Cannabis à usage médical : l’expérimentation, c’est maintenant - 26/03/2021 - Actu - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
26/03/2021 | Le Moniteur des pharmacies.fr ..

Cannabis à usage médical : l’expérimentation, c’est maintenant

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Le coup d’envoi de l’expérimentation du cannabis à usage médical est donné ce 26 mars. L’officine peut immédiatement jouer son rôle dans cet essai qui fait sauter de nombreux verrous. Et qui pourrait, en cas de résultats satisfaisants, donner lieu à une généralisation du cannabis médical et l’étendre à d’autres indications.

Pourquoi cette expérimentation ?

Les données scientifiques convergentes démontrant un intérêt du cannabis dans certaines indications, une demande grandissante des patients et des professionnels de santé et les retours prometteurs de nombreux pays où l’usage médical du cannabis est autorisé ont conduit l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) à entamer, en septembre 2018, les réflexions. Le feu vert a été donné par la Loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2020. Le but : évaluer si le circuit de mise à disposition est réalisable et recueillir les premières données d’efficacité et de sécurité du cannabis à usage médical chez les patients suivis en France. L’expérimentation doit durer 24 mois à compter de l’inclusion du premier patient.

Pour qui ?

L’expérimentation inclut 3 000 patients en file active, sans critère d’âge restrictif, traités et suivis dans 5 indications : douleurs neuropathiques réfractaires aux thérapies accessibles (750 patients) ; certaines formes d’épilepsie sévères et pharmacorésistantes (500) ; certains symptômes rebelles en oncologie liés au cancer ou à ses traitements (500) ; situations palliatives (500) ; spasticité douloureuse de la sclérose en plaques ou des autres pathologies du système nerveux central (750).

Les patients peuvent bénéficier du traitement jusqu’à la fin de l’expérimentation s’il est efficace et bien toléré. Ils peuvent aussi se retirer de l’expérimentation à tout moment, en évitant l’arrêt brutal du traitement et en informant le médecin.

Avec quels produits ?

La voie fumée, trop nocive, avait été proscrite d’emblée. Deux formes médicamenteuses ont donc été retenues : les huiles administrées par voie orale en flacon, pour le traitement de fond, et les sommités fleuries à vaporiser pour inhalation, pour l’action immédiate (disponibles vers juin prochain). Tous ces médicaments, prêts à l’emploi, seront disponibles selon différents ratios THC (tétrahydrocannabinol)/CBD - cannabidiol) : THC dominant (THC 20/CBD 1), CBD dominant (THC 1/CBD 20) ou ratio équilibré en THC et CBD (THC 1/CBD 1). En phase de titration, le premier mois, la dose minimale est prescrite puis sera augmentée progressivement pour atteindre la posologie efficace avec le moins d’effets indésirables.

Les médicaments à base de cannabis sont des stupéfiants et relèvent de la réglementation qui s’y rapporte. « On ne demande pas de déconditionner les flacons d’huile de cannabis, c’est impossible. Il faudra utiliser le conditionnement le mieux adapté à la prescription, souligne Nathalie Richard, directrice du Projet cannabis médical au sein de la Direction de la surveillance à l'ANSM. Il faudra aussi s’attendre à des chevauchements, notamment dans la période de titration. »

Avec la participation de tous les pharmaciens ?

Seuls les pharmaciens d’officine volontaires qui auront été désignés par le patient peuvent participer à l’expérimentation (commander, dispenser et renseigner le registre de suivi), et ce dès la primoprescription, à condition d’avoir suivi et validé la formation (e-learning de 2h30, gratuit) élaborée par l’ANSM. Plusieurs pharmaciens au sein de la même officine pourraient être formés pour assurer la continuité des traitements, en période de vacances notamment. Le patient peut également s’approvisionner auprès de la pharmacie à usage intérieur (PUI) autorisée à rétrocéder.

Pour l’ANSM, intégrer l’officine dès le début de l’expérimentation permet de faciliter l’accès aux médicaments à base de cannabis sur tout le territoire, et d’évaluer le circuit d’approvisionnement en ville. Les inclusions peuvent se faire à tout moment de l’expérimentation.  

Quel suivi ?

Tous les patients inclus dans l’expérimentation sont obligatoirement inscrits dans le registre national électronique de suivi (ReCann), qui sera ouvert le lundi 29 mars. Il sera accessible via le numéro RPPS des professionnels de santé autorisés. Lesquels devront également renseigner ce registre qui ne se substitue pas au dossier médical des patients.

Ce registre renferme certaines données personnelles du patient, des données sur les posologies dispensées, l’efficacité, les effets indésirables, le retentissement sur la qualité de vie… et les données pratiques sur le circuit et son accessibilité (délai d’obtention d’un rendez-vous, délai de dispensation après présentation de l’ordonnance, etc.). Ces données permettent à l’ANSM de suivre en temps réel l’expérimentation.

Comment s’approvisionner ?

Les fournisseurs de médicaments à base de cannabis agréés sont peu nombreux. Ce sont des producteurs étrangers qui travaillent en partenariat avec un établissement pharmaceutique autorisé en France, exploitant de médicament. Les médicaments suivent un circuit d’approvisionnement spécifique. En pratique, le pharmacien remplit le bon de commande ad hoc et sera livré par dépositaire ou l’exploitant dans les 48 heures.

Comment délivrer les médicaments ?

« Le pharmacien d’officine a un rôle fondamental dans l’expérimentation : rôle de conseil pour le patient, il renseigne les effets indésirables éventuels dans le registre et il a un rôle de sécurisation essentiel puisqu’il vérifie à chaque dispensation que le médecin est habilité à prescrire du cannabis, et donc qu’il est inscrit dans le registre de suivi du patient », alerte Nathalie Richard. Car seuls les médecins inscrits dans ReCann - c’est-à-dire des médecins volontaires ayant validé leur formation - peuvent prescrire le cannabis à usage médical. L’initiation du traitement est strictement réservée aux médecins exerçant dans des structures de référence volontaires, essentiellement situées dans des établissements hospitaliers. Le renouvellement est possible par tout médecin ayant validé la formation et inscrit au registre.

Lors de la délivrance, le pharmacien renseigne dans le registre les quantités délivrées et les potentiels effets indésirables relevés par le patient (les centres régionaux de pharmacovigilance ne sont pas à contacter).

En pratique, pour le patient ?

Le patient est orienté vers l’une des 215 structures de référence volontaires sélectionnées par l’ANSM (voir la liste par pathologie ici) pour une première consultation (consultation d’inclusion), soit sur proposition du médecin d’une structure de référence, soit sur proposition du médecin généraliste (lettre de liaison médicale), soit à la demande du patient lui-même.

Cette consultation d’inclusion consiste à informer le patient, lui demander son consentement pour participer à l’expérimentation et l’inscrire dans le registre (le patient qui n’est pas inscrit dans ReCann ne peut se voir délivrer du cannabis à usage médical), et lui remettre sa première prescription et son attestation d’inclusion dans l’expérimentation (pour justifier de la détention de cannabis, notamment).

Les renouvellements s’effectuent a minima tous les mois, en ville ou en structure de référence pour les consultations dites simples, ou uniquement en structure de référence pour les consultations dites complexes (lors des 1er, 3e, 6e, 12e et 18e mois suivant l’inclusion). Le but des consultations complexes est de recueillir des données sur l’efficacité et le rapport bénéfice/risque du traitement, ainsi que les données en vie réelle sur le circuit du médicament. Les renouvellements d’ordonnance peuvent être délivrés en PUI ou en en officine de ville obligatoirement formée et désignée par le patient. L'expérimentation ne coûte rien au patient.

Et après ?

Un rapport sera remis au Parlement 6 mois avant la fin de l'expérimentation. Pour ensuite, espère-t-on à l'ANSM, la généraliser et même l’étendre à d’autres indications.



Anne-Hélène Collin

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