Quand l’apprenti fait son nid - Porphyre n° 535 du 31/08/2017 - Revues
 
Porphyre n° 535 du 31/08/2017
 

Exercer

Les mots pour…

Auteur(s) : Florence Leandro

Former un apprenti. L’arrivée d’un BP1 est une aventure à la fois professionnelle et humaine. Voici quelques pistes pour créer les conditions d’une collaboration bénéfique.

Soigner le management

Tout à apprendre

En général, l’apprenti préparateur a moins de 20 ans, vient d’obtenir son bac et vit peut-être chez papa et maman. Hormis des « jobs d’été », le monde professionnel lui est inconnu. Oubliez l’illusion du « prêt à l’emploi » et souvenez-vous qu’il a tout à apprendre : connaissances médicales, pharmaceutiques, administratives, commerciales, mais aussi travail en équipe, comportement en entreprise… L’apprentissage s’entend sur tous les plans.

Un soutien d’équipe

Titulaire, adjoint ou préparateur, si le maître d’apprentissage est désigné comme référent, c’est toute l’équipe qui doit s’impliquer. L’objectif est de répartir la charge de travail et de donner à chaque collaborateur une responsabilité, un leadership sur certaines compétences et l’occasion d’être valorisé. Avec un apprenti, tout le monde devient manager. Notre conseil : définissez les « charges » de chacun lors d’une réunion collective.

Former, pas suppléer

Oubliez le cliché « L’apprenti est de la main-d’œuvre bon marché ». S’il peut donner un coup de main, il est surtout là pour apprendre. Croire que sa mission est de soulager l’équipe est le meilleur moyen d’échouer et de produire des collaborateurs peu efficaces et/ou peu épanouis. L’article L 6221-1 du Code du travail stipule que « […] L’employeur s’engage, outre le versement d’un salaire, à assurer à l’apprenti une formation professionnelle complète… »

Savoir accueillir

Le premier contact est décisif. L’arrivée dans l’entreprise est une étape fondamentale qui conditionne la relation future. Devant durer deux ans au moins, mieux vaut soigner l’entrée en matière. Remémorez-vous votre premier jour et agissez comme vous auriez aimé être accueilli.

On t’attendait !

Chaque détail compte pour que l’apprenti se sente attendu. Avant la date d’arrivée, faites-lui une vraie place dans le vestiaire et mémorisez son prénom.

→ Soigner ses expressions. À éviter : « Tu viens pour quoi ? C’est toi, l’apprenti ? Attends ici, le titulaire va arriver… Tu t’appelles comment déjà ? »… Intimidé à la base, l’apprenti risque de se sentir déconsidéré. Éviter aussi de l’appeler « le petit nouveau », « le petit jeune » ou « le petit apprenti » et préférer « l’apprenti », « le futur préparateur » ou simplement son prénom.

→ Faire les présentations. Nommer les membres de l’équipe avec, pour chacun, la fonction et éventuellement la spécialisation : « Je m’occupe plus précisément de toute l’orthopédie », « Je suis madame paperasse mutuelle »…

→ Donner les points clés de la structure. Court historique, horaires d’ouverture, typologie de la patientèle, restez bref, ce topo risque de noyer l’apprenti sous un flot d’informations. Rassurez-la/le : « Ne t’en fais pas, nous y reviendrons plus tard, tu as deux ans pour découvrir tout ça en profondeur… » Notre conseil : lui fournir un organigramme pour se repérer et savoir qui fait quoi dans l’officine.

Règles de base

(Re) donner les consignes avec délicatesse : tenue correcte et soignée, politesse, respect des horaires… : « Sur le lieu de travail, nous sommes tous soumis à certaines règles que je préfère te rappeler. » L’occasion de faire un topo sur l’hygiène (voir Les mots pour dans notre n° 534) et d’informer sur les coutumes maison en cas de tatouage, de piercing et autres « décorations » corporelles…

Périmètre des activités

→ Définir d’emblée ce qu’on attend de l’apprenti dans l’entreprise pour partir du bon pied. Parler du périmètre de travail et de son évolution dans le temps : « En deux ans, tu vas apprendre à réceptionner une commande/gérer des stocks/délivrer une ordonnance, etc. »

→ Utiliser comme support le livret de formation remis par le CFA, indiquant les tâches à accomplir et la progression à adopter en fonction des cours.

→ Rassurer encore ! Il ne s’agit pas de paniquer l’apprenti par un rétroplanning figé : « Chaque apprenti va à son rythme. Nous sommes là pour t’apprendre un métier, mais l’essentiel est de procéder par étapes pour atteindre ce but », « Tu ne seras pas face au client demain, pas de panique ! »…

Donner un cadre

Le « qui, quoi, comment »

Notre routine est une grande inconnue pour l’apprenti. Si on ne lui dit pas clairement ce qu’on attend de lui, il ne peut pas le deviner ! Préciser aussi la ou les per sonne (s) aidante (s) : « Tu vas apprendre à réceptionner la commande avec Mélanie », « Aujourd’hui, il faut refaire le rayon vétérinaire, tu seras avec Laura »… Les personnes « repères » et les missions diffèrent, mais tant que l’apprenti ne maîtrise pas une tâche, mieux vaut qu’il apprenne avec la même personne pour ne pas être parasité par les « manies » de chacun. Notre conseil : mettre à sa disposition le classeur des procédures.

Jouer l’intégration

Incluez-le dans les pauses café, invitez-le aux formations, à la vie de l’officine : « Un labo a laissé des échantillons, tu en veux ? », « Madame X nous a fait des gâteaux, n’hésite pas à te servir, c’est pour l’équipe »…

Soigner la motivation

Entretenir la flamme

→ Fixer des objectifs concrets et validés par vous et lui : « Durant les deux premières semaines, je te propose d’observer et d’aider à… » Faire le point de temps en temps.

→ Ne pas le cantonner à des tâches maîtrisées. Le sortir régulièrement de sa zone de confort pour progresser, le motiver et lui montrer votre confiance : « Tu as bien aidé Caroline avec tes idées pour la vitrine. Tu pourrais peut-être t’occuper de celle pour Noël, qu’en dis-tu ? »

Débriefer régulièrement

Lors d’un entretien singulier, au calme, une fois par semaine par exemple. « Comment ça s’est passé cette semaine ? Qu’astu appris et/ou fait ? Quelles difficultés rencontres-tu ? » Poser des questions ouvertes lui permet de s’exprimer. C’est l’occasion de lui donner la parole, d’avoir un retour sur le management et de revoir si besoin les points litigieux.

Attitudes à éviter

→ La plainte blasée : « Tu verras, les patrons, c’est partout pareil », « Ce n’est que le début, après tu vas vite en avoir marre, croismoi »… Bien sûr, il y a des hauts et des bas dans l’officine, mais une rengaine négative risque de le déstabiliser durablement.

→ Éloigner les personnes « nocives » car démotivées et montrer une vision positive du métier : « Quand tu connais les patients, des liens se tissent, ça devient plus intéressant… » Si l’on est soi-même dans une phase de démotivation, se taire, l’apprenti fera ses armes lui-même.

→ La comparaison : « Il y a deux ans, l’apprenti qu’on a formé a très vite été à l’aise au comptoir »… bonjour la pression pour le nouveau ! Éviter aussi de comparer les apprentis s’ils sont plusieurs dans l’officine. Au contraire, se servir de leurs différences pour les valoriser : « Pauline est douée pour les vitrines, Gabriel s’intéresse au rayon phyto et aroma ».

→ L’impatience : « Tu n’as toujours pas intégré le logiciel, ça fait déjà trois mois »… l’apprenti ne peut pas tout savoir de suite ! Il faut lui laisser le temps d’intégrer chaque nouvelle tâche en valorisant plutôt les efforts fournis : « Tu as été attentif, ça se ressent dans ton travail ». Et retenir que la pédagogie, c’est la répétition… À l’apprenti aussi de faire preuve de curiosité et de bonne volonté. Pour le guider dans ce sens, lui souffler l’idée du carnet où noter toute nouvelle notion : « Cela évite de répéter plusieurs fois la même chose et cela te permet de devenir plus rapidement autonome ».

Quand ça se passe mal…

À l’officine

Dès le début de l’apprentissage, expliquer que ça peut ne pas fonctionner entre les deux parties, et qu’en cas de conflit majeur, c’est logiquement l’équipe en place qui est favorisée. Pour autant, l’apprenti ne doit pas vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, il doit notamment se sentir libre d’en parler : « Si tu te sens mal dans l’entreprise, si quelque chose te gêne, n’hésite pas à en parler, et nous ferons de même ». À noter que le CFA est là pour jouer le rôle d’intermédiaire en cas de conflit non résolu, même si on évite d’en arriver là…

Au CFA

Lorsque les notes sont mauvaises, éviter de lui faire la morale ou de le blâmer : « Pourtant, je me souviens que les cours n’étaient pas sorciers… » Ne pas non plus minimiser le problème (« Des personnes sont plus intellectuelles que d’autres, ne t’en fais pas… »). Comparer l’apprentissage à un triangle d’or, avec l’entreprise, le CFA et l’apprenti lui-même. Si l’un des sommets ne joue pas son rôle correctement, tout s’effondre. Il faut donc remotiver et responsabiliser l’apprenti, en lui faisant comprendre que de solides connaissances sont indissociables de la pratique de terrain. Et l’aider : « Pour la pharmaco, on va regarder ensemble des ordonnances de ce matin pour voir les médicaments prescrits et comment ils fonctionnent… »

Le prof arrive !

Le professeur référent vient à plusieur s reprises au cours des deux années de formation de l’apprenti. Voici quelques pistes pour se préparer à l’officine.

• Faire un journal de bord, à remplir après chaque entretien avec l’apprenti et le présenter à chaque passage du professeur, en rédigeant un court compterendu. Certains CFA proposent des grilles d’évaluation en plus du livret de formation pour mieux rendre compte de la progression de l’apprenti.

• Prévenir l’équipe : si la date est connue de tous, cela n’empêche pas de rester naturel et de f aire son travail comme d’habitude !

• Être dispo : éviter de recevoir le prof entre deux tâches. En cas de souci avec l’apprenti, prendre contact avec le CFA plutôt que d’attendre la visite suivante.

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