Faut-il s’inquiéter de l’incidence des pubertés précoces ? - Porphyre n° 534 du 28/06/2017 - Revues
 
Porphyre n° 534 du 28/06/2017
 

S’informer

Décryptage

Auteur(s) : Thierry Pennable

Les premières données épidémiologiques sur la puberté précoce en France ont été dévoilées fin mai (voir Repères). Les résultats montrent des disparités régionales et une incidence dix fois plus importante chez les filles.

Qu’est-ce que la puberté précoce ?

La puberté est dite précoce quand elle survient avant l’âge de 8 ans chez la fille et de 9 ans chez le garçon. La puberté correspond à l’ensemble des phénomènes de maturation biologiques et psychiques qui amènent l’enfant à l’état adulte, et à l’acquisition de la fonction de reproduction. Elle est, entre autres, caractérisée par le développement des caractères sexuels secondaires, surtout la pilosité, et la poitrine chez les filles. L’âge normal de début de la puberté se situe entre 9 et 13 ans chez les filles et entre 10 et 15 ans chez les garçons.

Quels enseignements apporte l’étude de Santé publique France ?

L’étude ne traite que de la puberté précoce centrale idiopathique (PPCI), qui représente 90 % des cas. Sans cause identifiée, « la physiopathologie renvoie probablement au dérèglement d’un chronomètre physiologique qui déclenche précocement une cascade de réactions normales au niveau de l’hypothalamus, l’hypophyse et des gonades [ovaires, testicules]  », schématise le Dr Stéphane Boulard, pédiatre endocrinologue à Pessac (33). L’étude relève un sex-ratio de 10 filles pour 1 garçon, ainsi que des incidences territoriales variables, plus élevées dans le Sud-Ouest et le Centre-Est par exemple.

Y a-t-il une explosion du nombre de cas ?

En l’absence de données concernant les années précédentes, l’étude ne peut répondre à cette question. Stéphane Boulard préfère parler d’« une progression linéaire du nombre de cas depuis une bonne centaine d’années, depuis le développement industriel. En particulier chez les filles, pour qui il existe, entre autres, des données sur l’âge de survenue des règles ».

Pourquoi cet avancement progressif de l’âge de la puberté ?

La principale hypothèse pour expliquer cette évolution porte sur les modifications des modes de vie, l’amélioration de la qualité de vie, et par conséquent des apports alimentaires, caloriques et nutritionnels. « L’augmentation de l’indice de masse corporelle, par le biais de modifications hormonales, a tendance à provoquer une avance pubertaire », souligne le spécialiste.

L’autre hypothèse repose sur la quasi-certitude d’une influence des perturbateurs endocriniens, même si aujourd’hui rien n’a été formellement prouvé. En l’état, l’étude épidémiologique ne permet pas de faire un lien entre les variabilités régionales et la présence de certains perturbateurs endocriniens.

Quelles sont les conséquences ?

Biologiquement, la puberté précoce est responsable d’une cassure de la croissance et peut faire perdre jusqu’à 10, 15 ou 20 cm sur la taille à l’âge adulte. À plus long terme, avoir eu une puberté précoce exposerait à un risque plus élevé de devenir obèse ou de développer des cancers hormonodépendants. Psychologiquement, l’enfant peut souffrir de cette maturité précoce qui le différencie de ses camarades, mais ce n’est pas le cas pour tous. La puberté précoce induit également une difficulté à se projeter dans l’avenir, tant pour l’enfant que pour ses parents. Par la suite, les jeunes filles ont tendance à perdre leur virginité plus tôt et risquent davantage que la moyenne de souffrir de troubles dépressifs et d’avoir des conduites à risque.

Faut-il systématiquement traiter les pubertés précoces ?

« Les indications du traitement de freination pubertaire ont été récemment revues à la baisse », indique Stéphane Boulard. Désormais, la décision de traiter la puberté précoce est prise au cas par cas, notamment en fonction du pronostic de taille et de la souffrance ressentie.

Le traitement repose sur des analogues de la GnRH naturelle (Gonadotropin Releasing Hormone) qui freinent la sécrétion des hormones hypophysaires de la puberté : Décapeptyl LP (pamoate de triptoréline), Gonapeptyl LP (acétate de triptoréline) et Enantone LP (leuproréline). Le traitement est généralement arrêté à l’âge normal de la puberté. En revanche, « ne pas traiter une puberté précoce avérée expose à un risque de vie adolescente difficile, qui peut avoir des répercussions en termes d’estime de soi à l’âge adulte », prévient le pédiatre.

NOTRE EXPERT INTERROGÉ

→ Dr Stéphane Boulard, pédiatre endocrinologue à Pessac (33), membre de l’Association française des pédiatres endocrinologues libéraux (Afpel).

Repères

→ Cas de pubertés précoces centrales idiopathiques traitées en France de 2011 à 2013 : 3 519 cas chez les filles avant 9 ans et 352 chez les garçons avant 10 ans.

→ Nouveaux cas par an : 1 173 chez les filles et 117 chez les garçons.

→ Taux d’incidence : 2,68 cas sur 10 000 chez les filles et 0,24 cas sur 10 000 chez les garçons.

(*) Puberté précoce centrale idiopathique , Santé publique France, à retrouver sur le site invs.santepubliquefrance.fr

Prévoyez-vous de fermer votre officine le 30 mai prochain en signe de protestation ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !