Monsieur D., 50 ans, est schizophrène - Porphyre n° 538 du 29/11/2017 - Revues
 
Porphyre n° 538 du 29/11/2017
 

Savoir

L’ordo

Auteur(s) : Florence Leandro

Comme tous les mois depuis quinze ans, Monsieur D. vient chercher son traitement, composé d’un neuroleptique et d’un anxiolytique. Lors de la dernière consultation, son médecin y a ajouté un antidépresseur.

Ce que je dois savoir

Législation

• La clozapine est un neuroleptique à la prescription et à la délivrance encadrées, avec prescription initiale hospitalière annuelle par un psychiatre, un neurologue ou un gériatre, et renouvellement par ces mêmes spécialistes. L’ordonnance initiale hospitalière de Monsieur D. a été scannée pour qu’il n’ait pas à la ramener à chaque fois. Une numération formule sanguine est réalisée une fois par semaine lors des dix-huit premières semaines, puis au moins une fois par mois, pour vérifier que les globules blancs et les polynucléaires neutrophiles sont dans les valeurs normales, respectivement supérieures à 3 000/mm3 et à 1 500/mm3. Les résultats des dernières analyses sont mentionnés sur l’ordonnance et/ou sur le carnet de suivi.

• La mention « non substituable » s’explique par les difficultés cognitives engendrées par la maladie, afin de favoriser l’observance et l’alliance thérapeutique entre le patient et le prescripteur.

Condiv

C’est quoi ?

• La schizophrénie est une maladie psychotique chronique (lire Porphyre n° 531, avril 2017) caractérisée par la dissociation entendue comme une discordance entre les affects, les pensées et les comportements. Les symptômes associés sont productifs/positifs (hallucinations, délire, qui est une interprétation erronée de la réalité extérieure basée sur des idées fausses…) et/ou déficitaires/ négatifs : repli sur soi, désintérêt, ambivalence, perte de l’élan vital… S’y ajoutent parfois anxiété et dépression.

• Monsieur D. a connu plusieurs rechutes de phases aiguës, plusieurs traitements et hospitalisations. Très entouré, il vit près de sa famille et réalise de menus travaux dans l’entreprise familiale. Il participe à de nombreuses activités au sein du centre médico-psychologique (CMP). La survenue de signes dépressifs, baisse de l’humeur et de l’activité, a amené son médecin à prescrire un antidépresseur (Deroxat).

Comment traiter ?

La prise en charge est adaptée à l’évolution des symptômes et au condiv social et familial du patient. Elle associe le plus souvent un médicament neuroleptique et un accompagnement psychologique, avec psychoéducation, thérapies cognitivo-comportementales (TCC)…

Objectifs

Le neuroleptique vise à réduire ou éliminer les symptômes de la schizophrénie. Une benzodiazépine anxiolytique est prescrite lorsque le neuroleptique n’atténue pas assez l’angoisse, mais elle en potentialise les effets sédatifs. Un antidépresseur améliore une humeur basse, mais expose à un risque d’aggravation des symptômes positifs et de passage à l’acte suicidaire, surtout en début de traitement.

Médicaments

Leponex (clozapine)

Neuroleptique de deuxième génération, ou antipsychotique, la clozapine a de puissants effets anti-alpha-adrénergique, anticholinergique, antihistaminique et inhibiteur de la réaction d’éveil (accélération de l’activité cérébrale), ainsi que des propriétés antisérotoninergiques. Polyvalente, avec une action prédominante sur les délires et hallucinations, elle est indiquée en cas de résistance à au moins deux antipsychotiques différents et d’effets indésirables neurologiques sévères avec d’autres neuroleptiques.

Témesta (lorazépam)

Benzodiazépine qui favorise l’action inhibitrice du neurotransmetteur GABA (acide gammaaminobutyrique) aux propriétés anxiolytique, myorelaxante, sédative, hypnotique, anti-convulsivante, mais aussi amnésiante.

Deroxat (paroxétine)

Antidépresseur inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (ISRS), la paroxétine augmente le taux de sérotonine disponible au niveau des synapses et permet de lutter contre une humeur triste, une perte d’intérêt pour les activités et une baisse de l’énergie.

Repérer les difficultés

Éventuelle modification de l’humeur

L’antidépresseur est susceptible de réactiver le délire. Il faudra s’assurer que le patient a un rendez-vous dans les huit jours avec le médecin pour contrôler l’humeur. De plus, même si c’est moins le cas avec la paroxétine, un ISRS peut augmenter les concentrations de la clozapine, et donc les effets indésirables, ce qui justifierait une baisse de la posologie du neuroleptique.

Nombreux effets indésirables

Outre l’hyperthermie, le syndrome malin des neuroleptiques et l’allongement du QT, la clozapine peut entraîner une agranulocytose (voir encadré), une prise de poids pouvant altérer l’image de soi et des effets anticholinergiques : sécheresse buccale, dysurie, constipation, tachycardie, confusion.

Ce que je dis au patient

J’ouvre le dialogue

• Un patient psychotique peut parfois sembler absent, « déconnecté », mais il est accessible au dialogue (voir enquête Porphyre n° 468, décembre 2010-janvier 2011). « Bonjour Monsieur D., comment allez-vous aujourd’hui ? Est-ce que votre traitement vous convient ? » Vérifiez la bonne compréhension du nouveau : « Je vois que le médecin a ajouté un nouveau médicament. Que vous a-t-il dit ? Quand vous a-t-il dit de le prendre ? » S’assurer d’un rendez-vous médical rapproché : « Quand revoyez-vous le médecin ? La semaine prochaine ? » Si la consultation est plus lointaine, dites : « Comme vous avez un nouveau médicament, je vous propose de revenir dans une semaine me dire comment ça se passe. Est-ce que cela vous convient ? » Il s’agira de s’assurer que l’humeur n’est pas trop « haute » : agitation verbale ou psychomotrice… En présence d’idées délirantes, orientez rapidement le patient vers le CMP, et avertissez vous-même le CMP.

J’explique le traitement

Mécanismes d’action

« L’association de ces médicaments devrait vous permettre de vous sentir mieux et de pouvoir vaquer à vos occupations. Le Deroxat devrait vous aider à dégager d’éventuelles idées noires. »

Horaires d’administration

• Paroxétine : de préférence au petit déjeuner.

• Lorazépam : aux trois repas, pour ne pas oublier.

• Clozapine : hors ou pendant les repas, avec la plus grande dose en fin de journée.

Effets indésirables

• Clozapine : sédation, somnolence, étourdissements, confusion, troubles extra-pyramidaux, hypotension orthostatique, constipation, sécheresse buccale, risque de convulsions, vision floue, troubles digestifs, réactions cutanées, photosensibilité, perturbations biologiques…

• Lorazépam : sédation, risque de dépendance, amnésie antérograde, faiblesse musculaire…

• Paroxétine : possibles troubles digestifs, baisse de la libido, prise ou perte de poids…

J’accompagne

Surveillance

• Rappeler l’intérêt de faire un point avec le médecin, les infirmiers du CMP ou à la pharmacie dans les huit jours.

• Contacter immédiatement le médecin traitant en cas de début d’infection – fièvre, symptômes grippaux, mal de gorge – pour faire une prise de sang et s’assurer de l’absence de neutropénie.

Hygiène de vie

• Pour limiter les troubles métaboliques et la constipation, manger équilibré et pratiquer une activité régulière. L’encourager à marcher

• En cas d’arrêt brutal du tabac, les concentrations plasmatiques de clozapine peuvent augmenter. Monsieur D. ne fume pas mais boit un peu d’alcool de temps en temps. Rappeler que la conduite automobile doit être évitée lors de l’association alcool/médicaments.

• La caféine augmente les concentrations plasmatiques de la clozapine, qui baissent d’environ 50 % au bout de cinq jours d’abstinence de caféine. Demandez à Monsieur D. combien de café il boit et de faire comme d’habitude.

Vente associée

Suggérer une protection solaire pour limiter la photosensibilité, un palliatif en cas de sécheresse buccale (salive artificielle…) ou un laxatif doux si constipation.

Prescription

Dr C., psychiatre.

Michel D., 50 ans, 1,70 m, 85 kg.

• Leponex 100 mg 1 cp le matin, 1 le midi, 2 le soir et 2 au coucher. Non substituable.

• Témesta 1 mg 1 cp le matin, 1 le midi, 1 le soir et 1 au coucher. Non substituable.

• Deroxat 20 mg 1 cp par jour. Non substituable. QSP 1 mois.

Le patient me demande

Suis-je vraiment obligé de faire des prises de sang sans arrêt ? Depuis le temps que je prends le même traitement… »

La clozapine entraîne un risque rare mais grave d’agranulocytose, qui est une très grosse baisse du nombre de globules blancs, indispensables pour lutter contre les infections. Le risque est maximal en début de traitement mais ne disparaît pas complètement par la suite. Il est donc nécessaire de réaliser des prises de sang tous les mois, y compris dans les quatre semaines suivant son arrêt, et de consulter en cas de signes d’infection : fièvre, angine…

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