David, 24 ans, souffre d’un abcès dentaire - Porphyre n° 531 du 27/03/2017 - Revues
 
Porphyre n° 531 du 27/03/2017
 

Savoir

L’ordo

Auteur(s) : Florence Leandro

À la veille des vacances scolaires, David T., étudiant, a la joue toute gonflée et commence à ressentir de vives douleurs. Il est rapidement vu par son chirurgien-dentiste…

Ce que je dois savoir

Législation

Les chirurgiens-dentistes ont le droit de prescrire les médicaments nécessaires à l’exercice de l’art dentaire. Selon l’article L 4141-1 du code de la santé publique, cela comprend la prévention, le diagnostic et le traitement des maladies congénitales ou acquises, réelles ou supposées, de la bouche, des dents, des maxillaires et des tissus attenants.

Ils peuvent également désormais prescrire des substituts nicotiniques (Journal officiel du 27 janvier 2016).

Condiv

C’est quoi ?

Un abcès dentaire est une infection bactérienne localisée avec accumulation ou collection de pus et constitution d’une véritable « poche » remplie de microbes.

Les causes sont multiples, avec en premier lieu une carie non soignée. Dans le cas de David?T., il s’agit d’une dent de sagesse qui n’a pas encore complètement percé à la surface : les tissus qui la recouvrent se sont infectés, conduisant à l’abcès.

Quels sont les signes cliniques ?

Le patient ressent une douleur intense qui part de la dent mais « irradie » vers l’ensemble de la bouche et du crâne. œdème, fièvre, malaise, troubles du sommeil à cause de la douleur, trismus (voir Lexique), goût dans la bouche… sont également possibles.

Objectifs

• Une antibiothérapie rapidement mise en place, curative mais aussi préventive, afin de limiter la survenue de complications : la cellulite péri-maxillaire, qui correspond à la propagation de l’infection aux tissus mous péri-maxillaires ; la sinusite maxillaire, lorsque l’infection dentaire entraîne une inflammation de la muqueuse du sinus maxillaire tout proche ; des complications cardio-pulmonaires ou plus généralisées à type de septicémie.

• Le traitement médicamenteux est indissociable des soins réalisés au cabinet, comme le drainage de l’abcès, qui consiste à percer la « poche? » et à aspirer le pus. En général, il est inutile d’effectuer une anesthésie locale pour cet acte.

Médicaments

Spiramycine 1,5 M UI + métronidazole 250 mg (Bi Missilor)

Association synergique entre un macrolide, inhibiteur de la synthèse protéique, et un antibactérien antiparasitaire de la famille des nitro-5-imidazolés, réservée à la pathologie infectieuse bucco-dentaire. Elle s’utilise en cas d’infections bucco-dentaires et en prévention d’infections post-opératoires. Le princeps est le Birodogyl, qui, comme son nom l’indique, est deux fois plus dosé que Rodogyl.

Chlorhexidine 0,5 ml/100 ml + chlorobutanol 0,5 g/100 ml (Eludril Gé)

Association fixe de deux antiseptiques, le chlorobutanol ayant en plus une légère action analgésique. Traitement local d’appoint des affections buccales et en post-opératoire.

Ibuprofène

Anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) du groupe des arylcarboxyliques, agissant par inhibition enzymatique de la synthèse des prostaglandines. Essentiellement prescrit pour ses propriétés antalgiques et antipyrétiques.

Repérer les difficultés

• L’observance. Comme pour toute antibiothérapie, il s’agit de respecter les modalités de prise, et notamment la durée totale de la prescription, même si les symptômes ont disparu.

• Pas de précisions sur la quantité de solution du bain de bouche à utiliser. Par défaut, mais sans rien enlever à l’efficacité du produit, le plus faible niveau du gobelet-doseur, soit 10 ml, sera utilisé. Un flacon de 90 ml équivaut à trois jours de traitement. L’Eludril se dilue, contrairement à d’autres spécialités qui s’emploient pures (Paroex, Alodont…).

• Informer sur le risque de surdosage en ibuprofène. De nombreuses spécialités disponibles sans ordonnance en contiennent : Nurofen, AdvilTab, Ibupradoll… D’ailleurs, les AINS ne devraient pas être donnés en première intention en cas de douleurs dentaires, car ils peuvent masquer les signes de l’infection. En l’absence de prescription, opter pour le paracétamol.

Ce que je dis au patient

J’ouvre le dialogue

« Que vous arrive-t-il ? Que vous a dit le dentiste ? » évalue le niveau de connaissances de David?T. « Aviez-vous commencé à prendre des médicaments ? » permet de savoir si le patient a déjà pris des AINS et en a à la maison, ou s’il a commencé un antibiotique sans prévenir le dentiste. Dans tous les cas, faire preuve d’empathie : « Je comprends ce qui vous arrive, les douleurs dentaires sont souvent insupportables, mais rassurez-vous le traitement prescrit va vous aider à aller mieux très rapidement ».

J’explique le traitement

Mécanisme d’action

L’antibiotique détruit les microbes présents dans l’abcès. Le bain de bouche sert à désinfecter et renforce donc l’action de l’antibiotique oral. L’ibuprofène calme la douleur et la fièvre.

Modalités d’administration

• Bi Missilor : une prise au cours des trois principaux repas pour limiter les troubles digestifs.

• Eludril Gé : verser la solution dans le gobelet-doseur puis diluer avec de l’eau tiède. Effectuer un bain de bouche après le brossage des dents et un rinçage soigneux de la bouche à l’eau avant d’utiliser Eludril, en plusieurs fois si besoin, jusqu’à épuisement du liquide.

• Ibuprofène : en cas de douleur, une prise au cours d’un repas, même léger. À renouveler si nécessaire au bout de 6 heures minimum, et sans dépasser trois comprimés par jour.

Effets indésirables

• Bi Missilor : essentiellement dus au métronidazole, avec éventuellement troubles digestifs, goût métallique dans la bouche, coloration brun-rouge des urines, voire des troubles psychiques tels que vertiges, céphalées… Attention, pas d’alcool durant le traitement en raison d’un effet antabuse (voir encadré ci-contre).

• Eludril Gé : en cas d’utilisation au long cours, risque de coloration des dents, de dysgueusie, d’irritation des muqueuses et de déstabilisation de la flore buccale. À noter : informer les acheteurs réguliers d’Eludril de ne pas dépsser deux semaines de traitement et de recourir à d’autres produits adaptés à un usage quotidien.

• Ibuprofène : troubles gastro-intestinaux (nausées, vomissements, gastralgies, troubles du transit, voire ulcérations et hémorragies digestives), réactions allergiques cutanées, respiratoires ou généralisées. Une utilisation excessive des AINS a des effets délétères sur les fonctions rénale, cardio-vasculaire, immunitaire…

J’accompagne

Surveillance

Le traitement rapidement mis en place ne dispense pas de la prise en charge du facteur déclenchant. D’ailleurs, David?T. a rendez-vous très prochainement pour faire enlever sa dent de sagesse qui « n’a pas la place ».

Conservation

Pas de précautions particulières pour l’Eludril, même entamé. Par contre, il faut le tenir hors de portée des enfants, qui risqueraient de l’avaler. Éventuellement, ramener les antibiotiques non utilisés à la pharmacie afin d’éviter tout mésusage.

Hygiène de vie

Pas d’alcool pendant le traitement. Quant au nettoyage des dents, il s’effectue en douceur, à l’aide d’une brosse à dents souple. Rappeler les fondamentaux : brossage après chaque repas, pendant au moins deux minutes, et changer de brosse au moins tous les trois mois selon l’Union française pour la santé bucco-dentaire (UFSBD).

Vente associée

Conseiller un probiotique (Ultra levure, Probiolog…) en association à l’antibiothérapie afin de limiter le déséquilibre de la flore intestinale et les troubles associés. Une poche de thermothérapie (type Actipoche) employée en mode « froid » est aussi utile pour limiter la douleur et l’œdème.

Avec l’aimable relecture du Dr Philippe Desmoulins, chirurgien-dentiste à Marseille (13).

Prescription

Dr D., chirurgien-dentiste.

M. David T., 24 ans, 70 kilos, 1,75 m.

Ordonnance

• Bi Missilor

1 comprimé matin, midi et soir pendant 7 jours.

• Eludril Gé

1 bain de bouche matin, midi et soir pendant 7 jours.

• Ibuprofène 400

2 boîtes.

Le patient me demande

« Puis-je tout de même boire un petit verre ce soir pour fêter l’anniversaire d’un ami ? »

À vos risques et périls ! Le métronidazole présent dans le traitement antibiotique peut interagir avec l’alcool. L’effet obtenu est dit antabuse, avec des symptômes très désagréables, tels que chaleur, flushs (rougeurs), nausées et vomissements, tachycardie… Éviter de consommer boissons ou médicaments contenant de l’alcool le temps du traitement. En revanche, pas de risque avec l’alcool contenu dans le bain de bouche puisque la solution est recrachée.

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