à merci. » Pour Philippe Denry, ce risque n’existe pas. « Lorsqu’il embauche un pharmacien ou un préparateur, qu’il soit français ou étranger, un titulaire doit toujours respecter la convention collective et ses grilles de salaire minimum. Ceci étant dit, si nous parvenions, grâce à cette mesure, à atténuer les tensions sur le marché de l’emploi, cela permettrait peut-être de revenir à une situation plus normale sur les niveaux de coefficient négociés actuellement par les candidats », argumente le vice-président de la FSPF. 

Des procédures complexes 

Si le gouvernement entend réformer les procédures d’autorisation actuelles pilotées par le Centre national de gestion (CNG), c’est aussi parce que, sur le terrain, elles sont jugées trop complexes. « Il y a trois ans, un pharmacien syrien qui avait quitté son pays à cause de la guerre a poussé la porte de ma pharmacie pour me demander si j’acceptais de le recruter en contrat de professionnalisation pour devenir… préparateur en pharmacie, raconte Thomas Avril, titulaire de la pharmacie qui porte son nom aux Ponts-de-Cé (Maine-et-Loire). En effectuant les démarches auprès du CNG, il s’était heurté à un mur. La seule chose qu’on lui avait proposée, c’était de reprendre des études de pharmacie en deuxième année. Âgé d’une quarantaine d’années, il avait préféré se former pour devenir préparateur. Et après les deux ans de BP (brevet professionnel, NdlR) en alternance chez nous, il a été recruté dans une autre officine à Angers. » De son côté, la titulaire de la pharmacie Descartes à Cholet (Maine-et-Loire), Nethnary Quillet, aurait souhaité embaucher comme salarié polyvalent un pharmacien guinéen actuellement compagnon chez Emmaüs. « Cela fait deux ans que je n’ai plus d’adjoint. Je suis au comptoir six jours sur sept, et dois assurer toutes les gardes. Pour m’investir dans les nouvelles missions et pour mon bien-être personnel, j’adorerais pouvoir recruter ce pharmacien guinéen comme adjoint. Il colle parfaitement au profil que je recherche. Il parle très bien le français, est extrêmement motivé, et presque plus diplômé que moi puisqu’il a suivi une formation complémentaire à la faculté de pharmacie de Nantes qu’il n’a pas pu valider étant en situation irrégulière. Malheureusement, ce ne sera pas possible, même s’il arrive à obtenir sa carte de séjour, faute d'autorisation d'exercer. »

Pas à n’importe quelle condition

« C’est vrai que les procédures actuelles sont lourdes, et elles pourraient être simplifiées et accélérées, reconnaît Philippe Touzy, chef du département Autorisation d’exercice, concours et coaching du CNG. Mais, nous sommes sur des professions réglementées. Vous ne pouvez pas mettre n’importe qui face à un patient ! » « Cette mesure ne doit pas se traduire par une dégradation de la qualité du service rendu aux patients, complète Laurent Filoche, le président de l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO). Pour Philippe Denry, de la FSPF, la limite à ne pas franchir est claire. « Il serait inconcevable que les représentants de la profession ne soient plus consultés dans les procédures d’autorisation. Il faudra donc conserver le principe de commissions avec un fonctionnement collégial qui pourraient être pilotées par l’Ordre », estime-t-il. Or sur ce point, le projet de loi reste vague. Il stipule que la délivrance de ces cartes de séjour pluriannuelles devrait être conditionnée à une autorisation de l’Agence régionale de santé (ARS). « Comment ces commissions régionales au sein des ARS seront-elles composées ? Est-ce que les ordres, le CNG ou la direction générale de l’offre de soins (DGOS) ne seront plus consultés ? », s’interroge le docteur Slim Bramli, président de la Fédération des praticiens de santé (FPS), qui défend l’intégration par le mérite des praticiens à diplômes hors Union européenne (Padhue). « Je crains qu’avec ce dispositif, on reconstitue un nouveau stock de médecins et pharmaciens étrangers qui seront dans l’impossibilité d’exercer en cas d’échec au concours des EVC (épreuves de vérification des connaissances, NdlR) et/ou non retenus par la commission d’autorisation d’exercice (CAE). Or, il y en a déjà beaucoup actuellement sur le territoire français en attente de régularisation. Alors qu’en 2022, aucun EVC n’a été organisé. », ajoute-t-il. 

Voir à plus long terme

Pour tous ces professionnels, le recours à l’immigration ne sera qu’une solution temporaire, et elle ne permettra en aucun cas de régler les problèmes de fond. « La solution, tout le monde la connaît, note Alain Grollaud. Il faut augmenter le numerus clausus, jeter aux orties les filières PASS et LAS, et revenir à l’ancien dispositif Paces (première année commune aux études de santé, NdlR) afin de rendre les facultés de pharmacie à nouveau autonomes et visibles aux yeux des étudiants. » Il s'agira également de susciter l'envie et de réveiller les vocations, comme le suggère Pierre-Olivier Variot : « Il faudra aussi travailler sur l’attractivité de la filière officinale en allant expliquer aux collégiens et aux lycéens la réalité des métiers de l’officine qui a beaucoup changé ces dernières années… »



Yves Rivoal

Les dernières réactions

  • 10/02/2023 à 20:48
    Rixtou
    alerter
    Le pharmacien polonais n’est il pas mieux en pologne? Allons demander l’avis des polonais.
  • 10/02/2023 à 23:53
    Fab 33
    alerter
    Prévoyons de vendre dans 10 ans nos officines en Zloty.
    1 zloty = 0,21 euros ..
    On fait appel à la main-d'œuvre étrangère faire croire aux français que l'on est encore un pays riche.
    DZIĘKI ( merci ) .
  • 13/02/2023 à 09:01
    H Stéphanie
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    Le système français exclut pour 1 point au concours (à mon époque, mais même si la 1ère année a été modifiée depuis, l'idée reste la même) des études de pharma, des étudiants dont la Pharmacie est la vocation depuis l'enfance, mais fait venir des étrangers pour travailler à leur place ! Idem pour les médecins ou dentistes. Cette conception intellectuelle me dépasse. Je trouve le raisonnement honteux !
    Il y a des jeunes lycéens, pas stupides, qui voulaient faire pharma ou médecine et qui en ont été empêchés par un numerus clausus inapproprié et qui voient des gens dont le français n'est pas la langue maternelle et dont l'équivalence de compétence sera évaluée comment ..., prendre la place qu'ils auraient tant voulu avoir. Obtenir une équivalence de diplôme est-elle plus méritante qu'arriver premier non-pris au concours de 1ère année ????
    Non, décidément, je ne comprends pas.
  • 14/02/2023 à 11:59
    Dios Mine
    alerter
    @Stephanie
    + 1000
  • 20/03/2023 à 15:39
    Candida 92
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    En tant que lecteur assidu du Journal Officiel depuis une dizaine d'années je peux vous affirmer que dans les listes des pharmaciens étrangers autorisés à venir travailler en France , et c'est pareil pour toutes les spécialités médicales, le polonais est une exception ! 60 % d'algériens,20% de tunisiens, 15% d'africains et 5% du reste du monde !! La meilleure filière pour être pharmacien en France sans passer de concours c'est d'aller faire ses études en Algérie.
  • 20/05/2023 à 12:31
    J'ALRAI
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    En tant que père pharmacien d'une étudiante en médecine , les remontée du terrain que j'ai en direct m'apprennent que notre profession à du souci à se faire . la réforme avec tronc commun et les problèmes de l'officine provoque une désertification totale des volontaires en première année ........et les meilleurs au moment du choix s'ils voient vont volontier poursuivre en médecine . Bref un avenir radieux s'offre à nous....
  • 19/06/2023 à 20:01
    Casper
    alerter
    Bonjour tout le monde,

    Amusant cet article.
    Des reglementations differentes avec des medicaments et posologies adaptees differentes.

    Et sans parler de çà, 1 mois avec le cout de la vie et la difficulté de trouver des logements décents a 30% de son salaire.

    Pas beaucoup vont rester de toutes mes façons.

    C est beau de combler des besoins ailleurs avec 2,4 millions de demandes de logements sociaux actuelles donc mise a part si ils deviennent prioritaires sur les listes d attente ....
    Parfois, me dit que nos decissionnaires devraient investir a s acheter des neurones pour prendre les decisions prealables adequates avant de proposer des idioties.

    Mais peut etre que cela concerne uniquement les pharmaciens de pui qui ont deja la possibilité de logements de fonction ou de taux a 0%.

    Un peu comme lutte contre la desertification medicale .

    Vous pensez qu un medecin viendra avec sa famille trouver une ecole a 30km de son domicile , sans d etablissements publics a proximité que ce soit scolaire, medical, commerces pour se substanter, securité .

    Remettez deja les services publics dans ces regions et des transports adequates pour les deplacements des populations avant d esperer de quelconques installations.

    Arreter de deployer des moyens dans des villes avec tram pour l ego des elus.

    Bref, l inventeur de la greffe de neurone aura du boulot ....Paris une de la vie
  • 19/06/2023 à 20:15
    Casper
    alerter


    Expliquer la realité de l officine qui a beaucoup changé ces dernieres années.

    Expliquer leur pour 3800 pharmaciens d exercice se retrouvent sur un groupe Facebook de reconversion professionnelle.

    Expliquez aussi des missions exceptionnelles pendant le covid et laissé en premiere ligne pour palier les manques d engagement de l etat pour assurer les tests de dépistages, les rappels de vaccinations covid .

    Suggérer que nos metiers de santé se transforme en pharmacie polyclinique avec comme continuité encore exceptionnelle de manque de decission d etat de prendre les vrais mesures a terme avec les vaccinations des 11 ans sans connaitre les antecedaux medicaux des patients , des trod angines ( remercier nos gouvernants pour cette excellente idée car evidemment mettre un goupillon dans une gorge ne provoque pas de toux et vu que c est pour detecter les angines infectieuses, la chance de se faire tousser les bacteries en pleine tronche .

    Mais heureusement , nous sommes pleins de ressources et avons un temps illimité pour enfiler et desenfiler les protections.

    Donc hormis specialiser les fonctions et ce ne sera possible que dans les grandes officines, on accepte des mesures qui vont signifier a terme la fermeture des petites qui constitue l essentiel de notre maillage de 22 000 pharmacies loin derrier le maillage actuel des 200 000 medecins liberaux et 200 000 infirmieres liberales....

    Bref, encore de la greffe de neurones a effectuer ....
  • 19/06/2023 à 20:26
    Casper
    alerter
    Ce qui est rassurant plutot c est que nos etudiants n ont pas envie d etre pris encore pour des c....

    Rappelez vous les généreuses primes versées aux medecins pour qu ils partent en retraite plus tot.

    Et tant qu il y a des coui...ons pour faire le travail et compenser les manques , aucunes decisions contraires et projet de restructuration ne sera mis a jour .
    Et zou allongeaons les durees de stage obligatoires et d internat pour pallier les manques de main doeuvre hospitalieres.

    30% des eleves infirmieres ont quitté leur cursus et la aussi ca va bientot poser des problème.

    Mais non, c est vrai que nous n avons pas une pyramide des ages vieillissantes .

    Des depart en retraite retardé de 4 ans pour certains qui ne pourront pas s occuper de leurs aieux mais cela dopera le marche des mobbiste de l assistance de vie a domicile et de l hospitalisation a domicile et augmentera d autant les depenses de sante que l on répercutera dans d autres domaines.

    Greffe toujours

  • 19/06/2023 à 20:43
    Casper
    alerter
    Et arreté de la Has sur les vaccinations:

    Des pharmaciens formés au prealable ( apparemment ils ne sont pas au courant que le temps pour faire notre travail a ralenti considerablement notre temps imparti pour les executer)

    Execution donc de vaccination :
    A la chaine sans controle ( 2mn l injection, 2 mn la facturation, 2 mn l enregistrement administratif ) donc accidents et plaintes a gogo dans le second temps.

    Professionnel ( renseignements etat patient et consultation sur segur 5 a 10 mn puis 6 mn)

    Donc 15 mn a minima pour une vaccination a presque 10€ l acte plus le prix du vaccin et sa tarification d honoraire a 0,50€ .

    Waouh , ca va payer le salaire d une ou deux femmes de menages dans l entreprise.

    Et les preparatrices qui vont donc récupérer la totalité des délivrances medicamenteuses du conseil du baack et front office.

    La aussi les pauvres, burn out assurée. Et accidents nombreux, perte de prestige et de serieux, de controle des assistants qui va transformer certaines pharmacie en centre de vaccination et trod tandis que les patients impatients iront chez le voisin avec leurs ordonnances.

    Ca c est de la revolution officinale !.

  • 30/07/2023 à 16:10
    MarieCurie
    alerter
    Quel mépris !

    Tiens pour m’amuser je vais faire pareil : Je suis une physicienne polonaise de renom d’une époque où la France avait encore une renommée.

    Les polonais ne viennent plus en France depuis bien longtemps.

    Les pays nordiques sont préférés et encore la tendance est à une réduction de l’émigration polonaise. La Pologne devient de plus en plus une terre d’immigration. Bientôt nous verrons débarquer les boulangers ou les financiers français à Varsovie. C’est déjà le cas et ils sont les bienvenus.

    La France n’est plus ce qu’elle était…. Même si ça reste encore correct. Le monde évolue…
  • 21/11/2023 à 21:29
    marinette
    alerter
    je trouve votre article déplacé, tous les polonais ne sont pas plombiers…je ne pensais pas un jour lire de tesl propos dans votre revue, de grâce restez professionnels, et bien que la parole soit libérée de nos jours, je ne souhaite pas lire une revue professionnelle comme d autres regardent cnews…

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