La diversification alimentaire - Porphyre n° 532 du 02/05/2017 - Revues
 
Porphyre n° 532 du 02/05/2017
 

Savoir

Le point sur…

Auteur(s) : Caroline Bouhala

L’introduction d’aliments autres que le lait est une étape importante pour le nourrisson. Cette transition doit se faire avec sérénité et souplesse. Seules quelques règles sont absolument à respecter.

Qu’est-ce que c’est ?

• La diversification alimentaire correspond à l’introduction d’aliments solides ou liquides autres que le lait chez un nourrisson allaité ou recevant une préparation pour nourrissons.

• Quand débuter ? L’âge et les règles changent au gré des études… Actuellement, il est recommandé de ne pas démarrer avant la 17e?semaine et de ne pas retarder au-delà de la 24e semaine, c’est-à-dire entre les 4 et 6 mois révolus de l’enfant (voir Info+), qu’il ait ou non un terrain atopique. « Le plus raisonnable serait autour des 5 mois », avance le Dr Alain Bocquet, pédiatre spécialisé en gastro-entérologie et nutrition à Besançon (25).

Pourquoi diversifier ?

• S’adapter aux besoins : pendant les six premiers mois, le lait maternel ou artificiel couvre les besoins nutritionnels. Au-delà, un apport supplémentaire par la diversification est indispensable pour un bon développement :

→ physique : à partir de 4 mois, les systèmes rénal et digestif sont suffisamment matures pour introduire d’autres aliments. Le système digestif continue néanmoins son développement, stimulé par cette diversification. Elle permet le développement des maxillaires, qui offrent plus de place pour accueillir les dents, d’où moins de problèmes orthodontiques;

→ psychomoteur : la diversification stimule le passage de la succion à la mastication, étape parfois compliquée;

→ sensoriel : « L’intérêt de la diversification est de découvrir assez tôt, avant la néophobie (voir Dico+), le maximum de nouvelles saveurs, de nouvelles textures, de nouvelles habitudes alimentaires ».

• Apporter du fer : en cas d’allaitement maternel exclusif, la diversification ne doit pas être retardée au-delà de 6 mois car les apports en fer seront insuffisants.

• Augmenter la densité calorique, et donc la satiété, limitée en cas d’alimentation uniquement liquide.

• Épaissir l’alimentation, et limiter ainsi la régurgitation.

• Acquérir une tolérance. Jusqu’alors, la prévention des allergies chez les enfants à risque allergique (voir Dico+) passait par l’éviction le plus longtemps possible des aliments les plus déclencheurs : poisson, œuf, arachide, kiwi et fruits exotiques, fruits de mer, céleri… Aujourd’hui, une exposition aux protéines étrangères entre 4 et 6 mois serait particulièrement favorable pour l’acquisition d’une tolérance. Tenter une diversification avant ou après cette période semble accroître nettement le risque d’allergie, d’asthme, etc. Le Dr Bocquet insiste sur l’importance d’un apport progressif.

Comment diversifier ?

• S’adapter aux besoins.

→ De 0 à 12 mois, l’enfant a besoin de 100 kcal/ kg/jour. Entre 1 et 3 ans : de 1 000 à 1 300 kcal/ jour selon le sexe et l’exercice physique.

→ Répartir les nutriments : 40 à 50 % de l’apport énergétique se fait via les lipides, 45 à 50 % par les glucides et 5 à 10 % par les protéines.

• Adapter la texture des aliments aux capacités psychomotrices. Elle évolue progressivement selon la mastication et la déglutition, assez variables d’un enfant à l’autre au même âge.

→ Commencer par des textures lisses, sans trop attendre pour introduire des purées plus grumeleuses, au plus tard vers les 8 à 10?mois de l’enfant, et des morceaux. « Cela commence par le petit biscuit ou la croûte de pain qu’on met dans la main du bébé entre 6 et 9 mois selon la compétence de chacun. C’est très important car on s’est rendu compte que les enfants qui commencent les morceaux trop tard sont plus difficiles par la suite pour accepter certains aliments comme les légumes », souligne le Dr?Bocquet.

→ Éviter de les mélanger. Au risque que l’enfant ne soit « dans une impasse, car même s’il sait gérer la texture lisse et les petits morceaux quand ils sont seuls, il ne saura pas faire les deux en même temps. Il risque d’être craintif vis-à-vis de ce qu’on lui présente ensuite ». Dès 9 mois, proposer deux assiettes : une avec les aliments en purée, l’autre avec ceux en petits morceaux.

→ Le laisser mettre les doigts. Une fois les aliments en morceaux proposés, laisser l’enfant expérimenter. Il sera d’autant plus curieux et motivé pour découvrir de nouveaux aliments.

• Proposer un seul aliment et en changer chaque jour. « Pendant les premiers mois de la diversification, il semble préférable que l’aliment soit isolé pour que l’enfant apprenne le goût de chaque chose ». Leur quantité et leur diversité sont aussi à augmenter petit à petit.

• Varier : plus les aliments proposés sont variés, plus l’enfant sera ouvert à d’autres saveurs.

• Ordonner l’introduction : aucune règle mais, en général, d’abord les farines, puis les légumes suivis des fruits dix à quinze jours plus tard. Enfin, les protéines animales, laitages et féculents.

• Privilégier la cuisson vapeur.

Différents nutriments

Lait et produits lactés

Diversifier ne veut pas dire « abandon du lait ».

• Que choisir ?

→ Des formules adaptées : éviter le lait de vache ou d’autres origines car ils n’ont pas assez de fer, d’acides gras essentiels, de vitamines, et ont trop de protéines, de sels minéraux, de sodium et de graisses saturées. Il peut être utilisé ponctuellement dans la préparation de plats mais ne doit pas être la boisson principale avant 1 an.

→ Laits infantiles : Le passage du lait 1er âge au 2e âge doit avoir lieu lors du premier repas sans lait, autour des 6 mois. De 1 à 3 ans, préférer le lait de croissance au lait de vache.

→ Alternatives : chez les petits buveurs de lait, l’apport calcique peut se faire par le fromage ou les yaourts. Préférer des spécifiques bébé.

→ Fromages : débutés vers 6 à 9?mois, en commençant par des pâtes molles au goût modéré, puis des textures plus denses et des goûts plus marqués. Pas de lait cru, fromage compris, avant 1?an car il peut être facilement contaminé.

• Quelle quantité ? Au moins 500 mL de lait ou équivalent par jour jusqu’à 3 ans. Après 1 an, pas plus de 800 mL pour limiter les protéines.

Protéines animales

Outre les produits lactés, les protéines sont apportées par la viande, le poisson, les œufs. Ils procurent du fer (viande particulièrement) et/ou des acides gras polyinsaturés à longue chaîne via le poisson. Néanmoins, des précautions sont à respecter en termes de quantité. Éviter la charcuterie, riche en sel.

• Quelles quantités ? 5 à 10 % de l’apport énergétique total (AET). Or « les apports en protéines sont quatre fois supérieurs aux besoins », d’où un excès de travail pour les reins. Un excès de protéines dans l’enfance (> 15 % de l’AET) pourrait accroître le risque d’obésité infantile. Le Dr Bocquet préconise 10 g de viande/poisson/ œuf par jour par année d’âge en cours : 10 g/jour jusqu’à 1 an, 20 g/jour la deuxième année et 30 g la troisième. « 10 g par jour, ce sont deux cuillères à café de viande ou de poisson mixé ». Un demi-œuf équivaut à 20 g de « viande » (100 g de viande ou poisson = 20 g de protéines).

• Quand ? À partir de 5-6 mois. Proposer du poisson deux fois par semaine, dont une fois saumon, sardine, maquereau, hareng. Éviter anguille, barbeau, brème, carpe, silure, bioaccumulateurs de polychlorobiphényle, et espadon, marlin, requin, lamproie (méthylmercure).

• Comment ? Suffisamment cuits à la vapeur, grillade ou bouillis. Donner les œufs, jaune et blanc, cuits durs au début. Les fruits de mer se consomment à la place et à la même dose que le poisson dès 6 mois, mais cuits avant 1 an.

Fruits et légumes

• Quand ? En général, ce sont les premiers aliments introduits, avec les farines. Le Dr?Bocquet recommande d’introduire les légumes avant les fruits, à environ dix jours d’écart. « Sinon, le risque est que l’enfant préfère ce qui est plus sucré et ait des difficultés ensuite pour les légumes ».

• Lesquels ? Ceux faciles à digérer : betterave rouge, blanc de poireau, brocoli, carotte, courgette épépinée et sans peau, épinard, haricot vert, patate douce, panais, potiron ou potimarron, tomate. Les blettes et les endives en quantité limitée et jeunes pour limiter l’apport de fibres. Les petits pois seulement s’ils sont extra-fins. Limiter la quantité de carottes en cas de constipation. Éviter les riches en fibres (salsifis) ou les goûts prononcés, en tout cas au début.

→ Les introduire de préférence un à la fois, pour la découverte, mais aussi pour débusquer, en cas d’allergie, l’aliment responsable.

→ Proposer les légumes cuits à la petite cuillère, en purée, ou en cas de difficultés, les ajouter peu à peu au lait du biberon. La pomme de terre, liant facilement digestible et peu forte en goût, ne masque pas celui du légume associé. Les fruits sont proposés cuits ou crus si bien mûrs. « Penser aux produits de saison, dont la chair est bien meilleure en goût. La nourriture n’est pas que calories, c’est surtout de l’épicurisme ». Ne pas hésiter à recourir aux surgelés, pratiques et d’excellente qualité nutritionnelle.

Matières grasses

Elles sont essentielles au bon développement, notamment cérébral, avec des besoins trois à cinq fois supérieurs à ceux des adultes, mais rarement totalement satisfaits « Les adultes, en particulier les mamans, ont peur des matières grasses. Elles veulent protéger les enfants d’un excès de poids alors que nos bébés manquent de lipides ».

• Ajouter aux plats : de l’huile de colza ou de noix, et parfois de la crème, du beurre et de l’huile d’olive pour le goût. Celles de tournesol, maïs, pépins de raisin, etc. ne contiennent pas assez d’oméga?3. Les préférer non cuites, donc les mettre après cuisson, dans les légumes par exemple. « On préconise de plus en plus l’ajout de matières grasses dans le petit pot, au dernier moment ».

• Quantités : on arrête de parler de grammes et de calories. On recommande 1 cuillère à café jusqu’à 1 an, puis « 1 cuillère à café par année d’âge en cours », conseille le Dr Bocquet.

Céréales, légumes secs, pâtes

Sources de glucides complexes, ils sont à proposer progressivement jusqu’à être présents à chaque repas.

• Farines infantiles : en premier, dès 4 mois « sans gluten » pour varier le goût du lait et l’épaissir. Pas forcément le soir car « il n’a pas été prouvé une amélioration du temps de sommeil ».

• Céréales (pain, biscuits, petites pâtes, semoule de blé, farine de maïs, tapioca…) : dès 6 mois.

• Légumes secs : dès 6 mois et mixés jusqu’à 18 mois (avant, la mastication est inefficace).

Boissons

Au départ, l’apport hydrique est assuré par le lait. Proposer ensuite de l’eau aux repas et entre, régulièrement, et surtout en cas de forte chaleur, de maladie, de chauffage, etc. Si l’enfant la refuse, ce n’est pas qu’il ne l’aime pas mais qu’il n’en a pas besoin à ce moment-là. Éviter les boissons sucrées et l’ajout de sucre en général.

Sel

Plus de 95 % des plus de 1?an ont des apports en sel supérieurs aux recommandations. Or, l’excès augmente l’appétence envers le sel à l’âge adulte, et la pression artérielle chez les enfants/ados. Ne pas en ajouter dans les petits pots, dont la teneur en sel est suffisante, saler peu lors de la cuisson et ne pas resaler après.

Aliments dits à risque

• Gluten. Son introduction est préconisée(1) entre le 4e et le 12e mois, en limitant les quantités la semaine suivant l’initiation et durant l’enfance. Passer à des céréales sans gluten vers 6 mois, en augmentant peu à peu les quantités.

• Miel. Pas avant 1 an en raison du risque de botulisme (voir Dico+). Ensuite, le système immunitaire est assez mature pour se défendre.

• Oléagineux (fruits à coque). Riches en acides gras essentiels, mais réputés allergisants, il semble néanmoins intéressant de les introduire dès 6?mois, mixés dans les gâteaux ou desserts lactés pour favoriser l’acquisition de tolérance. Ne pas les proposer entiers avant 3?ans en raison du risque d’inhalation accidentelle. Pour les enfants à haut risque d’allergie à la cacahuète (ceux avec eczéma sévère et/ou allergie aux œufs), l’introduction se fait sous contrôle médical entre 4 et 11 mois.

• Le fait maison permet une grande diversité des goûts et une certaine gourmandise. Mais les petits pots restent intéressants car très sécuritaires et adaptés aux besoins nutritionnels.

Conseils de sérénitél

• Admettre les refus. L’acceptation d’un aliment est plus ou moins rapide. Les saveurs acides ou amères et les textures granuleuses ou collantes sont moins bien acceptées.

• Être souple sans désespérer. Ne pas forcer l’enfant, au risque de créer des conflits qui compromettraient la diversification. Les aliments non appréciés au départ peuvent finir par le devenir, voire être aimés, en lui reproposant jusqu’à huit à dix fois dans une ambiance détendue.

• La convivialité permet une diversification sereine et une meilleure acceptation des nouveautés.

• L’enfant sait se réguler. Lui faire confiance sur les quantités, mais respecter le nombre de repas et éviter les grignotages. Ne pas proposer trop de nouveautés en même temps au risque de le brusquer et d’entraîner des refus.

• Ne pas se poser trop de questions. La diversification n’est pas une étape stricte et stressante, mais une période de partage et de découverte !

(1) Comité de nutrition de l’European Society for Paediatric Gastroenterology, Hepatology, and Nutrition (ESPGHAN), janvier 2017. Issues de Complementary Feeding: A Position Paper by the European Society for Paediatric Gastroenterology, Hepatology, and Nutrition (ESPGHAN) Committee on Nutrition, JPGN, Volume 64, Number 1, January 2017.

Merci au Dr Alain Bocquet, pédiatre spécialisé en gastro-entérologie et nutrition, à Besançon (25), responsable nutrition de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (Afpa), et du site www.mpedia.fr axé sur les enfants de 0 à 11 ans.

Info+

→ 4 mois révolus signifie que le bébé vient de fêter ses 4 mois (il a vécu 4 mois pleins), c’est donc son âge.

→ 1/4 de L de lait = 300 mg de calcium = 2 yaourts = 4 petits suisses = 80 g de camembert = 30 g d’emmental/comté.

Dico+

→ La néophobie est la peur de goûter à de nouveaux aliments. Elle survient en général vers l’âge de 2 ans, puis disparaît peu à peu en quelques années.

→ Un enfant est à risque allergique si l’un ou plusieurs de ses parents du premier degré (mère, père, sœur, frère) a souffert ou souffre d’allergie.

Info+

→ Un guide pratique à télécharger sur le site mangerbouger.fr : La santé vient en mangeant, le guide nutrition de la naissance à 3 ans, http://bit.ly/2oPhOmi

Dico+

→ Botulisme : affection neurologique grave provoquée par une toxine produite par la bactérie Clostridium botulinum.

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