Un épisode d’exacerbation de BPCO chez un homme traité - Porphyre n° 528 du 06/12/2016 - Revues
 
Porphyre n° 528 du 06/12/2016
 

Savoir

L’ordo

Auteur(s) : Florence Leandro*, Dr Alain Palot**

M. R., 60 ans, a une bronchopneumopathie obstructive de stade III traitée par Ultibro Breezhaler. Depuis une semaine, sa toux, avec des crachats verdâtres, le gêne. Il respire mal. Le médecin diagnostique une exacerbation.

Ce que je dois savoir

Législation

• Le matériel est bien prescrit sur une ordonnance distincte, avec le type d’appareil précisé.

• Les unidoses des bronchodilatateurs ipratropium, salbutamol et terbutaline, respectivement Atrovent, Ventoline, Bricanyl et génériques, sont à prescription restreinte, réservée aux pneumologues et aux pédiatres. Aucun problème avec l’ordonnance de Monsieur R. À savoir : depuis leur sortie de la réserve hospitalière, en 2006, ces unidoses sont parfois prescrites à tort par les généralistes avec la mention « urgence ». Or, elles peuvent juste être administrées par tout médecin intervenant en situation d’urgence ou dans le cadre d’une structure d’assistance médicale mobile ou de rapatriement sanitaire (art. R. 5121-96 du code de la santé publique).

Condiv

C’est quoi ?

• La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) est une affection respiratoire chronique d’installation lente mais peu ou pas réversible. Elle est caractérisée par une obstruction des voies aériennes et une baisse des débits aériens (voir La patho, Porphyre n° 518, décembre 2015).

• Elle touche surtout les fumeurs de plus de 40 ans comme M. R. et comprend quatre niveaux de sévérité. Le stade III définit une obstruction bronchique sévère, avec dyspnée d’effort.

Quels sont les signes ici ?

Les manifestations de M. R. depuis une semaine sont révélateurs d’un épisode d’exacerbation défini par une augmentation brutale des symptômes quotidiens persistant plus de 48 heures et/ou justifiant une modification du traitement. La toux est incontrôlable, les expectorations sont plus volumineuses et/ou purulentes, la dyspnée survient au moindre effort.

Objectif

• Cette prescription permet d’éviter une dégradation de l’état respiratoire (décompensation), voire une hospitalisation. Une décompensation survient quand s’ajoutent parfois des signes cardio-vasculaires et/ou neurologiques, avec un pronostic vital pouvant être engagé.

• Les séances d’aérosol vont améliorer l’obstruction bronchique consécutive à l’exacerbation.

• Les expectorations abondantes et purulentes sont en faveur d’une origine bactérienne, d’où la mise en place d’une antibiothérapie probabiliste avec l’amoxicilline en première intention(1).

Médicaments

Atrovent (ipratropium)

Cet anticholinergique entraîne une broncho-dilatation par inhibition des récepteurs muscariniques du muscle lisse bronchique.

Bricanyl (terbutaline)

Ce bêta 2-mimétique d’action brève est responsable d’une bronchodilatation par stimulation des récepteurs adrénergiques bêta 2 du muscle lisse bronchique.

Ces molécules agissent sur deux sites distincts et l’ipratropium intervient de façon plus tardive mais plus prolongée que la terbutaline.

Amoxicilline

Cette bêta-lactamine, pénicilline du groupe A, inhibe la synthèse de la paroi bactérienne.

Repérer les difficultés

Mise en place des séances d’aérosols

• Le recours temporaire à un nébuliseur pneumatique n’est bénéfique que s’il est utilisé correctement. Prendre le temps d’expliquer et de faire manipuler l’appareil, qu’il s’agisse d’une première délivrance ou non (lire Le matériel, Porphyre n° 519, février 2016). Le mélange des deux bronchodilatateurs est possible dans ce type d’appareil.

• L’embout buccal est plus efficace que le masque car il entraîne moins de déperditions et permet un meilleur dépôt pulmonaire.

Bon usage des antibiotiques

La répartition en trois prises quotidiennes est conforme aux recommandations. Cependant, la bi-prise est admissible, souvent prescrite pour faciliter l’observance.

Pour limiter les résistances, respecter la durée et la posologie du traitement même si « ça va mieux ».

Ce que je dis au patient

J’ouvre le dialogue

« Avez-vous déjà eu des séances d’aérosols ? » évalue bien que partiellement le degré de connaissance du patient. Monsieur R. en a déjà fait. S’assurer aussi de l’absence d’allergie aux pénicillines. Éviter de le culpabiliser et de dire : « Ne cherchez pas, c’est parce que vous continuez à fumer… » Monsieur R. vous demande « Dois-je continuer Ultibro Breezhaler ? » Même s’il n’y a aucune recommandation sur la poursuite ou non du traitement de fond durant l’exacerbation – ici l’association d’un anticholinergique (glycopyrronium) et d’un bêta 2-mimétique (indacatérol) -, mieux vaut l’encourager à poursuivre afin de garder l’habitude, sans risque d’augmenter les effets indésirables. Dites « Oui, continuez, mais si à la fin de la semaine vos troubles persistent ou se répètent, voyez votre pneumologue, qui pourra éventuellement modifier et renforcer le traitement de fond ».

J’explique le traitement

Mécanisme d’action

Les séances d’aérosols aident à mieux respirer, de façon plus efficace que le traitement habituel. L’amoxicilline est un antibiotique qui élimine les bactéries responsables des crachats verdâtres.

Horaires d’administration

• Nébulisation : mélanger une dosette de chaque médicament matin et soir. Inutile d’ajouter du sérum physiologique, d’autant que la prescription ne le mentionne pas car le volume de la solution et les performances de l’appareil suffisent. De plus, ajouter du liquide allongerait le temps de nébulisation. Bien refermer les lèvres autour de l’embout buccal. Respirer lentement et profondément, de préférence en position assise jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de brouillard qui sorte de l’appareil, dix à quinze minutes environ. Laver, rincer et sécher le matériel entre les séances.

• Amoxicilline : une prise au début de chacun des trois repas.

Effets indésirables

• Ipratropium : effets anticholinergiques locaux avec sécheresse buccale, troubles visuels en cas de projection dans l’œil, ou systémiques avec céphalées, tachycardie, constipation. Irritation pharyngée, bronchospasme possibles.

• Terbutaline : effets adrénergiques systémiques à type de tremblements, crampes, palpitations, céphalées.

• Amoxicilline : troubles digestifs avec diarrhées, nausées…mais à une fréquence bien moindre qu’avec l’association amoxicilline-acide clavulanique. Plus rares et plus graves : réactions allergiques ou diarrhées sévères (colite pseudomembraneuse).

J’accompagne

Surveillance

En cas de difficulté ou d’aggravation de la symptomatologie lors des séances d’aérosols, ou en cas de troubles cutanés ou digestifs sévères sous amoxicilline, contacter le médecin.

Conservation

Jeter le volume résiduel non nébulisé. Nettoyer, rincer et essuyer le matériel. Inutile de le désinfecter.

Hygiène de vie

• Bien s’hydrater pour fluidifier les sécrétions. Ne pas se retenir de tousser et de cracher. Pas d’antitussifs ni de fluidifiants bronchiques en plus du traitement prescrit.

• Rappeler que l’arrêt du tabac pendant l’épisode d’exacerbation est essentiel pour optimiser l’efficacité du traitement.

Vente associée

L’exacerbation pouvant mettre le patient « à plat » plusieurs jours ou semaines, conseillez complexes vitaminiques, produits de la ruche… pour la convalescence. De même, des probiotiques en association au traitement antibiotique et des substituts nicotiniques pour moins fumer (lire Porphyre n° 527).

(1) Guide parcours de soins Bronchopneumopathie chronique obstructive, Haute Autorité de santé, juin 2014.

Prescription

Dr P., pneumologue

M. Francis R., 60 ans, 80 kg, 1,72 m.

Ordonnance 1

• Location d’un appareil générateur d’aérosols par nébulisation pneumatique.

7 jours.

• Embout buccal.

Ordonnance 2

• Atrovent 0,5 mg/2 ml.

• Bricanyl 5 mg/2 ml. 1 dosette de chaque en nébulisation deux fois par jour.

7 jours.

• Amoxicilline 1 g sachet.

3 fois par jour.

7 jours.

À savoir

→ Les patients atteints d’une BPCO sont aussi à risque accru de morbi-mortalité due aux infections à pneumocoques. La vaccination par Pneumo 23 est également recommandée.

Le patient me demande

« J’ai reçu le bon de l’Assurance maladie pour la grippe, dois-je vraiment faire le vaccin ? »

Les pathologies respiratoires chroniques comme la BPCO rendent plus fragiles vis-à-vis du virus de la grippe. Il est ainsi recommandé de se faire vacciner tous les ans. Par contre, mieux vaut attendre la fin de l’épisode d’exacerbation avant de le faire. Je vous conseille également de parler à votre médecin traitant du vaccin contre le pneumocoque, une bactérie dont le risque infectieux augmente en cas de BPCO (voir À savoir).

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