Gardes, urgences et astreintes - Porphyre n° 535 du 31/08/2017 - Revues
 
Porphyre n° 535 du 31/08/2017
 

Comprendre

Enquête

Auteur(s) : Magali Clausener*, Vincent Béclin**

Avec leur mission de service public, les pharmacies ne sont pas des commerces comme les autres. L’approvisionnement en médicaments ne peut être interrompu. Le service continu est assuré grâce aux gardes, urgences et astreintes, avec la participation de l’équipe officinale.

UN VÉRITABLE SERVICE PUBLIC

En contrepartie du monopole accordé aux pharmacies, diverses obligations sont édictées par le code de la santé publique, notamment la participation aux services de garde et d’urgence. Il s’agit d’une obligation à caractère de service public. Selon l’article R. 4235-49, « les pharmaciens sont tenus de participer aux services de garde et d’urgence […] Les pharmaciens titulaires veillent à ce que leur officine satisfasse aux obligations imposées par ce service ». Même si les préparateurs ne sont pas expressément cités, ils sont amenés à y contribuer.

GARDES, URGENCES ET ASTREINTES, DES NOTIONS DISTINCTES

La complexité des gardes relève d’un mille-feuille de divs et de la diversité des situations : le dimanche, un jour férié, la nuit. Pour démêler les grandes questions qui vous concernent (Quand dois-je être prévenu ? Comment suis-je rémunéré ? Puis-je refuser d’y participer ?, etc.), une mise au point lexicale s’impose.

→ Les gardes : elles sont assurées les dimanches et les jours fériés, y compris le 1er mai.

→ Les urgences : elles sont assurées la nuit.

→ Les astreintes : elles peuvent s’appliquer aux cadres comme aux non-cadres. Un préparateur peut donc être d’astreinte. En cas d’intervention à l’officine, le préparateur doit être sous la responsabilité et le contrôle effectif d’un pharmacien. Elles peuvent être assurées de jour comme de nuit, un jour de semaine ou le dimanche. D’astreinte, vous n’êtes pas à l’officine. Libre de vaquer à vos occupations personnelles, vous devez toutefois rester joignable afin d’intervenir en cas de besoin. Pas question de couper votre téléphone ou de le mettre en mode « silencieux » !

REPOS DOMINICAL

Le Code du travail et la convention collective nationale de la pharmacie d’officine consacrent le dimanche comme jour de repos obligatoire pour tous les salariés – adjoints, préparateurs, employés – mais il connaît des exceptions. L’article R. 3132-5 du Code du travail fait figurer les pharmacies parmi les établissements autorisés de plein droit à déroger à ce principe.

Quels collaborateurs le titulaire peut-il mobiliser pour une garde du dimanche ?

Les adjoints, préparateurs, employés, apprentis et étudiants peuvent travailler lors d’une garde mais sans dépasser les durées maximales de travail autorisées : 10 heures par jour, 46 heures par semaine et 44 heures par semaine en moyenne sur douze semaines consécutives. Seuls les moins de 18 ans bénéficient d’un repos obligatoire le dimanche.

Faut-il formaliser la participation aux gardes dans les contrats de travail ?

Dans la mesure où les gardes ont un impact sur les horaires de travail ainsi que sur la vie personnelle et familiale, un tel formalisme s’avère indispensable. Cette précision contractuelle permet d’anticiper les litiges avec un écrit, noir sur blanc.

Peut-on refuser de prendre part à une garde du dimanche ?

Si le titulaire a négligé ou tout simplement oublié de définir dans le contrat de travail les modalités de participation au service de gardes, le salarié peut s’appuyer sur cette brèche pour refuser de travailler un dimanche. De plus, le titulaire doit respecter le délai de prévenance de quinze jours. En cas de circonstances exceptionnelles, ce délai peut être réduit à deux jours ouvrables. Prévenu tardivement, le salarié peut donc légitimement refuser.

Est-ce que du jour au lendemain, le titulaire peut obliger à y contribuer ?

Non. Le titulaire ne peut pas imposer la participation subite à une garde. Le délai de prévenance de quinze jours doit être respecté.

Une pharmacie qui n’est pas de garde peut-elle ouvrir un dimanche ?

Tout pharmacien, bien que n’étant pas de garde, a le droit d’ouvrir son officine au public le dimanche. Dans ce cas-là, le titulaire est tenu d’être ouvert pendant toute la durée du service de garde considéré et pas seulement durant les quelques heures rentables ou qui l’arrangent.

CALCUL DE L’INDEMNISATION

C’est l’équation complexe à plusieurs inconnues : à temps plein ou à temps partiel, de garde ou d’urgence, à volets ouverts ou fermés, d’astreinte… Chaque cas doit être posé pour être résolu. Un casse-tête mathématique pour le gestionnaire de la paie.

Les gardes et urgences à volets ouverts

Pendant la semaine

En cas de participation au service d’urgence, donc le soir et la nuit, les heures de permanence assurées à l’officine constituent une période de travail effectif. Le salarié est rémunéré sur la base de 100 % de son taux horaire, auquel s’ajoutent les majorations pour heures de nuit :

→ 20 % entre 20 heures et 22 heures, et entre 5 heures et 8 heures ;

→ 40 % entre 22 heures et 5 heures.

Les dimanches et jours fériés

En cas de participation au service de garde un dimanche ou un jour férié autre que le 1ermai, le salarié doit percevoir une indemnité de sujétion (voir encadré p. 19). Son montant brut est égal à une fois et demie la valeur du point conventionnel de salaire par heure de présence. Son versement ne se substitue pas, mais s’ajoute au repos compensateur d’égale durée prévu par la convention collective. Si la garde vous amène à travailler après 20 heures, vous aurez droit à un repos bonifié selon les taux de majoration applicables aux heures de nuit. Par exemple, 1 heure de garde accomplie entre 20 et 21 heures donne droit à un repos de 1 heure et 12 minutes en plus de l’indemnité de sujétion.

Le 1er mai

C’est un cas particulier. Ce jour-là, vous percevez votre salaire habituel, correspondant au travail effectué, plus une indemnité spéciale égale au montant de ce salaire, à l’exclusion des éventuelles majorations pour heures supplémentaires. En plus de ce double salaire, vous avez droit à un repos compensateur d’une durée égale au temps de travail accompli durant la garde. Et si vous êtes présent à l’officine après 20 heures, vous avez droit à un salaire majoré et à un repos bonifié selon les taux applicables aux heures de nuit.

Dans tous les cas

• Si la participation au service de garde ou d’urgence amène le salarié à temps plein à effectuer des heures supplémentaires, le gestionnaire de la paie devra tenir compte des taux de majoration applicables :

→ 25 % de la 36e heure à la 43e heure incluse;

→ 50 % au-delà de la 43e heure.

• Si la participation au service de garde ou d’urgence amène le salarié à temps partiel à effectuer des heures complémentaires, le gestionnaire de la paie devra tenir compte du taux de majoration applicable de 15 %.

Cas pratique 1

Lucie, préparatrice, est sollicitée par son titulaire pour une garde du dimanche à volets ouverts de 12 h à 19 h. Comment sera-t-elle indemnisée ?

Lucie bénéficiera d’un repos compensateur de 7 heures et d’une indemnité de sujétion de 45,73 € (1,5 x 4,355 x 7).

Cas pratique 2

Romain est adjoint dans la même officine que Lucie. Il a participé à la même garde pendant les mêmes horaires. Que percevra-t-il ?

Exactement la même contrepartie que Lucie, c’est-à-dire un repos compensateur de 7 heures et 45,73 € d’indemnité de sujétion.

Cas pratique 3

En cas de présence à l’officine après 20 heures, le gestionnaire de la paie doit-il appliquer systématiquement un bonus ?

Si la garde à volets ouverts amène le salarié à travailler après 20 heures, son repos compensateur est bonifié de 20 %. À volets fermés, cette majoration pour heures de nuit ne s’applique pas.

Les gardes et urgences à volets fermés

Pendant la semaine

L’indemnisation diffère selon que le salarié travaille à temps plein ou à temps partiel.

• Les salariés à temps plein sont indemnisés sur la base de 25 % de leur temps de présence. En pratique, 1 heure passée à l’officine est en réalité payée 15 minutes sur la base du taux normal. Celui-ci est majoré en cas d’accomplissement d’heures supplémentaires.

• Les salariés à temps partiel sont indemnisés sur la base de 100 % de leur temps de présence. En pratique, 1 heure passée à l’officine est payée 1 heure au taux horaire normal.

Les dimanches et jours fériés

En cas de participation au service de garde un dimanche ou un jour férié autre que le 1er mai, le salarié doit percevoir une indemnité de sujétion. Son montant brut est égal à une fois et demie la valeur du point conventionnel de salaire par heure de présence. Son versement s’ajoute au repos compensateur d’égale durée prévu par la convention collective.

Le 1er mai

Le salarié perçoit un double salaire, mais attention, celui-ci diffère selon que le salarié travaille à temps plein ou à temps partiel.

• Les salariés à temps plein sont indemnisés sur la base de 25 % de leur temps de présence. En pratique, 1 heure passée à l’officine est payée 30 minutes (15 minutes x 2) sur la base du taux horaire normal (ce taux est majoré en cas d’accomplissement d’heures supplémentaires).

• Les salariés à temps partiel sont indemnisés sur la base de 100 % de leur temps de présence. En pratique, 1 heure passée à l’officine est payée 2 heures au taux horaire normal.

À ce double salaire s’ajoute un repos compensateur d’une durée égale à celle de la garde. Par exemple, 5 heures de présence à la pharmacie à volets fermés donnent droit à un repos compensateur de 5 heures, que le salarié soit à temps plein ou à temps partiel.

• Si la participation au service de garde ou d’urgence amène le salarié à temps plein à effectuer des heures supplémentaires, le gestionnaire de la paie devra tenir compte des taux de majoration applicables :

→ 25 % de la 36e heure à la 43e heure incluse ;

→ 50 % au-delà de la 43e heure.

• Si la participation au service de garde ou d’urgence amène le salarié à temps partiel à effectuer des heures complémentaires, le gestionnaire la paie devra tenir compte du taux de majoration applicable de 15 %.

• À volets fermés, les majorations pour heures de nuit ne sont jamais dues.

Cas pratique 4

Jérôme, pharmacien adjoint, a passé la nuit de lundi à mardi à l’officine, soit 12 heures. Il a dormi sur un lit d’appoint, tout en restant prêt à intervenir si un client se présentait. Quelle rémunération va-t-il percevoir ?

Jérôme a assuré le service d’urgence à volets fermés. Son indemnisation dépend de sa situation contractuelle, à temps plein ou à temps partiel.

→ Si Jérôme est à temps plein, il percevra 25 % de son taux horaire par heure passée à l’officine, ce qui équivaut à 3 heures (12 heures x 25 %) payées au taux horaire normal (le cas échéant majorées en cas d’heures supplémentaires), plus l’indemnité spéciale pour de dérangement de 8 euros par ordonnance délivrée.

→ Si Jérôme est à temps partiel, il percevra 100 % de son taux horaire par heure passée à l’officine, ce qui équivaut à 12 heures payées au taux horaire normal (ou majorées en cas d’heures complémentaires), plus l’indemnité spéciale pour dérangement de 8 euros par ordonnance délivrée.

Cas pratique 5

Adjointe à temps plein, Émilie fait des gardes de nuit une fois par mois. Après appel du commissariat, elle se rend à la pharmacie. Quelle est la rémunération prévue ?

Dans une telle situation, Émilie est d’astreinte. Lors de cette période, elle est indemnisée sur la base de 10 % de son taux horaire pour chaque heure qu’elle passe à son domicile ou à proximité. Dès que le commissariat l’appelle, son intervention démarre. Le temps d’intervention, qui inclut le temps de trajet aller-retour entre le domicile et l’officine, ainsi que l’activité à la pharmacie, constitue un temps de travail effectif. En semaine, ce temps d’intervention est rémunéré sur la base de son taux horaire habituel. Celui-ci doit être majoré en cas d’accomplissement d’heures supplémentaires.

Les astreintes

Pendant la semaine

Le salarié perçoit par heure d’astreinte une indemnisation forfaitaire égale à 10 % de son taux horaire. En revanche, chaque intervention, décomptée du temps d’astreinte, est rémunérée au taux horaire normal. Ce taux est majoré en cas d’heures supplémentaires ou complémentaires.

Les dimanches et jours fériés

Le salarié perçoit par heure d’astreinte une indemnisation forfaitaire égale à 10 % de son taux horaire. Le temps passé en intervention n’est pas rémunéré, mais compensé par un temps de repos d’égale durée. Ce repos est bonifié en cas d’accomplissement d’heures supplémentaires.

Le 1er mai

Chaque heure d’astreinte donne lieu à une indemnisation forfaitaire égale à 10 % du taux horaire. Quant au temps d’intervention, il est doublement rémunéré sur la base de 100 % du taux horaire. À ce double salaire s’ajoute un repos compensateur de même durée.

• Si le temps d’intervention pendant une astreinte amène un salarié à temps plein à effectuer des heures supplémentaires, le gestionnaire de la paie devra tenir compte des taux de majoration applicables :

→ 25 % de la 36e heure à la 43e heure incluse ;

→ 50 % au-delà de la 43e heure.

• Si le temps d’intervention durant une astreinte amène un salarié à temps partiel à effectuer des heures complémentaires, le gestionnaire de la paie devra tenir compte du taux de majoration applicable de 15 %.

• Pendant une astreinte, l’indemnité spéciale pour dérangement et les majorations pour heures de nuit ne sont jamais dues.

Cas pratique 6

Sandra, préparatrice, se demande si elle peut refuser d’être d’astreinte. Son employeur la prévient en effet cinq jours à l’avance.

Le délai de prévenance de quinze jours n’étant pas respecté, Sandra peut refuser l’astreinte demandée. Son employeur ne peut pas lui imposer cette situation.

Cas pratique 7

Morgane vient d’obtenir son BP. Peut-elle effectuer seule une astreinte ?

Oui. Toutefois, en cas d’intervention à la pharmacie, elle doit être « sous la responsabilité et le contrôle effectif d’un pharmacien », conformément à l’article L. 4241-1 du code de la santé publique. Une présence pharmaceutique est obligatoire !

Cas pratique 8

Lorsque Benjamin, pharmacien adjoint, occupe un studio attenant à l’officine, est-ce une astreinte ?

Dès lors que Benjamin demeure dans des locaux mis à disposition par son employeur afin de répondre sans délai à toute demande d’intervention, ce n’est plus considéré comme une astreinte mais comme du temps de travail effectif. Et cela, même si le studio ou l’appartement privatif bénéficie de toutes les options de confort, une télévision, un canapé-lit, une cuisine, etc.

Cas pratique 9

Antoine, préparateur, était d’astreinte dimanche de 9 h à 19 h. Il a été dérangé une fois pour une intervention de 3 heures. Comment calculer son indemnisation ?

Le temps d’astreinte a réellement duré 7 heures. Antoine a ainsi droit à une rémunération égale à 10 % de son taux horaire x 7 heures. S’y ajoute un repos compensateur de 3 heures pour la période d’intervention.

Planning des gardes

La programmation individuelle des services de garde, d’urgence ou d’astreinte doit être portée à la connaissance de chaque salarié concerné quinze jours à l’avance. En cas de circonstances exceptionnelles, ce délai peut être réduit à deux jours ouvrables.

Calcul de l’indemnité de sujétion

Indemnité de sujétion = 1,5 x valeur du point conventionnel (4,355 € à ce jour) x nombre d’heures de présence pendant le service de garde ou d’urgence.

Volets ouver ts ou fermés ?

De garde ou d’urgence, la pharmacie peut fonctionner à volets ouverts ou fermés. Focus sur cette distinction.

→ À volets ouverts, l’officine est ouver te au public et fonctionne comme un jour ouvrable habituel.

→ À volets fermés, la pharmacie est fermée au public mais répond à chaque demande. Pour cela, elle doit pouvoir être alertée par une sonnette sur la porte extérieure ou être jointe par téléphone. Dans certains secteurs, l’ouverture est obtenue après un appel préalable au commissariat de police ou à la gendarmerie.

Temps d’intervention

Il commence dès que le téléphone sonne et que vous êtes sollicité pour venir à la pharmacie, puis il s’achève lorsque vous avez fini votre intervention à l’officine. Ce temps de travail effectif est retranché du temps d’astreinte.

Indemnité spéciale pour dérangement

À volets fermés, les gardes et les urgences ouvrent droit à une indemnité spéciale pour dérangement. Il s’agit de l’indemnité TPN (tarif pharmaceutique national) facturée au patient pour chaque ordonnance :

→ 2 euros par ordonnance délivrée le jour, de 8 heures à 20 heures ;

→ 8 euros par ordonnance délivrée la nuit, de 20 heures à 8 heures ;

→ 5 euros par ordonnance délivrée les dimanches et jours fériés, de 8 heures à 20 heures.

Cette indemnité constitue un bonus pour le salarié qui a assuré la dispensation. Elle doit donc apparaître sur sa fiche de paie et est soumise aux charges sociales.

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