Le test d’apprentis plus vieux - Porphyre n° 535 du 31/08/2017 - Revues
 
Porphyre n° 535 du 31/08/2017
 

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Actus

Auteur(s) : Christine Julien

Une expérimentation de l’apprentissage jusqu’à 30 ans et une moindre rémunération des apprentis sont au menu de cette rentrée 2017. Tout est fait pour inciter les titulaires à former afin d’assurer un nombre suffisant de préparateurs à l’avenir.

Sauf à être sportif de haut niveau ou malheureusement handicapé, mieux vaut avoir moins de 26 ans pour pouvoir signer un contrat d’apprentissage en vue de faire le BP. Les pharmaciens apprécient les aides financières et les exonérations de charges sociales de ce type de contrat. Aussi, l’expérimentation de relever l’âge d’entrée maximale dans l’apprentissage de 25 à 30 ans dans neuf régions (voir encadré) satisfait la profession et les 26-30 ans souhaitant embrasser le métier, toutes les aides de l’apprentissage s’appliquant à ces contrats.

Un apprenti coûte moins cher

La sortie plus tardive de la scolarité ou les changements d’orientation professionnelle sont des arguments du gouvernement pour expérimenter l’apprentissage jusqu’à 30 ans révolus(1). Augmentation du nombre d’apprentis, substitution avec le contrat de professionnalisation…, la mesure sera évaluée annuellement jusqu’à fin 2019, par les conseils régionaux et un comité national, avant une possible généralisation en 2020.

Pour Olivier Clarhaut, secrétaire fédéral de Force ouvrière-Pharmacie, cette expérimentation « ne va concerner qu’un public très réduit ». Pour lui, le point essentiel est la différence de coût pour l’employeur : « On ne va pas se raconter d’histoires ! Nous voyons en CFA des gens un peu plus mûrs, entre 26 et 30 ans, pour lesquels il est plus difficile de s’inscrire en formation, les employeurs étant plus friands de l’apprentissage que du contrat de professionnalisation ».

L’écart pour le titulaire est notable : « Prenez un jeune de 27 ans. Sur un contrat de professionnalisation, l’employeur paie des charges sans aucune aide de la région. Avec cette mesure, le pharmacien le rémunère à un salaire d’apprenti moindre qu’un contrat pro, sans les charges, et il a les aides de la région. Cela représente un delta de plus de 6 000 euros sur l’année. C’est énorme !, pointe Guylaine Drut, pharmacienne et directrice du CFA de Talant (21). Et de nombreux pharmaciens n’ont pas les moyens de mettre cette différence pour former un collaborateur. » L’étude OMPL de 2015(2) le confirme, avec 57 % des titulaires qui préfèrent les apprentis aux contrats de professionnalisation, notamment en raison d’un « coût moins important ».

Une opportunité pour des jeunes âgés

Informés par leur conseil régional, les CFA concernés se sont empressés de communiquer l’info aux titulaires de leur secteur et aux candidats. Cela a vite porté ses fruits. À Orléans (45), une jeune femme de 28 ans vient de signer avec un employeur. « Nous l’avons informée qu’elle pouvait bénéficier du contrat d’apprentissage. Elle l’ignorait. Pour elle, c’était une bonne nouvelle », commente Marion De Carvalho, assistante de formation au CFA d’Orléans. À Talant, Guylaine Drut a informé plusieurs fois ses 600 pharmaciens cibles. « Nous avons eu une dizaine de jeunes éligibles au contrat d’apprentissage qui ne l’auraient pas été avant. C’est une bonne mesure car elle permet à des gens plus âgés de se former après des années de petits boulots. On a pas mal de candidats qui ont bossé chez McDo, à la chaîne en usine, en grande surface. Cette mesure leur laisse une chance ». Pour Philippe Denry, titulaire, représentant de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), syndicat de titulaires, « c’est une bonne mesure et un plus pour ceux qui veulent se reconvertir ».

La faible attractivité du métier a un rôle

Entre 2006 et 2013, le nombre de candidats au BP a diminué d’un quart en France, et en 2015, il y avait environ 7 200 jeunes en formation en CFA. L’autre mesure pour enrayer la chute est la baisse de rémunération des apprentis dès cette rentrée, suite à l’accord du 7 mars 2016(3) (voir encadré et Porphyre nos 527 et 528, novembre et décembre 2016). « Nous avons fait passer le message aux employeurs de jouer le jeu et de profiter de cet accord », note Philippe Denry. Moins payer les apprentis sera-t-il suffisant pour inciter les pharmaciens à former ? Pour Olivier Clarhaut, le recul du nombre d’apprentis est préoccupant : « Les titulaires veulent des gens diplômés mais les diplômés ne sortent pas de terre par génération spontanée, il faut les former ». Pour lui, « le nœud du problème est la faible attractivité du métier (faibles salaires et perspectives d’évolution, NDLR) et l’obsolescence du diplôme, dont les conséquences se font de plus en plus dramatiquement sentir ».

En plus des mesures financières, Guylaine Drut a mis le paquet pour réussir le mariage de l’apprenti et du maître. Livret d’apprentissage, support de cours en ligne…, elle a aussi créé la page Facebook PHarM’ApprentisSages, sur laquelle seront bientôt disponibles notamment des vidéos sur l’accueil de l’apprenti à la pharmacie. « Plus les confrères iront sur cette page, plus ils vont se dire que ça peut être intéressant de former un apprenti », s’enthousiasme la directrice. L’apprentissage réussi n’est pas qu’une question d’âge ou d’argent…

(1) Article 77, loi Travail du 8 août 2016. Cahier des charges et régions éligibles dans le Journal officiel des 31 décembre 2016, 11 février et 22 mars 2017.

(2) L’insertion des bénéficiaires d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation , Observatoire des métiers des professions libérales, octobre 2015. (cf. Porphyre n° 518, déc.2015-janv.2016).

(3) Journal officiel du 15 octobre 2016.

9 régions concernées

→ Bretagne, Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val de Loire, Grand Est, Hauts-de-France, Île-de-France, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie et Pays de la Loire expérimentent la possibilité d’entrer en apprentissage jusqu’à 30 ans révolus (avant 31 ans), depuis le 1er janvier 2017 et jusqu’au 31 décembre 2019(1).

Le point sur…

L’apprenti en pharmacie

Quel est son statut ?

L’apprenti de plus de 18 ans est un salarié, mais étant en formation professionnelle, il n’est pas censé réaliser le travail habituellement confié à un salarié. En cas de manquement à cette obligation, l’employeur encourt la requalification du contrat d’apprentissage en CDI.

Quelle est sa rémunération ?

Dès cette rentrée, la paie des apprentis avec le bac en première année de BP passe de 65 à 56% du coefficient 150, soit une perte de 133,84 € par mois, avec 832,76 € brut par mois(1). En BP2, le salaire passe de 75 à 67 % du coefficient 160. Seuls les contrats d’apprentissage conclus avant le 14 novembre 2016 demeurent régis par les rémunérations plus avantageuses.

Quels sont ses horaires ?

Le temps passé en cours au CFA est inclus dans l’horaire de travail et indemnisé comme tel. Un apprenti peut faire des heures supplémentaires, payées avec une majoration de 25 % jusqu’à la 43e heure hebdomadaire.

A-t-il des congés spécifiques ?

En plus des congés payés (2,5 jours ouvrables par mois), il bénéficie d’un congé rémunéré de cinq jours ouvrables pour réviser ses examens durant le mois précédant les épreuves. Les jours de révision en CFA sont décomptés de ces cinq jours.

Qui est maître d’apprentissage ?

Le titulaire, un adjoint, ou un préparateur avec au moins deux ans de pratique professionnelle peut être maître d’apprentissage. Le maître perçoit une prime tutorale égale à 15 points conventionnels de salaire, soit environ 65 € brut par mois.

L’apprenti peut-il dispenser des médicaments ?

Non, y compris ceux en libre accès. Il ne peut non plus apporter de médicaments à domicile, même pour un dépannage exceptionnel et même si l’ordonnance a été validée par une personne qualifiée. Il ne peut ni préparer les envois de médicaments commandés en ligne, ni faire de préparations (sauf dans le cadre d’un exercice pratique).

Comment rompre le contrat ?

Pendant les 45 premiers jours de formation pratique à l’officine, le contrat peut être rompu par l’une des parties. Passé ce délai, l’arrêt peut intervenir par accord mutuel écrit. Si le titulaire propose cette séparation, attention ! Faire pression lourdement sur un apprenti pour rompre son contrat peut être qualifié de harcèlement moral, avec dommages et intérêts. Faute d’accord, le contrat peut être résilié par décision du conseil des prud’hommes en cas de faute grave ou de défaillances répétées de l’une des parties.

Fabienne Rizos-Vignal

(1) Accord de branche du 7 mars 2016.

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