Les chaussures thérapeutiques de série à décharge - Porphyre n° 537 du 25/10/2017 - Revues
 
Porphyre n° 537 du 25/10/2017
 

Savoir

Le matériel

Auteur(s) : Caroline Bouhala

Si la plus populaire est la chaussure de Barouk, les chaussures de décharge de l’avant et de l’arrière-pied temporaires se distinguent par leur forme, leur matériau et leur usage et ne sont en rien interchangeables.

Famille des CHTS

• Les chaussures thérapeutiques de série (CHTS) sont destinées à des patients dont les anomalies au niveau du pied demandent un maintien, un chaussant particulier ou une correction que ne peut assurer une chaussure ordinaire, sans pour autant justifier l’attribution d’une chaussure thérapeutique sur mesure. Elles répondent à une finalité thérapeutique et se délivrent à l’unité ou par paire. Les CHTS regroupent les chaussures à usage permanent (CHUP) et celles à usage temporaire (CHUT).

• Dispositifs de classe I, les CHUT comprennent les chaussures à décharge de l’avant-pied, celles à décharge du talon et celles pour augmentation du volume de l’avant-pied. Ne seront abordées ici que les CHUT à décharge ou de décharge.

Mécanisme d’action

Les CHUT à décharge visent à diminuer ou supprimer le poids du corps au niveau des zones lésées en le répartissant sur d’autres zones saines du pied. Elles atténuent aussi les forces de cisaillement et de frottement en assurant un bon maintien du pied et en minimisant la mobilisation des articulations.

Selon les modèles, ces orthèses apportent une décharge partielle ou totale, soit au niveau de l’avant-pied, soit à l’arrière (talon). À savoir : si une décharge plus importante est nécessaire ou si la plaie est trop grande, seront préférées des chaussures sur mesure, voire une immobilisation, un fauteuil roulant…

Indication

Les CHUT à décharge sont destinées aux patients présentant une pathologie ou une lésion postchirurgicale (hallux valgus ou « oignon »…), traumatique (fracture…) ou médicale (plaies du pied diabétique…) lorsqu’est recherchée une décharge de cette zone du pied pour assurer la cicatrisation. Ces chaussures permettent la marche, ou sa reprise précoce, avec plus de confort que l’usage de deux cannes.

Caractéristiques

• Généralités. Les CHUT à décharge s’ouvrent complètement pour faciliter l’introduction du pied, sans aide extérieure. Elles se composent d’une semelle et d’une tige, la partie au-dessus de la semelle.

• La tige est en cuir (WCS de Darco 1) et/ou en tissu ou matériau de synthèse non allergique, hygiénique, confortable, non traumatisant et biocompatible. Les marques proposent une tige en synthétique souple pour s’adapter aux saillies osseuses, et des modèles sans coutures pour éviter les zones de pression et d’irritation.

• La semelle extérieure est totale si présente sur toute la longueur du pied 2, ou partielle comme dans la classique chaussure Barouk de Mayzaud 3. Elle est en caoutchouc ou synthétique, certaines sont antidérapantes.

• La fermeture se fait le plus souvent par Velcro, pratique et adaptable en cas de gros pansement, d’inflammation, de présence de broches, etc.

• Des adaptations peuvent être apportées par le médecin ou l’orthopédiste, avec découpe de la semelle ou de la tige en regard de la plaie…

Modèles

À décharge de l’avant du pied

Il en existe globalement deux grands types.

• Avec un bloc talonnier. Également appelés chaussures à appui postérieur, ces modèles permettent, grâce au bloc sous le talon, d’incliner le pied en talus ou flexion dorsale (repli du pied vers le genou, donc les orteils pointent vers le haut) pour que l’avant se retrouve dans le vide. La pression du poids du corps est répartie en arrière des métatarsiens. L’angle du bloc avec la semelle varie de 8 à 15°. Plus la surface du bloc est large, meilleure est la stabilité. Certaines ont un bloc talonnier compressible, permettant un déroulement suffisant du pas (2).

→ La semelle est courte (Barouk à semelle tronquée de Mayzaud 3, Podo-med T500301 de Thuasne 4), avec une grande partie de l’avantpied dans le vide, ou prolongée (Barouk à semelle prolongée de Romans Industrie 2) pour éviter la « cassure » métatarso-phalangienne, c’est-à-dire que le pied se retrouve dans le vide avec un risque d’hyperpression et de douleur. Certaines ont une semelle à bout carré et non rond afin de jouer une sorte de rôle de pare-chocs : OrthoWedge, Relief Dual (Darco) 5.

→ Inconvénients : leur hdiv crée un déséquilibre avec l’autre pied difficile à supporter sur plusieurs semaines ; l’instabilité en raison d’une faible zone en contact avec le sol ; cassure métatarsienne et risque d’hyperpression pour les modèles à semelle courte.

→ Elles nécessitent un bon apprentissage : le patient doit réussir à marcher sur le talon sans dérouler le pas.

→ Exemples : Podo-med T500301, T500401, T500451 (6) et T500471 (Thuasne), chaussure de Barouk à semelle tronquée ou prolongée (Mayzaud), WPS (Podartis), chaussure de décharge de l’avant-pied Orliman, Podapro (Donjoy)…

• À semelle rigide ou semi-rigide

→ Ces chaussures minimisent la mobilisation de l’articulation métatarso-phalangienne (voir dessin), là où le pied se plie, mais empêchent surtout la phase digitigrade de la marche, où tout le poids est porté sur l’avant du pied.

→ La majorité a une semelle de forme convexe, également appelée « à bascule » ou « tampon buvard », nécessaire lorsque la semelle est très rigide. Cette forme permet une meilleure redistribution du poids sur l’ensemble de la surface plantaire, et facilite le déroulé du pas tout en minimisant les contraintes sur l’avant-pied. À savoir : plus la semelle est rigide, plus la décharge est importante. Certaines marques proposent des embouts protège-orteils, à ajouter au besoin : Darco MedSurg, Relief Dual, Post-op d’Orliman…

→ Avantages : plus stables que celles avec un bloc talonnier ; hdiv modérée, donc pas de problème de déséquilibre du bassin et de la colonne vertébrale lors de la marche.

→ Exemples : Tera Diab (Podartis), Ifos (Romans Industrie) 7, Terapes (Podartis), Percusoft (Romans Industrie), Chaussures Post-op et Chaussures pour pied diabétique (Orliman) 8, chaussure de marche basse (Ezy Wrap), Chaussure Post-op Protect (Procare), MedSurg Pro (Darco), WCS (Darco), Relief Dual (Darco), Podalux à rigidité réglable et Podalight (Donjoy), Monarque (CCA 40) 9, etc.

• Semelles internes. Certaines chaussures possèdent en plus une ou plusieurs semelles internes (en contact avec le pied) pouvant potentialiser l’effet de la chaussure.

→ Elles sont surtout associées aux chaussures de décharge à bascule mais OrthoWedge avec bloc talonnier en bénéficie aussi. Ces semelles sont incluses avec la chaussure ou en option, en remplacement de la semelle fournie, mais non prises en charge par la Sécurité sociale.

→ Exemples : PegAssist Insole (Darco), Impax Grid (Donjoy) et Modus (Podartis) 10 sont des semelles composées de nombreux petits plots qui peuvent être retirés au niveau d’une zone spécifique afin de la « décharger ». La semelle Puzzle Insole (Darco) mélange deux semelles de différentes « duretés » et prédécoupées en puzzle. La semelle Relief Contour Insole (Darco) respecte la forme du pied afin d’y répartir plus uniformément le poids du corps et ainsi éviter les pics de pression, et permet une extension dorsale grâce à un talus de 2,4° (chaussure plus haute à l’avant du pied qu’à l’arrière) qui transfère les pressions de l’avant à l’arrière. La semelle Tera Diab (Podartis) assure un talus du pied plus important (8°).

→ La compatibilité chaussures/semelles doit être vérifiée !

Chaussures de décharge du talon

Moins nombreuses, elles sont des sortes de chaussures de type Barouk inversées. Exemples : Podo-med T500501 et T500511 avec coiffe de talon amovible (Thuasne), Teraheel (Podartis) 11, Sanital, HeelWedge (Darco)…

Critères de choix

• Selon la localisation de la plaie : avant ou arrière de la plante, sur les orteils (CHV de Sober…), talon (Sanital, Teraheel)…

• Selon la pathologie. La décharge recherchée est plus importante pour une lésion aiguë du pied diabétique qu’en cas de mise au repos d’une articulation douloureuse.

• Selon la pointure. Les modèles pour enfant sont peu nombreux : Podo-med de Thuasne débute au 32…

• Selon la stabilité. Penser au risque de chute. Un patient déjà instable aura probablement du mal à marcher avec une chaussure de Barouk à semelle tronquée. Le bon maintien de la cheville est un critère important.

• Selon le prix. Plus la chaussure sera perfectionnée et sans doute confortable, plus le dépassement à payer sera grand, jusqu’à 100 €.

• Divers : le confort (matériau doux…), semelle antidérapante, etc.

Conseils à l’officine

• Expliquer comment marcher. Avec une chaussure à décharge de l’avant-pied, ne pas dérouler le pied, donc ne pas plier le genou. Si besoin, proposer des cannes anglaises. À savoir : certains médecins prescrivent en plus des attelles de Zimmer pour empêcher le déroulé du pas !

• Proposer une chaussure correctrice pour le deuxième pied pour compenser la différence de hdiv et minorer le déséquilibre : TwinShoe (Darco), Chaussure POP (Romans Industrie)…

• Insister sur l’observance. La décharge est impérative, y compris pour aller aux toilettes la nuit, en cas de lésion plantaire chez les patients diabétiques neuropathiques, d’autant plus que la douleur ressentie est minimisée (observance estimée à 10-25 %). Astuce : pour les femmes soucieuses d’esthétique, proposer de coudre des fleurs, des décorations thermocollées…

• Mobilité contrôlée. La marche doit rester raisonnable. Respecter les activités autorisées par le médecin.

• Ne pas conserver après usage, elles s’usent rapidement.

Législation

• Prescription. Sur une ordonnance séparée par tout médecin et pédicure-podologue(1).

• Inscription LPP. Les CHUT à décharge sont inscrites sous lignes génériques à la LPP dans la rubrique Chaussures thérapeutiques de série, dans les orthèses au titre 2 « Orthèses et prothèses externes ». Attention, la substitution est interdite. Respecter la marque prescrite, la plupart des modèles étant disponibles rapidement.

• Prise en charge. Vendues à l’unité 30,49 € ou par paire (tarif LPP x 2) pour éviter un déséquilibre, elles sont garanties trois mois. Pas de prix limite de vente, donc dépassement autorisé.

→ CHUT à décharge de l’avant-pied, code LPP : 2183855.

→ CHUT à décharge du talon, code LPP : 2187356.

(1) Article R 4322-1 du code de la santé publique.

L’avant-pied

Anatomiquement, l’avant-pied démarre à la base des métatarsiens et finit à l’extrémité des orteils. Dans l’appareillage de décharge, il débute plutôt à la moitié des métatarsiens, voire en arrière des têtes métatarsiennes (voir dessin). Lors de la marche pied nu, la pression se trouve d’abord entièrement au niveau du talon, puis se répartit le long de la plante, à l’exception des orteils et de la voûte plantaire, enfin, à l’avant du pied et des premiers orteils.

L’origine de la « Barouk »

Dans le langage officinal, une chaussure à décharge est une Barouk. Le Dr Pierre Barouk est un chirurgien spécialiste du pied et de la cheville au centre de chirurgie orthopédique et sportive de Bordeaux-Mérignac (33). Il est le fils de Louis-Samuel Barouk, éminent chirurgien retraité de plus de 80 printemps et concepteur, entre autres vis et agrafes de chirurgie, de la chaussure de Barouk. « C’est une chaussure à appui talonnier à décharge complète de l’avantpied », explique Pierre Barouk. Créé par son père en 1981 et développé avec la société Mayzaud, le premier modèle est en jean et à semelle courte (3). La petite histoire veut que Louis-Samuel Barouk, lui-même opéré du pied, propose à son fils Pierre de faire la course dans les escaliers pour lui prouver sa rapidité malgré sa Barouk, tombe et se blesse parce que la semelle courte ne l’avait pas protégé ! C’est ainsi qu’il développa par la suite, avec la société Romans Industrie, puis son fils Pierre, la chaussure de type I de Barouk à semelle allongée. Mayzaud, Romans Industrie, Podartis, etc., tous fabriquent des chaussures de type Barouk même si la courte en jean est l’apanage de Mayzaud. Outre la vente directe, la plupart sont distribuées 3 via Neut. C. J.

Mémento de la délivrance

→ Vérifier la qualité du prescripteur, médecin ou pédicure-podologue(1), et ordonnance à part. Ne pas substituer !

→ S’assurer que l’ordonnance est pour une ou deux chaussures.

→ Expliquer comment marcher sans risque et l’importance de l’observance, notamment chez le patient diabétique.

→ Proposer éventuellement une chaussure compensatrice.

→ Dépassement possible à faire régler au patient.

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !