La schizophrénie - Porphyre n° 531 du 27/03/2017 - Revues
 
Porphyre n° 531 du 27/03/2017
 

Savoir

La patho

Auteur(s) : Thierry Pennable

Décrite il y a cent ans, la schizophrénie reste l’une des maladies psychiatriques les plus mystérieuses, et l’une des plus graves par son retentissement. Tous les intervenants professionnels de santé peuvent contribuer à améliorer sa prise en charge.

La maladie

Définition

• La schizophrénie est une affection psychotique chronique caractérisée par la persistance de symptômes chroniques invalidants et par des épisodes aigus accompagnés de délires et d’hallucinations (voir Les symptômes).

• Elle débute en général chez l’adolescent et le jeune adulte entre 15 et 30 ans.

• Ce n’est pas une maladie mentale. Les patients ont une intelligence conservée mais perturbée dans son fonctionnement en raison des troubles psychiques de la maladie. La schizophrénie entraîne une désorganisation de la personnalité et altère sévèrement le rapport à la réalité.

• Contrairement à une idée reçue, la maladie ne correspond pas à un dédoublement de la personnalité, et ses nombreuses manifestations varient d’un patient à l’autre.

Physiopathologie

L’origine précise de la maladie demeure inconnue. Les hypothèses étiologiques portent sur l’association de facteurs génétiques et de stress psychologiques et environnementaux qui entraîneraient une vulnérabilité favorisant le développement des troubles.

Une composante génétique…

L’existence d’une susceptibilité génétique est montrée par les études. Le risque de développer la maladie est proportionnel à la proximité du lien familial. Alors que la schizophrénie touche 1 % de la population, elle affecte environ 10 % des apparentés au premier degré d’une personne atteinte, parent, enfant, frère ou sœur.

… et environnementale

Environ 50 % des « vrais jumeaux », monozygotes, sont atteints. Le fait que, dans un cas sur deux, un seul des jumeaux développe le trouble montre l’implication d’autres facteurs environnementaux précipitants ou protecteurs. Autant de facteurs dont les effets sont encore mal connus. Sont évoqués par exemple :

• des problèmes au cours du développement fœtal, incompatibilité rhésus ou complications pendant la grossesse ;

• la consommation de cannabis provoque ou précipite la survenue de la maladie chez des personnes vulnérables ;

• vivre en milieu urbain ou être enfant issu de l’immigration font partie des facteurs étudiés.

Signes cliniques

Dissociation

La principale caractéristique de la schizophrénie est la dissociation, qui désigne une rupture dans le psychisme. Les affects, les pensées et les comportements ne sont plus liés harmonieusement. Cette dissociation entre la perception de l’environnement et le monde réel infiltre toutes les dimensions de la vie psychique du patient : intellectuelle, affective et comportementale. Elle se manifeste par :

• une ambivalence, c’est-à-dire une disposition de l’esprit à produire simultanément des états psychiques opposés en mêlant des sensations ou des expressions contradictoires. Par exemple, rire en annonçant une nouvelle triste ;

• une bizarrerie caractérisée par des idées étranges qui s’enchaînent de manière insolite et maniérée, des sourires immotivés, un comportement étrange ou une tenue vestimentaire inadaptée qui montrent une rupture du sujet avec son environnement ;

• un détachement du réel caractérisé par un retrait affectif, un repli sur soi, une froideur dans le contact et une indifférence. On parle d’une composante autistique de la maladie.

Symptômes positifs ou « productifs »

Hallucinations

Ce sont des perceptions ou des sensations éprouvées par une personne en l’absence d’un objet extérieur réel. Ces « perceptions sans objet » peuvent être auditives (sons, voix…), visuelles (images, scènes…), tactiles (sensation de brûlure, piqûre…) ou revêtir d’autres formes, olfactives, gustatives… Les hallucinations auditives sont les plus fréquentes. Elles débutent souvent par des sons, puis des mots qui vont former des phrases. La personne est ensuite parasitée par l’impression que quelqu’un lui parle en permanence. À partir de ces hallucinations, se construit un syndrome d’automatisme mental avec le sentiment de perdre son autonomie de pensée. La personne est alors convaincue qu’une force supérieure guide ses actes, ses paroles ou ses pensées.

Délire paranoïde

De façon générale, le délire est défini comme une interprétation erronée de la réalité extérieure basée sur des idées fausses. Les pensées délirantes peuvent être vécues dans l’angoisse ou l’indifférence. Dans la forme typique de la schizophrénie, le délire est dit « paranoïde » et implique :

• différents thèmes : persécutifs, mystiques, mégalomaniaques, d’influence avec la conviction d’être sous l’emprise d’une force extérieure, hypocondriaques, de référence quand la personne a le sentiment que les émissions de télévision s’adressent à elle par exemple, ou de transformation corporelle ;

• l’adhésion au délire : la personne est persuadée de la réalité du délire et se montre souvent réticente à exprimer ses idées délirantes ;

• la rationalisation du délire, qui se fait en fonction de la culture contemporaine (écoutes téléphoniques, Internet, terrorisme…). Dans le délire de persécution, par exemple, la personne est convaincue d’être espionnée, suivie ou écoutée par des personnes (proche, voisin, employeur…) ou des organisations (mafia, services secrets…).

Symptômes déficitaires ou « négatifs »

Ils se manifestent par un désinvestissement de la réalité, un repli sur soi progressif (repli autistique), une diminution des capacités à penser, parler et agir, une baisse des réactions émotionnelles et des capacités cognitives : concentration, attention, mémoire et abstraction (voir encadré).

Formes de schizophrénie

En France, selon que prédominent les signes positifs ou négatifs, on distingue plusieurs types de schizophrénies.

• Schizophrénie paranoïde, la plus fréquente, avec une activité délirante prédominante. La maladie évolue par poussées, entrecoupées de périodes de rémission. L’évolution est favorable si le patient répond bien aux neuroleptiques.

• Schizophrénie hébéphrénique, avec prédominance de la dissociation et des signes déficitaires, dont apragmatisme et diminution des centres d’intérêt, avec un impact important sur l’adaptation sociale. La maladie évolue progressivement après un début insidieux et précoce. Elle peut être stabilisée par un traitement précoce.

• Schizophrénie dysthymique. Cette forme de schizophrénie intermittente associe symptômes schizophréniques et troubles de l’humeur. Elle alterne crises dissociatives aiguës et périodes de rémission. Le traitement associe neuroleptiques et médicaments régulateurs de l’humeur.

• Schizophrénie catatonique. Elle se manifeste par des périodes d’immobilité et de mutisme total et peut présenter un danger vital à court terme.

• Schizophrénie simple. D’installation progressive, elle est caractérisée par une prédominance des signes négatifs, un appauvrissement des relations, un apragmatisme scolaire et professionnel et un isolement. Elle associe bizarrerie du comportement et marginalité, avec peu ou pas d’éléments délirants.

• Schizophrénie héboïdophrénique. Association de symptômes schizophréniques et psychopathiques avec comportements antisociaux.

Entrée dans la maladie

Deux types de début de la maladie sont décrits.

Début progressif

C’est le plus fréquent, le plus souvent pendant l’adolescence. Dans un premier temps, des troubles peu spécifiques apparaissent de façon progressive et insidieuse. Des changements du comportement sont marqués par un retrait social croissant, associé à un caractère renfermé sur soi-même, une difficulté à entrer en relation avec les autres, une perte d’intérêt pour les copains et un refus des activités de groupe. Dans le même temps, les performances scolaires ou professionnelles déclinent. Puis les difficultés relationnelles s’aggravent. Le jeune entre parfois en opposition avec ses parents. Le comportement peut devenir bizarre. Un intérêt étrange pour des thèmes magiques, pseudo-philosophiques ou pseudo-scientifiques est exprimé de façon obscure, allusive, incohérente.

Début brutal

L’entrée dans la maladie prend la forme d’un épisode psychotique aigu et transitoire. Cet épisode touche la personne du jour au lendemain, sans signe avant-coureur. Les éléments délirants, l’agitation et la discordance sont au premier plan. Dans ce cas, les diagnostics différentiels possibles sont un accès maniaque d’un trouble bipolaire ou une prise de toxique. L’entrée brutale dans la maladie peut aussi prendre la forme d’un épisode dépressif ou un passage à l’acte (tentative de suicide, fugue, délit…).

Diagnostic

Le repérage de la maladie est du domaine de tout médecin. L’évaluation et le diagnostic nécessitent un recours précoce à un psychiatre, pédopsychiatre pour les formes infantiles et précoces, neuropsychiatre ou neurologue en cas de difficultés diagnostiques.

Examen clinique

L’examen clinique et les entretiens avec le patient et son entourage permettent de diagnostiquer des symptômes parfois difficiles à repérer à un stade précoce de la maladie. Ces symptômes sont recherchés dans les mois ou les années précédant la consultation. Ils peuvent être masqués par d’autres troubles (conduites alimentaires, symptômes dépressifs, troubles obsessionnels et compulsifs) ou par une toxicomanie. Une crise d’adolescence peut expliquer la baisse des performances scolaires ou professionnelles. Pour le diagnostic de schizophrénie, les symptômes caractéristiques doivent être présents de façon permanente depuis au moins six mois.

Diagnostics différentiels

Imagerie cérébrale, électroencéphalogramme ou biologie sont utilisés pour éliminer :

• des causes organiques : traumatisme crânien, syndrome méningé, toxicomanie… ;

• certaines maladies : tumeurs au cerveau, troubles de la thyroïde, épilepsie, maladie de Wilson, chorée de Huntington…

Évolution

Les premières années sont le plus souvent caractérisées par une succession de phases aiguës. Le traitement permet de diminuer des symptômes productifs. La maladie se stabilise ensuite avec des symptômes résiduels d’intensité variable :

• environ un tiers des patients connaît une rémission durable qui permet la reprise d’une vie sociale, professionnelle et affective ;

• pour un autre tiers, la maladie persiste avec des symptômes plus ou moins contrôlés par le suivi médical. Des rechutes de phases aiguës sont possibles ;

• les 20 à 30 % de patients restants sont peu répondeurs aux traitements. Ils connaissent une aggravation des symptômes.

Pronostic

Il dépend de la forme clinique, de la participation du patient au projet thérapeutique et de son entourage.

• Facteurs favorables : début tardif et aigu, évolution discontinue de la maladie, qualité et précocité du soutien psychosocial, de l’accès aux soins et de l’adhésion du patient à sa prise en charge, situation sociale et familiale stable, réponse rapide et favorable au traitement.

• Facteurs défavorables : début précoce avec progression rapide des symptômes déficitaires, isolement social, antécédents familiaux, prise en charge tardive, addiction, mauvaise observance.

• Risque suicidaire : 10 à 15 % des patients se suicident, notamment dans les premières années de la maladie. Près d’un malade sur deux fait au moins une tentative au cours de sa vie. Tout épisode dépressif ou recrudescence hallucinatoire implique une vigilance accrue.

Suivi

La schizophrénie est principalement prise en charge dans le cadre du secteur psychiatrique (organisation de la psychiatrie publique), plus rarement par un psychiatre libéral.

Son traitement

Objectif(2)

Les objectifs thérapeutiques visent à :

→ réduire ou éliminer les symptômes ;

→ aider le patient à prendre conscience de sa pathologie et à accepter son traitement. L’alliance thérapeutique entre le patient, son entourage et l’équipe soignante est fondamentale ;

→ préserver les capacités cognitives et d’adaptation pour l’autonomie et à la qualité de vie ;

→ prévenir les rechutes.

Stratégie(2)

La stratégie thérapeutique est adaptée pour chaque patient selon la phase d’évolution de la maladie et en fonction du condiv clinique, biologique et social. La prise en charge globale vise autant les symptômes que l’insertion sociale, familiale et affective. Elle repose sur :

→ l’instauration d’un traitement médicamenteux afin de stabiliser ou d’atténuer la symptomatologie ;

→ la réadaptation individuelle par la psychothérapie ou la psychoéducation ;

→ l’aide à la formulation d’un projet de vie personnel compte tenu du handicap.

Médicaments

La schizophrénie est associée à une hyperactivité dopaminergique et sérotoninergique, d’où le recours aux neuroleptiques et autres médicaments actifs sur ces neurotransmetteurs.

Neuroleptiques

Deux grands groupes

Traitement de référence de la schizophrénie, les neuroleptiques (NLP) sont classés en deux groupes :

• les neuroleptiques de première génération, ou « neuroleptiques classiques » (voir tableau p. 34) ;

• les neuroleptiques de deuxième génération, plus récents, dits atypiques ou appelés antipsychotiques (voir tableau p. 35). « Ils dominent les neuroleptiques classiques dans les prescriptions, conformément aux recommandations : antipsychotiques en première et deuxième intentions, et neuroleptiques de première génération en troisième intention, ou en cas de résistance aux antipsychotiques, fait remarquer Jérôme Holtzmann, psychiatre au pôle psychiatrie et neurologie du CHU de Grenoble (38). Exception faite pour les phénothiazines, telles Nozinan et Tercian, encore utilisées pour leur action anxiolytique, mais plus pour leur action antipsychotique ».

Mécanismes d’action

• Les neuroleptiques de première génération ont une action antagoniste dopaminergique et améliorent les anomalies observées dans la schizophrénie. Le système dopaminergique joue un rôle dans la régulation de la vie émotionnelle, le contrôle de la motivation, la modulation de la perception, l’organisation des comportements adaptatifs et le contrôle de la motricité.

• Les antipsychotiques sont à la fois antagonistes dopaminergiques et sérotoninergiques. En rééquilibrant l’action des neurotransmetteurs, ils sont plus efficaces sur les signes déficitaires.

Effets thérapeutiques

• Sur les signes positifs (hallucinations, délire…), les effets thérapeutiques varient en fonction des molécules, parfois de leur dosage, et de la réponse des patients. Les neuroleptiques ont une action(3) :

→ anti-hallucinatoire : diminution des hallucinations auditives, visuelles, sensitives ou autres ;

→ anti-délirante : atténuation ou disparition des idées délirantes ;

→ sédative : diminution de l’angoisse, agitation ou agressivité qui accompagnent le délire et les hallucinations ;

→ désinhibitrice : amélioration du contact avec l’environnement.

• Sur les signes négatifs, les antipsychotiques semblent plus efficaces que les premières générations sur :

→ les signes négatifs qui ressemblent à la dépression : ralentissement, retrait affectif ;

→ l’amélioration des troubles cognitifs : processus de la pensée, de la mémoire, de la concentration, de l’apprentissage…

• En cas d’effets variables, selon l’action prédominante des molécules :

→ angoisse et agitation : neuroleptiques avec action sédative prédominante. Exemples : Nozinan, Tercian… ;

→ hallucinations et délires : neuroleptiques avec action antiproductive ou incisive. Exemples : Haldol, Leponex, Moditen, Risperdal, Zyprexa… ;

→ ralentissement, retrait affectif et social : neuroleptiques avec action anti-déficitaire ou désinhibitrice. Exemples : Fluanxol, Loxapac, Piportil…

Certains neuroleptiques dits polyvalents agissent à la fois sur les symptômes positifs et négatifs. Exemples : Abilify, Leponex, Risperdal, Zyprexa…

Délai d’action

La réponse thérapeutique apparaît en deux ou six semaines(3). Une réponse insuffisante après six semaines impose une modification de posologie ou un changement de molécule.

Modalités de prescription

• Les recommandations. La Haute Autorité de santé (HAS) recommande d’utiliser les antipsychotiques en première intention(2), « en raison d’un profil efficacité-tolérance neurologique plus favorable ». Les neuroleptiques de première génération sont employés en première intention en cas de cure antérieure efficace et bien tolérée, ou chez des patients très bien équilibrés avec ces neuroleptiques. Dans tous les cas :

→ la posologie minimale efficace est recherchée ;

→ la monothérapie est privilégiée, si possible sous forme orale ;

→ les neuroleptiques à longue durée d’action par voie injectable sont envisagés pour la prévention des rechutes chez les patients non observants.

• En pratique. Les associations de neuroleptiques sont fréquentes. Elles sont guidées par la stratégie thérapeutique. En cause :

→ l’efficacité relative du traitement : si un premier antipsychotique, puis un deuxième n’ont pas eu les effets attendus, un troisième peut améliorer les symptômes à 60 %. Le médicament est alors conservé pour maintenir cette amélioration et un second médicament est associé pour gagner en efficacité ;

→ une adaptation aux neuroleptiques lors des traitements au long cours est parfois évoquée. Le neuroleptique fonctionne mais perd de son efficacité. Ce qui peut inciter à une association ou à la prescription de doses élevées.

Effets indésirables

Tous les neuroleptiques présentent globalement les mêmes effets indésirables, qui sont très nombreux. Ils sont plus ou moins fréquents et plus ou moins intenses selon les médicaments et les personnes. Tout nouveau comportement ou problème survenant chez une personne sous neuroleptique nécessite un avis médical.

• Neurovégétatifs

→ Hypotension orthostatique : potentialisée par les anti-hypertenseurs, les médicaments du système nerveux central.

→ Effets atropiniques (sécheresse buccale, dysurie, constipation, tachycardie, confusion), plus marqués avec les NLP classiques, l’olanzapine (Zyprexa) et la clozapine (Leponex).

→ Syndrome malin : il associe hyperthermie, hypotension, rigidité musculaire, troubles nerveux, altération de la conscience. Il peut survenir avec tous. Rare (0,5 %) mais à fort potentiel mortel (20 % en l’absence de traitement).

→ Troubles de la régulation thermique : hypothermie au froid, hyperthermie à la chaleur.

• Neurologiques. Ces effets extra-pyramidaux concernent essentiellement les NLP classiques, mais se rencontrent aussi avec les atypiques. On trouve précocement des dyskinésies, des dystonies aiguës (mouvements anormaux de la face), un syndrome parkinsonien (akinésie : rareté du mouvement ; hypertonie : rigidité par à-coups ; tremblement de repos), une akathisie (impossibilité de rester assis), une tasikinésie (tendance à la déambulation permanente). Les dyskinésies tardives, en grande partie irréversibles, se manifestent par des mouvements anormaux très variés (face, membres, tronc).

• Psychiques. Sédation, confusion, anxiété, indifférence psychomotrice, dépression. Le risque de somnolence et l’abaissement du seuil épileptogène imposent une restriction de certaines activités (conduite automobile…).

• Endocriniens et métaboliques. Hyperprolactinémie (gynécomastie, galactorrhée, impuissance, frigidité, aménorrhée) fréquente avec les neuroleptiques classiques et la rispéridone, prise de poids, diabète, hyponatrémie. Les troubles métaboliques (hyperglycémie, hypertriglycéridémie) sont fréquents avec les atypiques. La prise de poids, fréquente et importante sous clozapine et olanzapine, accroît le risque cardio-vasculaire.

• Cardiaques : allongement du QT, d’où une surveillance régulière de l’ECG et un contrôle de l’équilibre ionique et des interactions médicamenteuses (rares cas de mort subite avec).

• Divers : leucopénie, photosensibilisation (phénothiazines), agranulocytose (clozapine, voir encadré), tératogénicité, rétention biliaire, cytolyse hépatique, dépôt cornéen.

Autres psychotropes

D’autres médicaments s’ajoutent aux neuroleptiques en cas de signes psychiatriques associés.

Antidépresseurs

Ils sont prescrits en cas de symptomatologie dépressive en dehors d’une phase aiguë de la schizophrénie. Susceptibles de réactiver le délire, ils sont utilisés associés à un neuroleptique qui va contenir celui-ci (sauf IMAO contre-indiqués).

Anxiolytiques benzodiazépiniques

Ils peuvent être prescrits quand les antipsychotiques n’atténuent pas assez l’angoisse fréquente chez les patients. Elles potentialisent les effets sédatifs des neuroleptiques. Leur usage est limité par les effets indésirables : dépendance, amnésie antérograde, diminution du tonus musculaire.

Thymorégulateurs

Dans certains cas particuliers, comme les formes résistantes de schizophrénie ou les états d’excitation délirante atypique, certains thymorégulateurs (valproate, carbamazépine et lithium) sont associés avec précaution aux neuroleptiques.

Traitements non médicamenteux

Les mesures non pharmacologiques visent à favoriser l’observance, à améliorer le vécu du patient et à pallier ses déficiences par la restauration cognitive, l’amélioration des compétences sociales ou la réinsertion socio-professionnelle. C’est le volet psycho-social du traitement.

Hospitalisation

La prise en charge ambulatoire est autant que possible privilégiée, mais l’hospitalisation avec ou sans consentement est assez fréquente. Elle est indispensable lors des phases aiguës pour fournir un cadre thérapeutique au patient. En dehors de l’aigu, l’hospitalisation permet d’évaluer les troubles et leur intensité, d’instaurer ou d’adapter le traitement et de surveiller ses effets indésirables et d’établir ou de consolider la relation thérapeutique.

À la sortie, le suivi est assuré par les services extra-hospitaliers : centre médico-psychologique (CMP), centre d’accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP), hôpital de jour, unité de post-cure, hébergement thérapeutique.

Psychothérapies

Psychothérapie de soutien

Elle doit être régulière. Elle est indispensable pour informer le patient sur sa maladie, repérer ses difficultés et apporter des solutions.

Techniques cognitivo-comportementales

Les TCC travaillent sur les difficultés de concentration et d’organisation. Ce qui permet de combattre le sentiment de dévalorisation. Elles contribuent à réduire les symptômes, en particulier les délires. Elles peuvent améliorer la gestion des émotions, du traitement et de la vie quotidienne.

Remédiation cognitive

Elle s’appuie sur des programmes thérapeutiques d’entraînement intellectuel individuels ou en groupe. Elle vise à restaurer les fonctions cognitives défaillantes (mémoire, attention, fonction exécutive, cognition sociale). La remédiation cognitive repose sur la répétition d’exercices, l’apprentissage de stratégies pour résoudre des situations rendues complexes par la maladie, comme répondre à des obligations professionnelles ou scolaires ou planifier une matinée de courses. Les exercices sont réalisés avec un professionnel avec différents supports (planches avec des mots, images, films, souvent à l’aide d’un ordinateur). Ils apportent plus de confiance en soi et en ses capacités intellectuelles.

Psychoéducation

Elle s’adresse aux patients et aux familles et repose sur des programmes psychoéducatifs. Elle vise à replacer le patient en position d’acteur et à accroître son autonomie. La transmission d’un savoir sur sa maladie lui permet de surmonter le sentiment d’impuissance face à des symptômes qu’il ne comprend ni ne contrôle. La psychoéducation familiale reconnaît la place de la famille et prend en charge l’entourage du patient. Des études montrent que les familles à forte « expression émotionnelle », hostiles et critiques envers la maladie et son traitement, et surinvesties émotionnellement, présentent un risque plus élevé de rechute pour le patient. En réciprocité, la sévérité de l’atteinte psychotique peut provoquer une détresse émotionnelle au sein de la famille, qui expliquerait en partie l’augmentation des émotions exprimées.

Réadaptation-réhabilitation sociale

• Pour les plus jeunes, les interventions médico-pédagogiques visent à préserver une scolarité ou une scolarisation. L’intégration en milieu scolaire ordinaire est possible à l’aide d’un projet d’accueil individualisé (PAI).

• Pour les adultes, les aides à la réinsertion visent le maintien en milieu professionnel ou l’orientation vers des structures de réadaptation et/ou de travail protégé. Les aides et prestations autorisées par les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) englobent :

→ la reconnaissance de travailleur handicapé ;

→ l’accès à des formations adaptées au handicap ou des emplois en milieu ordinaire ou protégé ;

→ l’accès à un service d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) ou service d’accompagnement médico-social pour adulte handicapé (Samsah) ;

→ l’allocation aux adultes handicapés (AAH), en cas d’impossibilité d’exercer une profession ;

→ l’accès à un foyer d’accueil médicalisé, foyer de vie, maison d’accueil spécialisée (MAS).

Traitements biologiques

Électroconvulsivothérapie (ECT)

Elle est réservée en cas d’efficacité insuffisante des médicaments ou de contre-indication (syndrome malin, mauvaise tolérance). Pratiquée sous anesthésie, en cure de plusieurs séances, l’ECT permet un soulagement rapide dans les exacerbations symptomatiques de la schizophrénie. Par exemple, lors de syndromes paranoïdes aigus, lorsque l’intensité de l’angoisse ou les idées délirantes font courir un risque de passage à l’acte auto- ou hétéroagressif.

Stimulation magnétique transcrânienne (TMS)

Elle est moins contraignante que l’ECT. Elle permet une stimulation cérébrale non invasive sans anesthésie. Une bobine métallique parcourue par un courant électrique alternatif, disposée sur le crâne, produit une impulsion magnétique brève, plus ou moins intense.

La TMS a montré un intérêt dans les hallucinations résistantes aux médicaments et sur les symptômes négatifs.

Conseils aux patients

Particulièrement sujet à l’angoisse et au stress le patient peut avoir des difficultés dans le contact avec autrui. Empathie et réassurance favorisent la relation. Le but premier est de maintenir le contact entre le patient et le dispositif de soins en l’orientant éventuellement vers son médecin ou son infirmier référent.

Observance

Favoriser la continuité

« J’en ai marre, je vais arrêter ». Rappeler l’intérêt de l’observance pour son mieux-être et la réalisation de ses projets. Un défaut d’observance conduit très vite à une rechute avec recrudescence, voire aggravation des symptômes.

Expliquer les effets indésirables

• « Ce traitement me fatigue ». Comme dans toute maladie chronique, le patient peut attribuer au médicament des effets indésirables qui sont en fait des signes de la maladie. La fatigue est un effet indésirable des neuroleptiques qui peut être pris pour l’apathie et le manque d’énergie associés à la schizophrénie.

• « J’ai pris dix kilos avec le Zyprexa ! » C’est une réalité de cette molécule. Les NLP entraînent souvent un gain pondéral en empêchant aussi la sensation de satiété. Rappeler que ce médicament ouvre l’appétit et qu’il faut faire attention, éviter de manger trop sucré, et parler d’hygiène de vie. Orienter vers des aliments peu caloriques, peu onéreux, faciles à conserver et peu coûteux : œufs, thon et poisson en conserve, bœuf en gelée, lait, yaourt et fromage de premier prix et longue conservation, pomme, chou-fleur, épices, légumes secs, légumes et fruits en conserve ou de saison. Si le patient a pris 10 ou 20 kilos, il risque d’arrêter son traitement. L’orienter vers son médecin pour en reparler.

Repérer les signes

« C’est les voix qui me le disent ». Une recrudescence des symptômes est possible, même sous traitement bien observé. Deux situations peuvent être distinguées.

• Le patient parle de ses symptômes avec un regard critique : « Les voix sont revenues, pourtant je prends mon traitement ». C’est une attitude plutôt positive, même si les signes sont toujours présents. Inciter le patient à en parler à son médecin, qui pourra adapter le traitement.

• Le patient rapporte des éléments délirants comme s’ils faisaient partie de la réalité : « J’ai jeté tous mes médicaments, des voix me disent qu’ils sont mauvais pour moi ». Lorsque le patient semble être halluciné ou délirant, la situation est plus inquiétante. Il faut renvoyer le patient vers son médecin ou son infirmier référent. Il peut être opportun d’alerter le CMP (voir ci-dessous), qui n’a peut-être pas cette information sur l’état du patient.

En lien avec le CMP

Les centres médico-psychologiques (CMP) sont des unités d’accueil et de coordination des soins. Ce sont des structures de l’hôpital installées en ville pour assurer la continuité des soins au plus près du lieu de vie du patient. Connaître les coordonnées du CMP le plus proche permet de s’adresser aux infirmiers qui suivent le patient et d’échanger avec eux sur la meilleure façon de maintenir la relation thérapeutique.

Automédication

Certains NLP ou apparentés sont utilisés comme anti-nauséeux ou anti-histaminiques : dompéridone, métoclopramide, métopimazine, alimémazine et prométhazine… À éviter car ils augmentent le risque de surdose et d’effets indésirables. Attention aussi aux médicaments pouvant provoquer ou aggraver des troubles psychiques : sevrage tabagique ou à l’alcool, certains antibiotiques, des hormones, etc.

Vie quotidienne

Hygiène

Surveiller régulièrement les dents (risque de caries) en raison de la baisse de sécrétion salivaire. Orienter vers le dentiste. En cas d’exposition solaire, protéger les parties découvertes par un écran haute protection en raison de la photosensibilité des NLP, phénothiazines surtout.

Hydratation

Boire régulièrement contre la bouche sèche. En palliatif, utiliser Sulfarlem 25 ou Artisial (salive artificielle). S’hydrater est indispensable l’été sous NLP car le corps réagit moins bien à la chaleur. Le transit sera également amélioré.

Produits psychoactifs

L’alcool est contre-indiqué, surtout en début de traitement, en raison de la somnolence excessive qu’il provoque. Le cannabis ou la cocaïne peut favoriser une réapparition de symptômes. En parler au psychiatre. Alcool, tabac et cannabis peuvent diminuer les concentrations des NLP avec une moindre efficacité.

Activité physique

Les troubles métaboliques nécessitent une activité physique régulière, telle la marche, 30 minutes par jour. En raison de l’hypotension orthostatique, ne pas se lever brusquement.

Sexualité

Inciter le patient à en parler à son psychiatre.

Thierry Pennable Avec l’aimable participation du Dr Jérôme Holtzmann, psychiatre au pôle psychiatrie et neurologie du CHU de Grenoble (38).

1) La schizophrénie, une maladie très invalidante, sur le site www.fondation-fondamental.org

(2) Schizophrénies, Guide ALD 23, Haute Autorité de santé, 2007.

(3) Les médicaments psychotropes. Psychiatrie et santé mentale, Guide d’information du Réseau PIC (Pharmaciens Information Communication), 2013.

Zoom sur les symptômes déficitaires

Les symptômes déficitaires, ou négatifs, de la schizophrénie altèrent les relations sociales du patient. En voici des exemples.

→ L’indifférence affective : la personne peut évoquer le décès d’un proche sans se montrer affectée, voire en souriant. Il s’agit d’une défense contre une hypersensibilité liée à la maladie.

→ Le coq-à-l’âne, quand la pensée « saute » d’un sujet à un autre.

→ Le fading mental : la voix s’éteint petit à petit puis remonte.

→ L’ambivalence : vouloir une chose et son contraire en même temps. Ce qui peut entraîner une immobilité (catatonie) ;

→ Perte de l’élan vital.

→ Le manque d’énergie induit un désintérêt pour les activités habituelles ou sociales et une négligence de l’hygiène corporelle.

→ La perte de la capacité d’initiative ou de mettre en jeu des comportements et des actions normales et naturelles.

→ Des troubles de la mémoire de travail et l’impossibilité d’utiliser l’intelligence pourtant présente entraînent une baisse des performances scolaires et professionnelles.

→ La perte des facultés d’adaptation provoque un handicap professionnel et social.

Info+

→ Le terme schizophrénie est formé, par l’intermédiaire de l’allemand, de « schizo » : séparer, fendre, et « phrein » : pensée. Il a été proposé en 1911 par le psychiatre suisse Eugen Bleuler, et renvoie à la principale caractéristique de la schizophrénie, la dissociation.

L’avis du spé

“Les antipsychotiques retards ont favorisé l’observance”

Dr Jérôme Holtzmann, psychiatre au pôle psychiatrie et neurologie du CHU de Grenoble (38).

Y a-t-il une évolution des traitements médicamenteux de la schizophrénie ?

Les médicaments disponibles ont connu des améliorations successives. Mieux tolérés, les neuroleptiques dits de deuxième génération ou antipsychotiques, apparus dans les années 1990, permettent des traitements mieux supportés. Dans les années 2000, l’Abilify, seul médicament d’une sous-classe des antipsychotiques, a apporté un profil de tolérance un peu différent. Le développement des antipsychotiques à forme retard a favorisé l’observance avec des prises espacées. Ce qui n’existait qu’avec les neuroleptiques classiques. Depuis quelques mois, le palmitate de palipéridone (Trevicta) sous forme prolongée permet des injections trimestrielles. C’est également une nouveauté intéressante en termes d’observance.

Que peut-on dire des thérapies non médicamenteuses ?

Des techniques nouvelles se développent. Les psychoéducations individuelles ou familiales, les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) sont globalement plus accessibles mais restent insuffisamment utilisées. Les TCC sont pourtant intéressantes sur certains symptômes comme l’anxiété, les troubles du sommeil et même sur les hallucinations. Les apports des centres de réhabilitation et l’implication des associations de patients et des groupes d’entraide mutuelle (1) dans les hôpitaux contribuent aussi à améliorer la prise en charge globale de la schizophrénie.

(1) Les groupes d’entraide mutuelle (GEM) sont des lieux deloisirs et de convivialité gérés par et pour les usagers et ex-usagers en psychiatrie qui luttent avant tout contre la solitude des patients.

Info+

→ L’action antidopaminergique des neuroleptiques expose à un risque d’effets extra-pyramidaux, traités soit en réduisant la posologie, soit en ajoutant un correcteur anticholinergique dont l’action induit aussi des manifestations iatrogènes (sécheresse buccale, troubles de la miction, digestifs et de l’accommodation). D’où sa prescription uniquement en curatif et pour quatre mois au plus. Correcteurs : bipéridène (Akineton LP), trihexyphénidyle (Artane ; Parkinane LP), tropatépine (Lepticur, Lepticur Park).

Contre-indications médicales des antipsychotiques(*)

→ Amisulpride : allaitement, phéochromocytome, tumeur prolactino-dépendante connue (cancer du sein…).

→ Clozapine : analyses de sang régulières impossibles, antécédent de granulopénie ou d’agranulocytose, insuffisance médullaire fonctionnelle, épilepsie non contrôlée, psychose induite par des toxiques, intoxication médicamenteuse, états comateux, collapsus circulatoire et/ou dépression du système nerveux central, troubles rénaux ou cardiaques sévères, affection hépatique active ou progressive, insuffisance hépatique, iléus paralytique.

→ Olanzapine : risque connu de glaucome à angle fermé.

→ Quétiapine : allaitement.

→ Rispéridone : démence.

(*) Hors allergie ou hypersensibilité et chez l’adulte.

Le Leponex sous surveillance

En raison du risque d’agranulocytose, rare mais grave, la clozapine (Leponex) est réservée en cas d’échec d’au moins deux traitements neuroleptiques bien conduits, dont un antipsychotique. Sa délivrance est encadrée.

→ Prescription restreinte : prescription initiale hospitalière annuelle réservée aux psychiatres, neurologues et gériatres ; renouvellement possible en ville par ces mêmes spécialistes.

→ Surveillance : NFS une fois par semaine les dix-huit premières semaines puis au moins une fois par mois et les quatre semaines suivant l’arrêt. Si globules blancs inférieurs à 3 000 mm3 ou polynucléaires neutrophiles sous 1 500 mm3, le traitement est arrêté. Consulter rapidement en cas de symptômes pseudo-grippaux (fièvre, angine) et autres signes d’infection pouvant révéler une neutropénie. Le risque accru de myocardite ou de cardiomyopathie impose une surveillance cardiologique surtout les deux premiers mois. Consulter en cas de palpitations, douleurs thoraciques, dyspnée, tachypnée ou fatigue inexpliquée.

→ Délivrance : l’ordonnance doit mentionner la date de la NFS et des valeurs normales. La durée maximale de prescription est de sept jours pour les dix-huit premières semaines.

À RETENIR

→ La schizophrénie est une affection psychotique chronique qui touche environ 1 % de la population. Son origine méconnue impliquerait des composantes génétiques et environnementales.

→ Le symptôme caractéristique est la dissociation entre les affects, les pensées et les comportements, et entre la perception de l’environnement et le monde réel. Elle se manifeste par une ambivalence, une bizarrerie et un détachement de la réalité.

→ La personne présente deux types de symptômes : productifs, avec hallucinations, délire…, et déficitaires, avec repli sur soi progressif, capacités cognitives et réactions émotionnelles diminuées…

→ La prise en charge associe traitement médicamenteux avec neuroleptiques, surtout pour stabiliser ou atténuer la symptomatologie, la réadaptation individuelle par la psychothérapie ou la psychoéducation et l’aide à la formulation d’un projet de vie personnel compte tenu du handicap.

→ Le contact avec le patient peut être perturbé par les symptômes de la maladie, mais il n’est pas impossible.

→ Le maintien de la relation thérapeutique est primordial.

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